« Tu ne peux pas traiter les gens comme ça ! » Le pittoresque village anglais de Friston est le théâtre d’une révolte contre un projet d’infrastructure d’énergie éolienne, dénoncé comme une « catastrophe » écologique et touristique.
Porté par l’entreprise énergétique National Grid, ce projet éolien offshore de grande envergure a reçu le soutien du gouvernement travailliste actuel, ainsi que de son prédécesseur conservateur. L’objectif : décarboner l’approvisionnement en électricité d’ici 2030.
Les habitants de cette région de l’est de l’Angleterre, interrogés par l’AFP, disent soutenir cette transition vers les énergies renouvelables… mais refusent l’installation d’infrastructures terrestres destinées à assurer le raccordement du parc éolien au réseau électrique. Ils estiment qu’elles défigureraient leurs paysages bucoliques et qu’il existe des alternatives.
La construction de ces nouvelles installations, notamment des tranchées pour câbles nécessaires au transport de l’électricité produite, nécessitera des années de travaux importants dans cette zone touristique. Outre ses stations balnéaires prisées, la région abrite également de nombreuses espèces d’oiseaux protégées.
« Pas dans mon jardin » ?
Les habitants de ce hameau de 341 âmes se retrouvent accusés de souffrir du syndrome « Nimby » (acronyme de « Not In My Back Yard »), l’attitude de ceux qui contestent un projet parce qu’il doit être construit sur leur territoire, mais qu’ils accepteraient s’il était réalisé ailleurs.
Une étiquette qui les fait hérisser : « On nous ridiculise en nous appelant « Nimbys » »s’insurge Fiona Gilmore, ancienne conseillère stratégique auprès des pays émergents, qui a créé le groupe Suffolk Energy Action Solutions (SEAS) en 2019.« C’est juste une façon de discréditer nos préoccupations légitimes pour la nature et l’environnement », elle se lamente.
Le groupe préconise que toutes les infrastructures soient installées en mer, arguant que cela serait moins destructeur et plus efficace. Les militants de SEAS soutiennent que plusieurs pays proches du Royaume-Uni, comme le Danemark, les Pays-Bas et la Belgique, construisent déjà des centres offshore, et que le Royaume-Uni pourrait faire de même.
Adam Rowlands, de la Royal Society for the Protection of Birds (RSPB), estime que le différend va au-delà d’une «« problème local simple »et représente un risque réel pour la réserve naturelle voisine de North Warren.
La RSPB « Nous sommes pleinement conscients de la nécessité de transformer notre réseau et nos infrastructures énergétiques », M. Rowlands l’assure. « Mais nous devons le faire d’une manière qui n’aggrave pas la crise de la biodiversité »il ajoute, soulignant que les options offshore présentent également des inconvénients pour l’écologie marine.
L’acteur Ralph Fiennes (« The Grand Budapest Hotel », « L’Homme qui vint à Manhattan »…), qui a passé sa petite enfance sur la côte du Suffolk, a repris le combat. « Oui, oui, oui à l’énergie verte, sans elle, la planète serait un million de fois perdue« , dit-il dans un court métrage qu’il a lui-même réalisé, qui met en évidence le coût écologique de ces projets.
Le sentiment de ne pas être « écouté »
« Mais notre lien humain très réel avec la côte sera complètement sapé si nous ne mettons pas en œuvre cette énergie verte vitale avec une vision avant-gardiste et respectueuse de l’environnement », Les autorités restent cependant inflexibles. Cette semaine, le ministre de l’Energie Ed Miliband a rejeté les appels des militants demandant une pause pour reconsidérer les plans.
Mardi, il a promis de « pour s’attaquer à ceux qui bloquent, à ceux qui retardent, à ceux qui font obstruction. »
Pour les militants, il y a un problème de méthode. Car, disent-ils, bien qu’ils aient passé des heures à préparer les dossiers pour les différentes audiences organisées dans le cadre du processus de planification, ils ont le sentiment de ne pas être suffisamment informés. « ne pas avoir été écouté« . Les habitants de Friston « Je vis avec ce cauchemar depuis plus de cinq ans »insiste Mme Gilmore. « Tu ne peux pas traiter les gens comme ça ! »
Une autre militante, Charlotte Fox, une anesthésiste en soins intensifs à la retraite, a déclaré à l’AFP qu’elle avait initialement accepté la décision de National Grid, estimant que l’entreprise et le gouvernement travaillaient dans l’intérêt national.
Mais après avoir fait quelques recherches, elle a senti qu’il y avait une solution « une alternative parfaitement viable, moins chère, meilleure et plus rapide »au projet actuel. « A quoi bon provoquer toutes ces destructions et endommager la biodiversité que nous cherchons avant tout à sauver ? »elle demande.
GrP1