Les députés géorgiens ont vaincu le veto présidentiel.
Le Parlement géorgien a contourné mardi un veto présidentiel et a adopté définitivement une loi sur l’influence étrangère, malgré de multiples manifestations et mises en garde de l’Union européenne et de Washington contre un texte calqué sur une loi répressive russe.
Les députés du parti Rêve Géorgien au pouvoir, majoritaires à la chambre, ont adopté la loi par 84 voix pour et quatre contre, balayant ainsi le veto qui avait été placé par la présidente pro-occidentale Salomé Zourabichvili, après l’adoption de la loi. texte controversé au Parlement le 14 mai. La plupart des députés de l’opposition ont quitté l’hémicycle au moment du vote, a constaté l’AFP.
Les détracteurs de cette loi, qui ont manifesté à plusieurs reprises par dizaines de milliers depuis début avril, qualifient le texte de « loi russe », en raison de sa similitude avec la législation sur les « agents étrangers » utilisée en Russie depuis 2012 pour réprimer toute voix dissidente.
La loi oblige toute ONG ou média recevant plus de 20 % de son financement de l’étranger à s’enregistrer comme « organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère » et à se soumettre au contrôle administratif. Plusieurs ONG ont déclaré à l’AFP qu’elles s’attendaient à ce que leurs avoirs soient gelés et que leur travail soit entravé lorsque la loi entrera en vigueur.
Démonstration attendue
Avant même le vote de mardi, des manifestants avaient commencé à se rassembler devant le Parlement, brandissant des drapeaux géorgiens et européens. Une manifestation était attendue dans la soirée, comme Tbilissi l’a déjà vu, rassemblant parfois des dizaines de milliers de personnes.
Si le Rêve géorgien assurait que la loi ne visait qu’à contraindre les médias et les ONG à la transparence, l’opposition géorgienne et l’Union européenne ont dénoncé une législation antidémocratique, incompatible avec les ambitions affichées par cette ancienne république soviétique. du Caucase à rejoindre à terme l’UE.
Opposants et analystes interrogés par l’AFP y voient aussi un instrument de répression particulièrement menaçant à cinq mois des élections législatives prévues en Géorgie fin octobre, qui pourrait priver le camp pro-européen de toute chance de revenir au pouvoir.
« Le Rêve géorgien sait qu’il perdrait le pouvoir si les élections étaient libres et équitables », a déclaré Tina Bokouchava, députée du parti d’opposition Mouvement national uni de l’ancien président pro-occidental Mikheïl Saakachvili. « C’est pour cela qu’ils ont adopté la loi avant le vote, ils espèrent l’utiliser pour faire taire les critiques. »
Le débat qui a précédé le vote de mardi a été houleux, comme c’est souvent le cas en Géorgie. Le député de l’opposition Girogi Vachadzé a notamment été aspergé d’eau alors qu’il s’exprimait depuis la tribune.
Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a prévenu la semaine dernière que les États-Unis réexamineraient l’ensemble de leur coopération avec Tbilissi après l’adoption de ce texte.
Washington a également annoncé des restrictions sur les visas de séjour aux Etats-Unis visant les personnes jugées responsables de « porter atteinte à la démocratie » en Géorgie, ainsi que leurs proches.
« Chantage »
Le parti « Rêve géorgien » a réagi en dénonçant un « chantage aux visas » et une « tentative flagrante d’empiéter sur l’indépendance et la souveraineté de la Géorgie ».
Des accusations de « chantage » ont également été lancées contre un commissaire européen, qui avait tenté la semaine dernière de plaider contre l’adoption de la loi auprès du Premier ministre géorgien Irakli Kobakhidze. Le commissaire à l’Elargissement, le Hongrois Oliver Varhelyi, a affirmé que ses propos avaient été « sortis de leur contexte ».
Même si la Géorgie est officiellement candidate à l’UE depuis décembre 2023, et que le « Rêve géorgien » soutient formellement l’objectif inscrit dans la Constitution d’adhérer un jour à l’UE et à l’OTAN, ce parti, au pouvoir depuis 2012, a récemment multiplié les mesures visant à amener le pays plus proche de Moscou.
La bataille autour du texte – proposé pour la première fois par le Rêve géorgien l’année dernière avant d’être retiré face aux protestations – a également mis en lumière l’influence de Bidzina Ivanishvili, un homme d’affaires qui fait fortune en Russie.
Fondateur du parti Rêve Géorgien, le milliardaire a été brièvement Premier ministre de 2012 à 2013, et continue selon ses détracteurs de diriger le pays en coulisses.
Même s’il affirme vouloir faire entrer la Géorgie dans l’UE, il multiplie les déclarations hostiles à l’Occident et considère les ONG comme un ennemi de l’intérieur.
Dans ce contexte, le président Zurabichvili a appelé, avant le vote de mardi, au rassemblement de toutes les forces d’opposition pour former un gouvernement de transition qui annulerait plusieurs lois votées par le Rêve géorgien l’éloignant de l’UE.
« Nous devons forger une nouvelle réalité politique », a-t-elle déclaré. « Cela nécessite une nouvelle forme d’unité (des partis d’opposition), un Parlement différent, des élections différentes et un gouvernement différent. »