Divertissement

critique d’une parodie ratée de l’affaire Dupont de Ligonnès

ça se passera près de chez toi

Le 11 octobre 2019 à 20h44, la France retient son souffle : Xavier Dupont de Ligonnès, suspect numéro 1 du meurtre de sa femme et de ses quatre enfants depuis 2011, vient apparemment d’être arrêté à l’aéroport de Glasgow. Les médias s’affolent à coups d’éditions spéciales, des experts se relaient sur les plateaux pour imaginer la suite des événements… Sauf qu’au final, tout cela n’est qu’une erreur : la mauvaise personne au mauvais endroit au mauvais moment. Un sujet en or pour le cinéma que personne n’avait encore abordé.

Du moins, avant Jean-Christophe Meurisse décide de s’appuyer sur cette histoire rocambolesque pour créer une sorte de parodie avec Pistolets en plastique. Et ce n’est pas vraiment surprenant venant du cinéaste. Son travail s’est toujours amusé à décortiquer la réalité, à la pervertir… tout en démontrant que la réalité était en vérité suffisamment tordue pour que son humour caustique ne soit que le prolongement d’un monde malade.

Un interrogatoire ridicule dans Plastic GunsUn interrogatoire ridicule dans Plastic Guns
Un monde vide de sens

Donc, Pistolets en plastique suit Léa et Christine (un duo déjanté formé par Delphine Baril et Charlotte Laemmel), deux femmes obsédées par l’affaire Paul Bernardin, un homme soupçonné d’avoir tué toute sa famille et mystérieusement disparu. Après avoir reçu un prix d’honneur (enquêteur Facebook grade 4), ils partent enquêter sur la maison où a eu lieu la tuerie… sauf qu’au même moment, les médias annoncent que Paul Bernardin vient d’être arrêté dans le Nord de l’Europe.

Un joli projet en perspective pour Meurisse puisqu’avec l’affaire de Xavier Dupont de Ligonnès (alias Paul Bernardin ici), il a trouvé le matériau parfait pour continuer à se moquer des dérives d’une société en détresse. Durant sa première partie (disons jusqu’à l’arrivée de l’arc du « vrai » Paul Bernardin), le film déroule donc son programme avec humour et décontraction.

Un voyage qui n'est pas facile dans Plastic GunsUn voyage qui n'est pas facile dans Plastic Guns
Les voisins, une terreur en toutes circonstances

cours de français

Dans jouant habilement avec l’absurdité de ladite réalité, il livre des scènes hilarantes (se moquant des enquêteurs amateurs qui envahissent Internet, ridiculisant un célèbre inspecteur devant sa femme…), mais aussi particulièrement inquiétant. C’est notamment le cas lors de l’interrogatoire de Michel Uzès (excellent Gaëtan Peau) au Danemark avec le commissaire Hammer, où malgré la confusion évidente, tout devient sujet à justification sans raison. Sagement, Meurisse n’a pas besoin d’amplifier les absurdités qui nous entourent et laisse finalement la situation dégénérer d’elle-même.

Cela dit, cela ne fonctionne qu’au début, car au fur et à mesure que l’histoire progresse, le film se perd complètement. Alors que les scènes exposaient naturellement l’absurdité du monde, Meurt d’en faire trop en tombant dans les mêmes défauts que les siens Oranges sanguines. Le basculement des personnages dans la pure folie-bêtise-démence comme pour matérialiser la « bête dégoûtante » qui est en chacun d’eux est d’une gratuité malvenue (une scène avec des yeux ou un flash-back meurtrier franchement inutile).

Delphine Baril dans Pistolets en plastiqueDelphine Baril dans Pistolets en plastique
Une entreprise à deux visages

Alors bien sûr, on peut imaginer que cela corrobore une statistique avancée en introduction de la séquence. En effet, le film s’ouvre sur un dialogue mitrailleux entre deux médecins légistes (dont l’un incarné par Jonathan Cohen) racontant tout et n’importe quoi. A ce moment-là, l’un des deux déclare que « maintenant, il faut 30 % de dégoûtant pour qu’un film réussisse auprès du public.» Voir Pistolets en plastique prendre une tournure trash et macabre n’est donc pas surprenant.

Mais en vérité, éviter ce déferlement de violence aurait été le bon moyen de prouver que les bons films peuvent s’en passer. Que les grands cinéastes peuvent faire mieux en le suggérant, en le décortiquant. Le choix de Meurisse sonne ici presque comme un aveu d’échec, comme s’il n’avait pas encore les épaules pour s’en passer. Compte tenu du mystère qui entoure toute l’affaire au cœur de son projet, c’est un petit acte raté.

Affiche d'armes à feu en plastiqueAffiche d'armes à feu en plastique

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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