La majeure partie de cette production est située dans l’agglomération du Grand Cognac. Ce qui inquiète son président, Jérôme Sourisseau. Qui, à son tour…
La majeure partie de l’ensemble se situe dans l’agglomération du Grand Cognac. Ce qui alarme son président, Jérôme Sourisseau. Lequel, à son tour, sort sa salopette pour tenter d’amortir la chute qui s’annonce.
« Nous devons nous mobiliser pour montrer que nous n’allons pas laisser cela se produire. »
Serez-vous présent à la manifestation contre les taxes chinoises ce mardi ?
Jérôme Sourisseau. De tout cœur, oui. Malheureusement, je ne pourrai pas être là physiquement, car je serai à l’étranger – un déplacement prévu depuis longtemps – mais j’ai invité tous les maires de l’Agglo à être présents. L’enjeu est de taille.
Les viticulteurs ont le sentiment d’avoir été abandonnés par l’Etat sur le dossier chinois. Est-ce aussi votre sentiment ?
Après avoir modestement tenté de susciter des rencontres et de sensibiliser à Paris sur ce sujet extrêmement grave, j’avoue avoir eu le sentiment, effectivement, qu’un certain nombre d’organismes minimisaient notre préoccupation, admettant presque qu’il s’agissait d’un dommage collatéral dans ce rapport de force entre la Chine et l’Europe sur la question des voitures électriques. Et cela n’est pas acceptable. Il faut donc se mobiliser pour montrer que nous n’allons pas laisser faire.
Êtes-vous inquiet de la situation ?
Oui, je suis très inquiet. On parle de la Chine, mais il ne faut pas oublier que c’est d’abord une crise de surproduction et d’effondrement des marchés. Jusqu’à présent, on avait un bassin extrêmement dynamique orienté vers ce secteur, avec un taux de chômage inférieur à la moyenne nationale, de l’innovation, des sous-traitants qui fonctionnent bien, de la formation, etc. Beaucoup de signaux étaient au vert. Maintenant, tout d’un coup, on annonce des plans sociaux, du chômage partiel, etc. C’est tout un modèle qui est complètement déstabilisé. Cette crise nous amène à nous intéresser aux outils de gestion de la production. On se rend compte qu’il y a un certain nombre de paramètres qui n’étaient peut-être pas suffisamment intégrés dans le modèle. On se retrouve tout d’un coup dans une situation diamétralement opposée à ce qui a été annoncé depuis cinq ou six ans. On ne sait plus très bien si les outils sont valables et où l’on va. Je suis très troublé.
Savez-vous si des entreprises connaissent déjà des faillites ?
Oui, il y en a. Je pense à deux chefs d’entreprise qui m’ont dit qu’ils avaient des échéances à respecter à Noël. S’ils ne trouvent pas de solution, c’est fini.
Comment l’Agglo peut-elle les aider à traverser la tempête ?
L’Agglomération est extrêmement mobilisée et nous travaillons de concert avec la Région. Notre premier sujet, car nous avons été beaucoup sollicités par des sous-traitants, est de finaliser notre diagnostic sur les entreprises de la filière, hors maisons de cognac. Connaître leur situation financière et leur visibilité dans sept ou huit mois, comment elles s’en sortent. Ensuite, nous mobiliserons les dispositifs. Outils d’accompagnement au chômage partiel, formations, etc. Nous essaierons d’accompagner les sous-traitants pour trouver de nouveaux marchés en réalisant des opérations collectives sur les spiritueux dans d’autres pays européens ou d’autres régions où des compétences pourraient être utilisées, comme la parfumerie. Nous activerons également Convergence Cognac, notre nouvelle convention avec le BNIC, la CCI et Spirits Valley. L’objectif est de les aider à traverser la crise pour ne pas perdre notre tissu industriel.
Sans pour autant déstabiliser les autres régions viticoles…
En tant que vice-président de l’Anev (l’Association nationale des élus de la vigne et du vin, NDLR), je sais que nous sommes effectivement surveillés de près dans notre gestion de la production et des excédents. Nous avions une bonne image, il faut faire attention à ne pas la ternir et déstabiliser ou enterrer d’autres régions viticoles aux vins sans IG qui souffrent déjà beaucoup.
Face à la crise, la reconquête du marché français est-elle indispensable ?
C’est fondamental. Par l’intermédiaire d’Anev, j’ai aussi proposé que, près de 40 ans après, on exige la révision de la loi Evin, qui interdisait toute promotion des alcools français. Aujourd’hui, on voit bien que cette loi condamne les produits français au profit des produits étrangers. Et il est indispensable d’aller reconquérir le cœur des Français avec responsabilité et toutes les précautions nécessaires. S’ils buvaient simplement la moitié de ce qu’ils boivent en whisky dans le cognac, cela nous rendrait un grand service.
Ce retour au passé est-il vraiment possible ? Il y a un enjeu de santé publique.
Et nous ne le remettons pas en cause. Nous sommes capables de valoriser un savoir-faire, une histoire, un produit français. De manière responsable. Nous avons accepté depuis longtemps que la France allait se désindustrialiser, que c’était le sens de l’Histoire. Aujourd’hui, le covid, la guerre en Ukraine, le contexte géopolitique nous ont amenés à vouloir reconquérir une souveraineté. Cela passe par une réappropriation de notre propre production.
Y a-t-il une note d’optimisme malgré tout ?
Oui, bien sûr. Il faut d’abord reconnaître que les maisons, et les premières d’entre elles, investissent énormément en communication aux Etats-Unis pour essayer de reconquérir le consommateur américain que nous avons perdu ces dernières années. Nous avons des groupes – LVMH, Campari, Pernod-Ricard, Rémy Cointreau – qui sont capables d’investir des sommes colossales pour aller reconquérir des marchés. Quand ils veulent sortir l’artillerie lourde pour vendre un produit, ils ont les moyens de le faire, contrairement au passé où nos maisons seules étaient incapables de le faire. Et puis je pense que les fondamentaux de notre produit, son histoire, son made in France, sont solides et auront toujours l’écho qu’il a depuis 300 ans.