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Dans ce pays, il y a cinquante ans, il était illégal… d’être moche – Ouest-France édition du soir

Dans ce pays, il y a cinquante ans, il était illégal… d’être moche – Ouest-France édition du soir

Il fut un temps, pas si lointain, où « toute personne malade, estropiée, mutilée ou déformée au point d’être un objet disgracieux ou répugnant » avait interdiction de paraître en public… C’est l’histoire des cruelles « lois moches », en vigueur aux États-Unis jusque dans les années 1970.

C’est une réalité intemporelle, appuyée par de nombreuses études : de l’école au travail, la société rend la vie difficile à ceux qui s’écartent de ses standards de beauté. Difficile pourtant d’imaginer qu’être laid fasse de quelqu’un un hors-la-loi.

Et pourtant. Dès la fin du XIXe siècleet Du 19e siècle jusqu’aux années 1970, aux États-Unis, une apparence physique jugée disgracieuse pouvait vous exclure de la vie publique. Rien que ça. Les soi-disant « lois moches » ordonnaient aux personnes souffrant de handicaps visibles de rester hors de vue, rappelle le média National Geographic .

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Résultat ? Les vendeurs ambulants, les mendiants et les artistes handicapés ont été chassés de l’espace public. Rejetés, et donc privés de leur seule source de revenus.

Première en Californie

La première de ces lois a été adoptée à San Francisco, en Californie, la première ville à criminaliser le fait de « exposition à la vie publique » de toute personne « malade, estropié, mutilé ou déformé au point d’être inesthétique ou dégoûtant ». D’autres villes ont ensuite pris goût à cette épuration esthétique. Parmi elles, Chicago (Illinois), Portland (Oregon) et La Nouvelle-Orléans (Louisiane).

Mais qu’est-ce qui pouvait rendre acceptable cette exclusion délibérée ? D’abord, le dégoût. Certains justifiaient ces mesures par des raisons de santé publique, persuadés à tort que le handicap était contagieux. D’autres avançaient l’argument que des personnes faussement handicapées pouvaient exploiter la compassion publique pour soutirer de l’argent.

Junius Henry Browne, dans La grande métropoleDans ses mémoires sur sa vie à New York, il écrit : « Quand vous êtes sur le point de dîner ou de rendre visite à votre bien-aimé, ou quand vous avez composé dans votre esprit la dernière strophe du nouveau poème qui vous a donné tant de mal, il n’est pas agréable d’être confronté à un spectacle détestable. ».

Des mots qui font froid dans le dos… Mais qui ne détonnent pas, dans le contexte d’une régulation nationale des comportements publics. Car dès la fin du XIXe siècleet Au début du XXe siècle, en plein exode rural, les normes sociales ont pris un poids plus important aux quatre coins des États-Unis. Des « lois moches » ont ainsi pris place parmi d’autres lois, visant notamment l’immigration, l’intégration raciale et le vagabondage, toutes étroitement liées à notre cas.

L’âge d’or de l’eugénisme

Ces mesures sont corrélées avec l’âge d’or d’une idéologie politique très particulière : l’eugénisme. Elle repose sur l’idée d’une hiérarchie des membres de la société, selon leurs caractéristiques naturelles, distinguant les éléments génétiquement « inférieurs » ou « supérieurs »…

On aurait aimé que cette politique ne soit qu’une dystopie sortie de l’esprit d’un brillant auteur. Hélas, les États-Unis de Theodore Roosevelt l’ont effectivement mise en œuvre en 1907. La stérilisation des « faibles d’esprit », des criminels et des personnes handicapées était alors de mise.

Des mesures d’un autre temps, dont certaines identifient cependant un héritage dans les pratiques contemporaines. En ce sens, les associations dénoncent les politiques urbaines, visant à dissuader les personnes jugées indésirables d’occuper les trottoirs pour s’y asseoir ou y dormir. D’une certaine manière, ces mesures perpétuent une forme d’exclusion des plus vulnérables.

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Heureusement, ces « lois laides » ont aussi été un catalyseur pour le militantisme en faveur des droits des personnes handicapées. Dans les années 1970, les militants américains ont utilisé leur existence comme preuve de la nécessité de protéger juridiquement les personnes handicapées.

Une protection qui viendra, avec la Loi sur la réhabilitation à partir de 1973, puis leLoi sur les Américains handicapés en 1990, interdisant la discrimination fondée sur le handicap dans l’emploi, le logement et les services publics.

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