Coup de tonnerre dans la mobilité : Arm menace Qualcomm de lui retirer sa licence
La société Arm, dont la société d’investissement japonaise SoftBank est l’actionnaire majoritaire, est responsable de l’architecture du même nom. On le retrouve dans presque toutes les puces dédiées au monde mobile. Toutes les puces Qualcomm Snapdragon l’utilisent et il est omniprésent dans les smartphones. Situation identique chez Apple, puisque les puces « A » pour iPhone et iPad ainsi que les puces « M » pour Mac sont basées sur Arm. Peu importe que la conception de ces SoC soit personnalisée, il s’agit toujours d’une architecture Arm.
Pour Qualcomm, malgré les tensions du passé, les vrais problèmes commencent en 2021, lorsque l’entreprise annonce le rachat de Nuvia pour 1,4 milliard de dollars. Celui-ci, créé par d’anciens ingénieurs d’Apple et de Google, fonctionne sur des puces Arm dédiées au marché des serveurs. Qualcomm y voit une opportunité de rattraper son retard en termes de performances par rapport à Apple, dont les puces A et M font mieux que le Snapdragon.
Arm fronce alors les sourcils. Nuvia disposait d’une licence Arm permettant la conception de puces personnalisées. En rachetant l’entreprise, Qualcomm supposait que cette licence avait été transférée. Arm ne l’a pas vu de cet oeil et a porté plainte.
60 jours pour résoudre le litige
Selon Bloomberg, Arm aurait prévenu Qualcomm que sa licence serait révoquée au bout de 60 jours si aucune solution n’était trouvée. Même si Bloomberg n’aborde pas directement la question, il est fort probable que la solution en question soit financière.
Les risques pour Qualcomm sont importants : si la licence venait à être annulée, l’entreprise n’aurait plus le droit de commercialiser des puces basées sur l’architecture Arm. Cependant, ce n’est pas seulement le cas de l’ensemble de ses puces Snapdragon dédiées au monde mobile, mais également des dernières générations basées sur les technologies Nuvia.
Ces technologies représentent l’avenir de Qualcomm, comme nous l’avons vu dans les annonces de cette année. C’est notamment le cas du Snapdragon X (Plus ou Elite) que l’on retrouve dans les PC Copilot+, sur lesquels Microsoft fonde tant d’espoir. Ces puces embarquent des cœurs Oryon pour la partie CPU, qui délivrent de très bonnes performances. Les cœurs Oryon (en version modifiée) sont également présents dans le tout nouveau Snapdragon 8, tout juste annoncé par Qualcomm et premier SoC embarquant les technologies Nuvia pour le marché mobile.
Bref, tout le marché des smartphones, des tablettes et en partie celui des ordinateurs serait perturbé par cette révocation de licence.
Chez The Register, on note que le timing de la lettre envoyée par Arm ne peut pas être une coïncidence, puisque Qualcomm organise actuellement le salon Snapdragon pour présenter ses dernières nouveautés.
Qualcomm en colère
Sans surprise, Qualcomm rejette totalement les accusations d’Arm et ne cherche pas à cacher sa colère :
» C’est encore la même chose de la part d’Arm : encore des menaces infondées, conçues pour contraindre un partenaire de longue date, interférer avec nos processeurs de pointe et augmenter les taux de redevances sans tenir compte des droits étendus de notre licence architecturale. », nous a répondu l’entreprise dans un email.
La société a ajouté : « Alors que le procès approche à grands pas en décembre, le stratagème désespéré d’Arm semble être une tentative de perturber le processus judiciaire, et sa demande de licenciement est totalement sans fondement. Nous sommes convaincus que les droits de Qualcomm dans le cadre de son accord avec Arm seront respectés. Le comportement anticoncurrentiel d’Arm ne sera pas toléré « .
Il est presque assuré que Qualcomm et Arm trouveront un terrain d’entente. Pour le premier, une telle révocation équivaudrait presque à une faillite. Pour le second, ce serait un énorme manque à gagner. Il est difficile de se passer du marché Android en particulier, du moins jusqu’à ce qu’une autre entreprise prenne le relais.
L’affaire illustre en tout cas l’hégémonie d’Arm dans le monde mobile et sa croissance dans presque tous les segments de l’informatique. En août 2023, Robert Bosch, Infineon Technologies, Nordic Semiconductor, NXP Semiconductors et Qualcomm Technologies ont créé une alliance autour de l’architecture RISC-V (ouverte et gratuite) pour explorer d’autres pistes.