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L’attentat de Moscou « financé » par une société ukrainienne « liée à Biden » ? Ce que l’on sait de cette accusation

Des internautes affirment ce mardi que les enquêteurs russes ont lié l’attaque près de Moscou à Burisma Holdings.
Une enquête pénale a bien été ouverte contre cette société privée ukrainienne, mais sans lien avec l’attaque de l’hôtel de ville de Crocus.
Cette entreprise est au cœur de spéculations qui n’ont jamais été étayées par aucune preuve.

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Les informations scrutées

Après trois semaines d’enquête, rien ne permet de relier directement ou indirectement l’attentat de Moscou à l’Ukraine ou à l’Occident. Pas de quoi empêcher les relais pro-russes de continuer à alimenter cette piste relayée par nombre de responsables gravitant autour du Kremlin. Ce mardi 9 avril, un internaute identifié dans le passé pour avoir partagé de fausses informations en provenance de Russie affirme que l’attentat meurtrier du 22 mars à l’hôtel de ville de Crocus « a été payé par la société pétrolière et gazière ukrainienne Burisma Holdings » ce qui, précise-t-il, citant le « Comité d’enquête russe »serait elle-même « Lié à Biden ». Une accusation qui soulève plusieurs questions.

Cet internaute affirme à tort que les enquêteurs russes ont lié l’attaque de l’hôtel de ville de Crocus, dans la banlieue de Moscou, à la société ukrainienne Burisma Holdings, mardi 9 avril 2024 – Capture d’écran / Les Vérificateurs

Revenons d’abord à l’objet de l’enquête. Dans une vidéo officielle accompagnée d’un communiqué, ledit « Comité » a en effet annoncé mardi l’ouverture d’enquêtes sur « Financement du terrorisme » au nom de l’Ukraine. Lancé dans le cadre d’un « demande des députés de la Douma »ils visent à « examiner les sources et les mouvements de fonds s’élevant à plusieurs millions de dollars américains et l’implication de collaborateurs des autorités et des organisations publiques et commerciales des pays occidentaux ».

Directement visée : la société ukrainienne Burisma Holdings. Cette société gazière basée à Kiev – mais enregistrée à Chypre – est accusée par Moscou d’avoir servi d’intermédiaire pour les fonds utilisés « ces dernières années, pour commettre des actes terroristes en Russie et à l’étranger ».

Spéculations et exagérations

Alors, quel est le lien entre l’entreprise et l’attentat contre la salle de concert de Moscou ? Aucun. L’attaque n’est jamais évoquée par la commission d’enquête russe, dans sa vidéo ou son communiqué, les accusations portant plutôt sur « actes terroristes » visant à « élimination de personnalités politiques et publiques de premier plan »en plus de provoquer « préjudice économique ».

Les internautes prennent donc un raccourci, en s’appuyant sur les spéculations de la presse russe et des personnalités proches du pouvoir. Parmi eux, ceux d’un « correspondant militaire » régulièrement repris par les relais pro-russes en Europe, selon qui «l’attaque terroriste à Crocus a été financée par la société ukrainienne Burisma Holdings». Dans un message publié sur Telegram, il ajoute que l’Ukraine a déjà commis ce type d’abus dans le Donbass. Au cœur du vaste réseau de propagande appelé « Portal Kombat », un blog écrit indique que la procédure a été ouverte « après l’attaque terroriste contre l’hôtel de ville de Crocus », insinuant qu’il y aurait un lien entre l’enquête et l’attentat.

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Ensuite, sur quelles preuves les enquêteurs s’appuient-ils ? Impossible de le savoir. La commission d’enquête russe n’a présenté aucun élément du dossier, indiquant simplement que les enquêtes avaient été lancées à la demande des députés de la Douma. Pas un seul indice n’a non plus été divulgué dans la presse russe. Pas plus que sur les comptes Telegram des relais du Kremlin, qui diffusent pourtant les vidéos de l’interpellation des suspects de l’attentat quelques minutes après leur interpellation.

Enfin, pourquoi les internautes mentionnent-ils « Biden » ? Car le fils du président américain, Hunter Biden, a effectivement siégé au conseil d’administration de Burisma Holdings de 2014 à 2019. Un passé professionnel qui est aussi l’un des sujets de prédilection des influenceurs pro-russes aux Etats-Unis et du pro-russe. Trump, une frange du parti républicain, qui s’appuie sur lui pour accuser la famille Biden de transactions douteuses.

Là encore, les éléments manquent. Une enquête conjointe de deux commissions sénatoriales républicaines publiée en septembre 2020 n’a trouvé aucune trace d’actes répréhensibles de la part du président américain. Une deuxième enquête, menée par le comité de la Chambre républicaine sur l’ensemble de la famille Biden et rendue publique en décembre dernier, n’a rien révélé non plus. Au contraire, Alexander Smirnov, un ancien informateur du FBI, a été arrêté en février dernier pour avoir fabriqué de fausses preuves pour étayer ces accusations.

DOSSIER – Après l’attentat de Moscou, les Russes face à l’histoire du KremlinSource : Actualités 13h Semaine

En résumé, les internautes non seulement font un raccourci trompeur entre l’ouverture d’une enquête sur Burisma Holdings et l’attentat de Moscou, mais ils pointent directement du doigt, à tort, la famille Biden, le fils du président américain qui ne siège plus au conseil d’administration de la société depuis 2019. La commission d’enquête russe n’a présenté aucun élément du dossier. C’est pourquoi ces accusations sont jugées « absurde » du côté de la Maison Blanche.

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Félicia SIDERIS

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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