Crise en Nouvelle-Calédonie : onzième mort, trois enquêtes ouvertes… Ce que l’on sait des nouveaux affrontements
Nouveau mort. Un homme a été tué par la riposte d’un policier à Thio, en Nouvelle-Calédonie, a annoncé jeudi le procureur de la République de Nouméa, Yves Dupas. Il s’agit du onzième décès depuis le début des émeutes, dont deux policiers, tandis qu’un autre habitant a été grièvement blessé. On fait le point.
Ce qui s’est passé?
Selon un communiqué du parquet de Nouméa, les faits se sont déroulés en deux temps. D’abord, vers 6 heures du matin (mercredi 21 heures à Paris), « les gendarmes mobiles ont constaté qu’un groupe d’une vingtaine d’individus bloquait la route départementale 4, à hauteur de la tribu Saint-Pierre à Thio, en plaçant un engin de chantier sur la voie publique ».
Les policiers ont alors tenté de « libérer cette entrave » et ont rencontré « une forte opposition en étant frappés par des objets, notamment des pierres ». Un policier a alors été blessé au visage. L’auteur des faits a été interpellé et placé en garde à vue. « Un examen médical a été demandé concernant les blessures corporelles du policier blessé ».
Peu après, « l’escadron de gendarmes mobiles a été violemment pris à partie dans sa manœuvre de dégagement de l’axe, essuyant des jets de pierres, de cocktails Molotov et des tirs d’armes à feu », a expliqué le parquet. Les gendarmes ont « riposté » à ce moment-là « dans un premier temps avec des grenades lacrymogènes puis, compte tenu de l’intensité des tirs qui les visaient, en faisant usage de leurs armes de service ». Un homme a ensuite été touché au cou par un tir en retour. « Son pronostic vital est toujours engagé à cette heure », a expliqué le parquet de Nouméa ce jeudi matin.
Alors que les tirs de « certains assaillants » continuaient, un policier a riposté quelques minutes plus tard et a touché un homme à la tête. L’homme, âgé de 43 ans, est décédé lors de son transport à l’hôpital. « Le parquet a ordonné un scanner et une autopsie du corps », a-t-il précisé.
Trois enquêtes ouvertes, dont une confiée à l’IGPN
En réaction à ces événements, le parquet de Nouméa a décidé d’ouvrir trois enquêtes. La première concerne l’homme interpellé et concerne les accusations de « violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique ». La seconde concerne les violences subies par les gendarmes mobiles avec usage d’armes (objets, fusils et cocktails Molotov).
Dans le même temps, le procureur de la République a annoncé avoir saisi l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGPN) « pour enquête sur les conditions d’usage des armes par les gendarmes mobiles, sur la qualification des violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la causer » et sur les « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique ».
« L’objectif de cette enquête, menée avec toute l’objectivité et l’impartialité requises par le bureau d’enquêtes judiciaires de l’inspection générale de la gendarmerie nationale, est de mener des investigations approfondies sur les circonstances de l’usage des armes par les gendarmes, et de permettre notamment au parquet d’apprécier si l’usage des armes constitue ou non, dans la situation examinée, une réponse légitime et proportionnée à l’agression », explique le procureur de Nouméa, Yves Dupas.
« A ce stade, ces investigations témoignent une fois de plus de l’extrême hostilité de certains individus lourdement armés visant à affronter délibérément les gendarmes dans l’exercice de leurs missions légitimes et à porter atteinte à leur intégrité physique », conclut Yves Dupas, selon qui « l’action des gendarmes depuis ce matin visait à libérer des voies de circulation illégalement obstruées ».
Les blocus continuent
La sécurité n’est pas totalement rétablie en Nouvelle-Calédonie, où des violences liées à la réforme du corps électoral ont débuté le 13 mai : un couvre-feu est toujours en vigueur tandis que les affrontements continuent entre la police et les insurgés. Sur le plan économique, l’archipel suffoque.
Si les tensions se sont nettement apaisées depuis la mi-juillet, le sud de la Grande Terre – l’île principale de l’archipel – reste inaccessible par la route. En cause, l’insécurité qui règne au niveau de la tribu de Saint-Louis, bastion indépendantiste et passage obligé à une dizaine de kilomètres de Nouméa. Depuis début août, l’accès à la tribu est même totalement interdit par la police, qui bloque la circulation des deux côtés en raison, notamment, de la présence de snipers.
Ailleurs sur l’île, les barrages routiers n’ont pas été levés et rendent la circulation très difficile, notamment dans les communes de Ponérihouen et Poindimié, sur la côte est. Une situation encore suffisamment tendue pour justifier, aux yeux du Haut-Commissariat, le maintien d’un couvre-feu de 22 heures à 5 heures du matin jusqu’au 26 août, ainsi que l’interdiction de port et de transport d’armes et de vente d’alcool.
Dans un point de situation publié le 14 août, le Haut-Commissariat a indiqué que 2.459 personnes avaient été arrêtées depuis le début de la crise, soit 116 de plus en une semaine.