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Dans « Back to Black », Marisa Abela crève l’écran en Amy Winehouse, dans une fiction peu fidèle à la réalité

Oui, Amy Winehouse était unique à tous points de vue. Et cette artiste rebelle qui met tant d’elle-même dans ses chansons est irremplaçable, c’est indiscutable. Il va maintenant falloir vous détendre un peu si vous envisagez de voir ce film. Parce que ce n’est pas un documentaire – Asif Kapadia a déjà fait le boulot dans le fantastique Amy, sorti en 2015, et a remporté de nombreux prix, dont l’Oscar du meilleur documentaire.

Plus qu’un biopic, Retour au noir, en salles mercredi 24 avril, est à aborder plutôt comme une histoire d’amour inspirée de celle, éminemment destructrice, tumultueuse et médiatisée, d’Amy Winehouse et Blake Fielder-Civil, mariés en 2007 (et dont elle a divorcé en 2009 à sa demande pour lui). Car c’est l’angle qu’a choisi le réalisateur Sam Taylor-Johnson pour raconter l’histoire de la superstar anglaise à la voix rocailleuse, décédée prématurément en 2011 à l’âge de 27 ans.

Dans le film on découvre une Amy Winehouse à peine sortie de l’adolescence, encore timide, dans une famille juive du nord de Londres. Une famille dans laquelle on aime le jazz, en particulier sa grand-mère bien-aimée Cynthia, qui était chanteuse – son modèle de style et son « icône tout » –, et son père Mitch, un chauffeur de taxi qui aime fredonner Envole-moi vers la lune dans la version de Sinatra.

La vraie Amy, son charisme incroyable, sa voix unique, son écriture sincère, à la fois cash et nerveuse, son attitude, sa passion, son humour, sa folie : il fallait du courage pour oser l’incarner. La prometteuse Marisa Abela, 27 ans, déjà repérée outre-Manche dans la série Industrie, est bien plus convaincant que dans la bande-annonce.

Elle fait irruption à l’écran et fait un travail absolument remarquable, y compris au micro : outre l’accent cockney nécessaire pour incarner la Londonienne, elle interprète elle-même toutes les chansons du film, de Plus fort que moi, a Désintox En passant par Retour au noir, un véritable tour de force ! Certes, il est moins mordant et électrisant que l’original. Mais parce qu’on la découvre très jeune dans Amy et qu’on suit son évolution, y compris sa transformation physique (choucroute et eye-liner rétro fort, tatouages, minceur, tenues sexy), on se prend vite au jeu et on y croit.

Réalisateur Sam Taylor-Johnson (Un garçon de nulle part sur la jeunesse de John Lennon et Cinquante nuances de gris) dit qu’il voulait faire ce film du point de vue d’Amy. Marisa Abela prête donc ses traits à Amy l’amante fougueuse et vulnérable, mais beaucoup moins à Amy la grande gueule au caractère bien trempé. On voit brièvement son côté intransigeant et combatif, notamment auprès des représentants de l’industrie du disque – elle répète à son premier manager qu’elle n’est pas une Spice Girl, et qu’elle n’aspire ni à la gloire ni à l’argent – mais on ne voit guère son travail et son Normes professionnelles. Ce n’est évidemment pas le sujet du film.

Pourtant, on comprend bien comment son deuxième album, le triomphal Retour au noir aux 5 Grammy Awards, a été alimenté par son histoire d’amour toxique avec Blake. « J’ai besoin de vivre mes chansons »dit-elle dans une scène du film.

Son ex et son père épargnés par le réalisateur

Sam Taylor-Johnson dépeint avec brio le coup de foudre et l’ivresse d’un amour naissant. La scène de rencontre des deux tourtereaux, que l’on sent mutuellement aimantés, est particulièrement délectable. Cependant, qu’il s’agisse de l’amour de votre vie ou de votre père Mitch, vous devez vous armer d’une bonne dose d’amnésie et oublier tout ce que vous savez ou pensez savoir de négatif à leur sujet. . Les deux survivants de ce gâchis, que le documentaire d’Asif Kapadia bouleversait et révélait comme de vils opportunistes, sont en fait particulièrement épargnés par le film de Sam Taylor-Johnson.

Le père d’Amy Winehouse, longtemps absent et revenu à sa vie une fois qu’elle a connu du succès, est joué dans Retour au noir par l’excellent Eddie Marsan, qui le rend éminemment sympathique. Un père aimant, dépassé par les addictions de sa fille, devenu soudain le chanteur le plus célèbre de la planète.

De son côté, Jack O’Connell, qui prête ses traits à Blake, en fait un charmant bad boy, qui, bien qu’il initie Amy aux drogues dures, se révèle presque plus raisonnable que celui dont il semble avoir réveillé les démons. . « Drogues dures, drogues racailles », lui dit-elle peu après leur rencontre, lorsqu’il lui propose de la drogue. « Je pensais que tu étais rock’n’roll », il est surpris. « je suis du jazz », répond Amy. Hélas, elle le suit bientôt tête baissée dans ses addictions.

Une théorie de la chute très discutable

Le réalisateur montre une jeune femme rongée par la passion, consommée par l’alcool et la drogue, affaiblie par des troubles alimentaires, et le déclin rapide qui s’ensuit. Mais elle nous épargne les derniers concerts erratiques où Amy, totalement ivre, allait jusqu’à oublier les paroles et les noms de ses musiciens. Nous lui en sommes reconnaissants. Car personne n’a oublié à quel point le voyeurisme a contribué à sa chute, livrée aux tabloïds et aux paparazzi.

Il s’agit pourtant d’une autre théorie que Sam Taylor Johnson développe entre les lignes, à plusieurs reprises tout au long du film, et jusqu’à la scène finale. Celle d’une femme qui voulait avant tout être mère et qui était minée, brisée et achevée par l’absence d’accouchement.

Décider de montrer une Amy aimante, dévorée par sa passion et abîmée par ses addictions est un choix légitime. Réécrire l’histoire pour minimiser le rôle de son père et de son amant dans sa descente aux enfers est plus discutable. Mais affirmer que son désir d’enfant non assouvi a été le principal tourment qui a eu raison d’elle est une ligne rouge que nous ne franchirons pas avec le réalisateur. Pour le reste, ne le nions pas, nous avons passé un bon moment en compagnie de cette Amy fictive. Pour se rapprocher de la vraie Amy, voir le documentaire d’Asif Kapadia.

L'affiche de "Retour au noir", le biopic sur Amy Winehouse de Sam Taylor-Johnson.  (STUDIOCANAL)

La feuille

Genre : Biopic
Directeur: Sam Taylor Johnson
Acteurs: Marisa Abela, Jack O’Connell, Eddie Marsan
Durée : 2h02
Sortie :
24 avril 2024
Distributeur :
StudioCanal
Synopsis: Retour au noir retrace la vie et la musique d’Amy Winehouse, à travers la création de l’un des albums les plus emblématiques de notre époque, inspiré de son histoire d’amour passionnée et tourmentée avec Blake Fielder-Civil.

Cammile Bussière

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