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Dans l’enfer du Tramadol, cette drogue qui rend accro (Vidéo)

Tremblements, sueurs…

A Gond-Pontouvre, Laura, une jeune vendeuse de 26 ans, est toujours là. Tout a commencé par une tentative de suicide en 2019. La jeune femme tente de s’ouvrir les veines. Sa douleur au bras ne disparaît pas et elle prend du Tramadol. « Personne…

Tremblements, sueurs…

A Gond-Pontouvre, Laura, une jeune vendeuse de 26 ans, est toujours là. Tout a commencé par une tentative de suicide en 2019. La jeune femme tente de s’ouvrir les veines. Sa douleur au bras ne disparaît pas et elle prend du Tramadol. « Personne ne m’a prévenu que je pourrais être accro. » Après quelques semaines de traitement, elle a tenté d’arrêter mais n’y est pas parvenue. Elle reçoit de nouvelles ordonnances.

Non loin de là, à Champniers, Marlène raconte les affres du manque. Après neuf mois de prise quotidienne, ses douleurs faciales ont disparu. Elle essaie de s’arrêter. Tout seul. « Très mauvaise idée. J’ai soudainement eu la grippe. J’avais des tremblements, des sueurs, bref un syndrome de sevrage avec aussi des douleurs rénales. » Elle se rend aux urgences, elle explique sa situation. Le médecin comprend. Commence alors un arrêt par étapes, décroissant. Il lui faudra neuf mois pour s’en sortir.

« Parfois, je n’avais aucune douleur mais j’en prenais quand même pour anticiper la douleur. »

Aujourd’hui, elle témoigne « pour que les gens comprennent que ce n’est pas un simple médicament. On ne peut pas s’arrêter d’un coup, c’est trop dangereux. » Ce n’est pas Séverine Auduberteau qui dira le contraire. « C’est de la merde! » Cette aide médico-psychologique est intervenue après une hystérectomie, une ablation de l’utérus. «J’ai pris du Tramadol pendant presque un an. » Pour soulager la douleur, elle augmente les doses. Pour retrouver à chaque fois cet « effet coton plutôt sympa ». Comme un joint. « Parfois, je n’avais pas de douleur mais j’en prenais quand même pour anticiper la douleur. » Et puis un jour, quelque chose a cliqué.

Séverine tombe sur la série Painkiller, diffusée sur Netflix, qui raconte la crise des opioïdes aux Etats-Unis. « Là je me suis dit, il faut que j’arrête, je ne veux pas devenir comme ça. » Pour elle aussi, le retrait se transforme en épreuve. « Des sueurs nauséabondes, des spasmes dans les jambes, la sensation d’avoir des animaux dans mon corps… Je passais mon temps sous la douche à pleurer, j’étais irritable… Mais cette série m’a aidée. » Elle a ensuite progressivement réduit les doses et, non sans difficulté, a fini par s’en sortir.

3 minutes pour en avoir

A compter du 1er décembre 2024, les médicaments contenant du tramadol, de la codéine et de la dihydrocodéine ne seront délivrés que sur présentation d’une ordonnance sécurisée. Et ce, afin d’éviter les abus… Ce type de prescription doit répondre à des critères visant à la rendre infalsifiable : mention d’informations obligatoires pré-imprimées en bleu pour identifier le prescripteur, apparition d’un filigrane représentant un caducée, présence de carrés en micro-lettres, grammage minimum fixé à 77 g/m2… La posologie, la posologie et la durée du traitement doivent être inscrites en toutes lettres. CL a pu constater que pour l’instant, il est très simple d’obtenir du Tramadol avec une simple consultation vidéo. En faisant état d’un mal de dos – inexistant – lors d’une téléconsultation via l’application Qare, il nous a été possible d’obtenir une boîte de cet opiacé en trois minutes. « C’est lamentable… », déplore Séverine Auduberteau.

A Gond-Pontouvre, Laura n’est pas là. Elle raconte des mensonges. « J’ai menti au médecin pour obtenir des ordonnances. J’ai dit que j’avais mal alors que ce n’était pas vrai. » À chaque fois, elle repart du cabinet avec une ordonnance pour cet opiacé. Comme un médicament remboursé par la Sécurité Sociale. Pour être plus discrète, elle est aussi rusée. «Je demande aux gens autour de moi d’aller chez le médecin et de le demander. » Et ça marche. Laura leur achète alors les boîtes de Tramadol. 2 € la boîte pour un, 10 € pour trois pour un autre. « Je ne peux pas m’en débarrasser. » Parfois, elle dit qu’elle en prend jusqu’à dix par jour. « Je me sens bien, j’ai l’impression que je peux tout faire, j’ai une énergie folle. Maintenant, je suis sous Tramadol et j’ai envie de continuer, ça me booste. J’en suis à un stade où j’en prends quatre. Parfois le soir avant de dormir, et je me réveille la nuit pour le prendre. » A l’inverse, les pensées noires l’envahissent lorsqu’elle diminue.

Perte de mémoire

Tous trois évoquent également des pertes de mémoire. Les trois bâtonnets de beurre achetés successivement par Marlène. Et cette histoire de Laura : « L’autre jour, j’étais au téléphone avec ma mère et d’un coup, je n’étais plus là, je pliais mon linge. Sauf que je ne comprenais pas pourquoi je n’étais plus en ligne avec elle, car pour moi, on n’a jamais raccroché. J’ai dû la rappeler et c’est elle qui m’a dit que nous avions dit au revoir et qui a raccroché. Sauf qu’à ce jour, je n’en ai toujours aucun souvenir.  » Arrêt? « Je ne peux pas le faire pour le moment, car je ressens le besoin de maintenir un certain équilibre dans ma vie. »

De plus en plus de patients en addictologie à Camille-Claudel

A Camille-Claudel, dans son service addiction, le Dr Philippe Batel accueille « de plus en plus » de patients accros au Tramadol. Il note que le sevrage peut paraître aussi compliqué que pour l’héroïne. Lorsque les patients sont hospitalisés, l’idée est de réduire progressivement les doses ou de remplacer le Tramadol par de la méthadone. Comme le font les héroïnomanes. «C’est une longue négociation», a-t-il déclaré. Il cite l’exemple d’un patient identifié par la CPAM. L’Assurance maladie a en effet constaté dans son dossier un grand nombre de remboursements de Tramadol. Et l’a renvoyée à la dépendance. « Désormais, elle n’a qu’un seul prescripteur et une seule pharmacie. Et si on lui prescrit ailleurs, ce n’est pas remboursé», explique Philippe Batel. Qui n’est pas dupe. « On sait qu’elle se l’est fait prescrire par son mari… Et elle nous le raconte avec un plaisir absolu. » Il se souvient aussi de ce patient souffrant de douleurs au cou qui préférait « faire son Tramadol » plutôt que de faire une radiographie du cou… « Il n’a jamais exploré les causes de ses douleurs. Mais il a du mal à se l’admettre… »
Pendant le traitement, les addictologues travaillent en collaboration avec des algologues, spécialistes de la douleur. « Il y a une équipe remarquable au centre clinique. »
De son côté, le médecin généraliste Louis-Adrien Delarue « ne voit pas bien » ce médicament et ce « depuis longtemps ». » Il cite les effets indésirables : « il y a bien sûr une dépendance mais aussi une addiction ». Pour retrouver l’effet, vous devez augmenter la dose. « Cela peut également provoquer un arrêt cardiaque et des problèmes neurologiques. Lors de la prescription, il faut un vrai discours du médecin. » Pour lui, le Tramadol est « trop banalisé par des médecins qui ne se forment pas assez, qui ne regardent pas assez les études. » Et cet opiacé ne devrait arriver « qu’en deuxième ou troisième intention après des échecs thérapeutiques. » Il estime que la nouvelle réglementation avec des prescriptions sécurisées « est une bonne nouvelle collective. C’est une excellente idée qui va dans le bon sens. Ce sera un signal adressé aux jeunes générations de médecins pour qu’elles ne banalisent pas la question. »

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.

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