critique de Deadly Ride de Netflix
Le jeu de la tuerie
Après avoir accumulé, au cours de sa carrière, des rôles dans des films pas toujours à la hauteur de ses capacités, il est temps qu’Anna Kendrick prenne les choses en main. Ce fut le cas de Une femme en jeudont le scénario écrit par Ian McDonald figurait sur la prestigieuse Black List, un annuaire confidentiel hollywoodien dans lequel figurent les projets les plus prometteurs en attente de production.
Si l’actrice devait au départ se contenter de jouer l’héroïne du film, elle devient rapidement également réalisatrice et productrice du projet. Étonnamment, c’est aussi dans les séquences où Kendrick se présente comme étant la plus réussie du film. Car il faut déjà noter que le récit deUne femme en jeu est nettement partagé entre les séquences centrées sur Sheryl et le jeu télévisé, et celles relatant des épisodes meurtriers de la vie d’Alcala.
Ainsi, le film raconte comment deux trajectoires se rencontrent complètement par hasardSheryl et Le jeu de rencontres passant par la vie d’Alcala comme un intermède, alors qu’il a déjà tué auparavant et tuera aussi plus tard. Du côté de Sheryl, son passage dans la série est décrit comme un moment charnière dans sa vie d’actrice amateur ayant du mal à trouver des rôles. La narration éclatée liant l’histoire des deux personnages aurait pu être très astucieuse et passionnante, le problème étant qu’il n’y a pas de pas d’équilibre entre les deux.
Tout sur Sheryl semble finalement très accessoire dans le filmalors que ce sont de loin les passages les plus réussis. Généralement absent de l’introduction et de la conclusion du film, toutes deux centrées sur Alcala, la jeune femme devient un personnage secondaire d’un film dont le titre y fait pourtant référence.
Kendrick au sommet
C’est particulièrement regrettable dans le sens où toutes les séquences consacrées à Sheryl sont aussi réussies que le spectateur pouvait l’espérer. Loin de décrire uniquement ce qui se passe sur le plateau, Anna Kendrick suggère ce que vit son personnage avec des séquences simples et concises, mais très révélatrices : un casting terrible face à deux perdants, un coup de téléphone avec son agent, les dialogues avec la maquilleuse. artistes et quelques échanges désagréables avec le producteur du spectacle.
A travers toutes ces petites séquences serrées, Kendrick dépeint habilement toute une époque pas si révolue et le sexisme omniprésent dans le monde de la télévision. Coincée devant le public et les caméras, Sheryl va trouver le moyen de perturber ce système quelques instants avec humour. Les allers-retours entre les vues d’ensemble de la scène, telles que perçues par le public, et les gros plans de Sheryl en pleine introspection pour réussir à se sauver de ce jeu infernal en live, nous permettent d’éprouver Le jeu de rencontres sur les deux plans, et c’est tout ce que nous voulions.
Une fois le jeu terminé, la mise en scène de Kendrick brille encore un moment, lorsqu’elle raconte comment Alcala fait pression sur Sheryl pour qu’elle aille boire un verre après le tournage. Ces passages ont été vus dans la bande-annonce, et sont aussi effrayant que promis. Le réalisateur met en scène le doute et la peur qu’éprouvent généralement les femmes face à des hommes entreprenants : insister pour boire un verre, insister pour rester ensemble après, insister pour prendre un numéro, insister pour vérifier que c’est le bon… Et réagis très mal à un refus.
L’angoisse de toutes ces situations connues et parfaitement restituées est décuplée par le rythme, les silences et le mal-être, qui suggère toute la folie criminelle d’Alcala bien mieux que les scènes de meurtre elles-mêmes. Face à ces moments, Kendrick insère quelques beaux moments de fraternité ce qui ajoute encore à l’intérêt de tout l’arc concernant Sheryl. Point bonus pour l’intrigue secondaire parfaitement exaspérante sur la spectatrice (Nicolette Robinson) qui tente de prévenir le danger, et qui recentre le sujet du film sur l’importance du témoignage des victimes et les défauts (disons les gouffres) du système judiciaire.
Hondelatte raconte
En revanche, il en est malheureusement bien différent pour toutes les séquences, plus nombreuses (ou qui en tout cas paraissent plus longues), qui concernent spécifiquement Alcala. Le film s’ouvre et se termine avec lui, le présentant et le caractérisant d’abord comme un dangereux psychopathe, puis racontant ce qui lui est arrivé par la suite. Des places de choix dans l’histoire pas vraiment méritées pour ce personnage mal construit.
Au-delà de l’interprétation d’un Daniel Zovatto au visage de bébé et aux yeux d’enfant qui difficile de faire croire à une nature vraiment dangereusemalgré tous ses efforts, les séquences censées établir Alcala comme le terrible meurtrier qu’il était manquent cruellement de profondeur. Kendrick ne parvient pas du tout à susciter l’anxiétéle rythme et la sincérité des scènes dont elle est l’héroïne. Cependant, le réalisateur prend des actions de mise en scène intéressantes, essayant de suggérer l’horreur sans la montrer. Mais la sauce ne prend pas.
Le défi n’est pas simple, et quand elle n’est pas elle-même en face de lui à l’écran, elle semble ne sachant plus comment donner corps au personnage d’Alcala. Non seulement tous ces passages rappellent davantage les reconstitutions de véritables crimes à la Pierre Bellemare que le talent des séquences de Le jeu de rencontresmais ils prend aussi trop de priorité sur tout le filmdiluant complètement le concept initial de l’affrontement en plein milieu d’un jeu télévisé.
Une femme en jeu est donc très frustrant dans sa manière de donne l’impression que c’est le film génial qu’il aurait pu être s’il avait fait le pari d’être raconté entièrement du point de vue de Sheryl, en suggérant uniquement la personnalité d’Alcala à travers les indices perçus par la jeune femme pendant l’émission, et s’il était resté fidèle au plateau de télévision et aux coulisses. La prochaine fois, peut-être.
A Woman at Play est disponible sur Netflix depuis le 18 octobre 2024 en France