Le gouvernement Legault devrait rendre publics les critères d’attribution des blocs d’électricité pour les centres de données, croit un entrepreneur qui comprend mal pourquoi Microsoft reçoit « des centaines et des centaines de mégawatts » alors que ses demandes beaucoup plus modestes sont refusées.
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« Nous sommes dans le vide », déclare le PDG de QScale, Martin Bouchard, dans une entrevue.
Au cours de la dernière année, l’entreprise québécoise, financée en grande partie par des fonds publics, a dû abandonner un projet de centre de données de 500 millions $ à Saint-Bruno et un agrandissement de son centre à Lévis après s’être vu refuser environ 115 MW au total par le gouvernement.
Photo avec l’aimable autorisation de QScale
Entre-temps, Microsoft aurait reçu « des centaines et des centaines de MW » pour réaliser ses projets, juge M. Bouchard, qui base ses estimations sur la taille des chantiers sur les sites où est établi le géant technologique américain.
« Je suppose qu’il y a une raison », réfléchit-il. « Mais la question que nous nous posons est : quels sont les critères ? Parce qu’il est un peu difficile de comprendre les subventions. »
Incompréhension
M. Bouchard souligne que d’autres entreprises ont récemment essuyé des refus du gouvernement, dont Vantage Data Centers, qui a renoncé il y a quelques mois à des investissements de 1,6 milliard de dollars dans de nouveaux campus de centres de données au Québec en raison d’un manque d’électricité.
« Et Google n’a pas eu son MW non plus », ajoute le PDG de QScale, perplexe. « Les critères d’attribution devraient être publics, parce que voilà… », ajoute-t-il, laissant son idée en suspens.
« Quand mon conseil d’administration me demande qui avait l’électricité et pourquoi, je ne suis pas capable de répondre. Je leur dis : « Ce n’est pas drôle, je sais » », poursuit-il.
« Ce qui est fascinant, c’est qu’il y a quelques années, on nous disait : “On va avoir de l’énergie pour vos projets”. Six mois plus tard, on nous disait qu’on n’en aurait plus. »
Secteur des batteries
Martin Bouchard estime également que le gouvernement n’a pas alloué suffisamment d’énergie aux centres de données, alors qu’il a été « un peu trop lourd dans d’autres secteurs », notamment celui des batteries.
« Surtout si nous dépendons des Américains, cela devient problématique », souligne-t-il. « Actuellement, il y a presque une « course aux armements » en matière d’intelligence artificielle. Je pense donc que nous devrions reconsidérer la question et ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier. »
Souveraineté numérique
Le président de Micro Logic, qui tenait jeudi son assemblée générale annuelle à Québec, abonde dans le même sens. « Il faut être souverain sur nos données infonuagiques », a soutenu Stéphane Garneau en entrevue.
« C’est un marché de 10 milliards de dollars par année au Canada. Économiquement, on souffre quand ce sont seulement les GAFAM qui s’en emparent. Et quand nos données sont hébergées par des entreprises étrangères, elles sont soumises à des lois étrangères, qui protègent moins bien nos données », explique-t-il.
Stéphane Garneau, président de Micro Logic
« Accepterions-nous que toutes nos banques soient américaines ? Non, et nous sommes très heureux d’avoir un réseau bancaire canadien. Pourquoi alors acceptons-nous de déposer nos données aux États-Unis ? C’est exactement le même parallèle », illustre M. Garneau, arguant que le Canada dispose déjà d’infrastructures suffisantes pour être « souverain de ses données ».
« C’est juste une question de volonté », conclut-il.
Le Québec encore loin de la souveraineté numérique
Quoi qu’en dise M. Garneau, le Québec reste très loin de la souveraineté numérique, du moins si on entend par là avoir le plein contrôle sur nos données.
Le président de Micro Logic convient également que cette expression désigne un projet moins ambitieux. « On parle de contrôler 25 % du marché canadien de 10 milliards de dollars », explique-t-il.
Au Québec, cet objectif est déjà atteint, puisque l’entreprise de M. Garneau affirme traiter le quart des données du Québec. « Nos clients sont des agences gouvernementales, des banques, des entreprises », dit-il, refusant de dévoiler les noms de ses clients « pour des raisons de sécurité ».
Micro Logic possède trois centres de données au Québec et en construira bientôt un quatrième dans la région de Toronto pour mieux servir le marché canadien.
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