Critique du Super 8 ans : les souvenirs en celluloïd d’Annie Ernaux

Les images du film se sont estompées, mais les souvenirs qu’elles ont suscités sont vifs et chargés d’émotion. Sur un plan, un petit garçon pousse une grosse brouette. Dans un autre, un vieil homme et une femme posent avec la maladresse d’une génération antérieure qui n’a jamais appris à regarder à l’aise devant une caméra. Et puis il y a la vision de la jeune femme assise à un bureau, un stylo à la main, qui regarde la caméra avec un sourire serré et peu accueillant. J’aime à penser qu’elle est impatiente de retrouver les papiers sur le bureau, de se remettre à son écriture et à elle-même.
La femme – l’écrivaine française Annie Ernaux, qui a reçu le prix Nobel de littérature en octobre – ne sourit pas beaucoup dans « The Super 8 Years », un film souvenir mélancolique qu’elle a réalisé avec son fils David Ernaux-Briot. Le 7 décembre, lors de sa conférence pour le prix Nobel, Ernaux a parlé de ses racines dans la France provinciale, de son amour des livres et de son désir d’écrire, un désir qui a été contrecarré par sa position de femme. « Mariée avec deux enfants », a-t-elle déclaré, « un poste d’enseignante et l’entière responsabilité des affaires du ménage, chaque jour je m’éloignais de plus en plus de l’écriture et de ma promesse de venger mon peuple. »
Vous voyez cette femme de temps en temps dans « The Super 8 Years », qui a été réalisé avant qu’elle ne devienne lauréate du prix Nobel – quel moment ! Réalisé par Ernaux-Briot, et écrit et narré par Ernaux, il se compose de films amateurs quelque peu dégradés du début des années 1970 au début des années 80. À l’hiver 1972, comme l’explique Ernaux en voix off, elle et son mari, Philippe Ernaux, achètent une caméra et un projecteur Bell & Howell Super 8. Des années plus tard, elle et Ernaux-Briot ont revisité ces souvenirs fragiles et, avec un montage habile, des effets sonores et de la musique (le matériel original est muet), ont créé ce long métrage court, puissant et tranquillement élégiaque.
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Pour Ernaux et son mari, la caméra Super 8 était « l’objet ultime désiré », plus convoité qu’un lave-vaisselle ou même qu’un téléviseur couleur. « Le film a vraiment capturé la vie et les gens », explique Ernaux, même si la façon dont il a capturé la vie et les gens était compliquée. C’est évident la première fois que vous voyez le jeune Ernaux dans « Les Super 8 ans » entrer dans une maison en portant deux cartons. Elle porte un manteau à capuche sombre et un sourire maladroit et impénétrable, comme si elle était mal à l’aise d’être (prise) devant la caméra. Ou peut-être est-elle gênée par (ou pour) Philippe, qui, comme l’explique Ernaux, a tourné la plupart des films amateurs.