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Dans la rue, un peuple de gauche révolté par la nomination de Barnier

A l’appel des syndicats étudiants, les gens de gauche étaient présents en masse partout en France pour manifester contre le coup d’Etat d’Emmanuel Macron deux mois après les législatives. A l’initiative des Insoumis, un mot d’ordre résonnait : celui de la destitution du président.

Pour cette rentrée, ils n’avaient pas l’intention de jouer les bons élèves. Surtout pas après la nomination de Michel Barnier comme Premier ministre, au détriment de Lucie Castets. Dans une ambiance bon enfant, 300 000 personnes partout en France (selon les organisateurs) ont répondu à l’appel à manifester du Syndicat des étudiants et de l’Union des lycéens (USL). Si l’initiative a été soutenue par Génération.s, le Parti communiste et les écologistes, c’est surtout La France Insoumise, présente en bloc, qui a réussi à imposer son mot d’ordre dans le cortège : la destitution d’Emmanuel Macron.

Car après l’interminable feuilleton politique de cet été, le sentiment de trahison a été exacerbé par la nomination de l’ancien négociateur du Brexit comme « Premier désastre »comme l’indique un panneau. « Les gens d’en bas sont ici ! »prévient la pancarte de Nathalie, répondant à la formule malheureuse de Michel Barnier, lors de sa passation de pouvoir jeudi dernier. Originaire de Mantes-la-Jolie (Yvelines), cette militante insoumise de 57 ans entend régler ses comptes avec celui qui a pourtant promis de ne pas perpétuer le mépris verbal des macronistes.

Sentiment de trahison

« Nous avons été en contact lorsqu’il a prononcé cette phrase. Que signifie être d’en bas ? » Elle proteste. Une formule malavisée qui ajoute au problème de fond : l’impression de s’être fait voler son vote. « Nous avons voté à gauche, nous nous retrouvons avec un Premier ministre de droite » « , déplore l’employé de banque. Pire : « soutenu par l’extrême droite ». Car sans son consentement, la nomination de Barnier n’aurait pas été possible. Alors Nathalie explose : « Qu’est-ce qui l’a poussé à aller vendre son âme au diable ? »

La manifestation n’a pas encore tout à fait commencé, Charlotte en profite pour se positionner à côté du camion scène mobile, « Arrêtons le coup d’État de Macron ».Où les discours se succèderont, dont celui de Jean-Luc Mélenchon. Elle a opté pour l’humour :  » C’est avec une grande joie que Marine et Emmanuel vous annoncent la naissance de Michel « , dit ironiquement sa pancarte.

Vêtu d’une chemise colorée et d’une banane tordue, le retraité d’origine allemande proteste contre le choix arbitraire d’Emmanuel Macron. «  ce qui n’aurait jamais été possible en Allemagne. « La presse allemande est très choquée par le fait que le Premier ministre ne soit pas issu de la majorité ! ». Parce que tout le monde, ce jour-là, aurait aimé voir Lucie Castets à Matignon. La suite logique du résultat du 7 juillet. Nous nous sommes mobilisés comme jamais à gauche, et le monarque balaie tous nos efforts en utilisant des outils constitutionnels. « , regrette Charlotte. C’est donc au tour des gens de gauche de mobiliser selon elle la loi fondamentale. Et son article 68, qui régit la procédure de destitution du président.

Censure gouvernementale ou destitution ?

La foule frémit, l’arrivée du tribun frondeur est annoncée. Fidèle à sa réputation, Jean-Luc Mélenchon harangue la foule avec son phrasé percutant. « Il est vain de croire que nous pourrons vaincre ce peuple, imprégné de cette histoire. »commence l’ancien socialiste. « Personne ne dit que M. Barnier est responsable de la situation. Ils disent tous que c’est Macron. Donc si Macron est responsable, c’est lui qui doit partir, et personne d’autre ! »exhorte Mélenchon. Macron démissionne ! « , répond la foule à l’unisson. « C’est le slogan que désormais, à chaque occasion et quel que soit le sujet, nous crierons dans la rue ! »

Bien que conquis, les supporters ne sont pas dupes non plus. Lucas, Antonin et Jules, 20 et 22 ans, sont venus, exaspérés d’être « cracher dessus » pendant deux mois par le président. Ils ont écouté attentivement les propos de l’ancien candidat à la présidence. Mélenchon a raison, mais il est dommage qu’il faille les deux tiers du Sénat pour que la motion soit adoptée… « Une bonne idée, mais qui risque à leurs yeux de ne pas aboutir. « Comme toutes les bonnes idées de la gauche. Mais nous nous battons pour les rendre réalisables ! »

 » Cet appel à la démission est très mobilisateur. « , analyse Jérôme Legavre, député insoumis de Seine-Saint-Denis. Selon un sondage réalisé par Elabe le 28 août, 49 % des Français se disent favorables à une motion de destitution.  » Les gens ne supportent plus le coup d’Etat mené par Macron après les législatives. Ils sont exaspérés.  » explique ce trotskiste.

Poursuivre la mobilisation dans les rues

Un grain de pluie recommence. Trois jeunes lycéennes enfilent leur poncho. Venues de Rosny-sous-Bois (93), elles ont répondu à l’appel du Syndicat des lycéennes. Même si les trois amies n’ont pas voté, elles ont quand même l’impression qu’on leur a volé l’élection, « dégoûté » par ce compromis avec l’extrême droite. Le problème avec une simple motion de censure contre Barnier, c’est que Macron pourra renommer un gouvernement comme il le souhaite. « , pense Lisa. « C’est pourquoi l’idée d’une motion de destitution est intéressante, même si elle semble difficile à réaliser. »poursuit son amie Cécile.

Présent avec d’autres élus communistes, Léon Deffontaines a également eu droit à sa parole. « Nous avons deux moyens d’agir aujourd’hui : la motion de censure à l’Assemblée, et la motion populaire, en utilisant tous les moyens, comme la grève » il explique à Humanitétout en étant convaincu que s’il existe un plan de destitution, les communistes voteront sûrement pour. Mais cela ne doit pas être notre seule issue. « D’où l’importance d’obtenir des victoires dans la rue, « et de poursuivre la mobilisation avec les syndicats le 1er octobre. »

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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