Convoy, une nouvelle milice russe pour faire de l’ombre au groupe Wagner ?

Née en Crimée en 2022, la milice privée Convoy est de plus en plus médiatisée et recrute de nouveaux combattants. Selon les renseignements britanniques, le Kremlin chercherait à favoriser l’émergence d’autres groupes de mercenaires pour concurrencer Wagner, devenu trop puissant aux yeux de certains responsables russes.
Est-ce l’émergence d’un nouvel acteur dans le conflit ukrainien ? Alors que le groupe Wagner joue un rôle central dans l’appareil militaire russe depuis le début de l’invasion russe, une autre milice baptisée « Convoi » gagne en visibilité ces dernières semaines et pourrait devenir un nouveau sous-traitant dans la guerre du Kremlin contre Kiev.
A l’origine de cette armée privée créée fin 2022 : Sergueï Axionov. Né à Modalvie, cet ancien homme d’affaires soupçonné de liens avec le crime organisé, a connu une ascension politique rapide au point d’être nommé Premier ministre de Crimée par Vladimir Poutine en 2014. Grand artisan du rattachement de ce territoire ukrainien à la Russie, ce fidèle parmi les fidèles règne désormais sur la péninsule occupée.
« En Russie, les milices privées ne sont pas nouvelles. Outre Evgueni Prigojine à l’origine de Wagner en 2014, on peut citer la milice de Ramzan Kadyrov, le chef tchétchène. Il s’agit pour ces ‘entrepreneurs d’influence’, politiciens ou oligarques de soutenir le régime et d’étendre leur influence et celle de la Russie à l’international », rappelle Lukas Aubin, directeur de recherche à l’IRIS et auteur de « Géopolitique de la Russie » (Ed. La Découverte) .
Pour le moment, peu d’informations ont filtré sur le fonctionnement et l’organisation de « Convoy ». Sur son profil Telegram, créé en novembre 2022, le groupe a récemment lancé plusieurs campagnes de recrutement pour grossir ses rangs. Selon une enquête du média indépendant russe, Important stories, la milice compte 300 combattants qui opèrent en Crimée et dans le sud de l’Ukraine, dans la région de Kherson.
Un nouveau groupe privé de mercenaires russes a été créé en Crimée : Convoy.
Si Wagner occupe tout l’espace médiatique, Convoi est aussi intéressant dans sa structure. 1/6 pic.twitter.com/o0a4X2Dhad— Thomas Eydoux (@EydouxT) 4 avril 2023
Selon un ancien membre de l’unité de mercenaires interrogé par Histoires importantes, les recrues signent deux contrats : un avec Convoy et un autre avec le ministère russe de la Défense. Chaque combattant gagnerait environ 2 500 $ par mois. Ceux qui serviraient pendant une année complète se verraient également promettre des terres en Crimée ou en Abkhazie.
Un rival pour Wagner ?
Il est difficile de savoir aujourd’hui quel rôle Convoy pourrait jouer en Ukraine alors que Wagner monopolise toutes les ressources disponibles et l’attention médiatique. Son émergence s’inscrit cependant dans un contexte de fortes tensions entre le patron de Wagner et le ministère russe de la Défense. Depuis plusieurs mois, les ambitions politiques d’Evgueni Prigojine et ses tonitruantes sorties sur la supposée incompétence du commandement de l’armée régulière exaspèrent Moscou.
Alors que les mercenaires de Wagner peinent à vaincre la résistance ukrainienne à Bakhmout, certains responsables russes aimeraient écarter définitivement l’ancien cuisinier de Poutine. Selon les renseignements britanniques, le Kremlin aurait donc pour objectif de réduire « le rôle prépondérant » de la milice Prigojine en Ukraine en favorisant d’autres armées privées.
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« Le commandement militaire est probablement à la recherche d’une milice alternative sur laquelle il a plus de contrôle. Or, aucune armée privée ne peut actuellement concurrencer Wagner en termes d’effectifs ou de puissance de combat », précise cette note publiée le 4 avril.
Avec environ 50 000 hommes actifs en Ukraine à la mi-décembre, dont la majorité étaient des ex-détenus recrutés dans les prisons russes, les hommes de Wagner apparaissent en effet comme des auxiliaires indispensables à l’armée russe qui a désespérément besoin de nouvelles recrues. alors que Kiev se prépare à lancer une contre-offensive majeure.
Un pouvoir « opportuniste »
D’autres éléments tendent à nuancer l’idée d’une rivalité naissante entre les deux groupes. Tout d’abord, les relations entre Axionov et Prigozhin semblent excellentes. Axionov a notamment menacé d’appliquer la peine de mort aux responsables russes qui rechignaient à envoyer des munitions aux miliciens de Wagner. Une initiative que Prigojine avait chaleureusement accueillie.
De plus, le commandant de Convoy est proche de Prigojine, selon une enquête menée par Bellingcat et Insider. Konstantin Pikalov, alias Mazai, n’est autre que l’ancien bras droit du patron de Wagner et une ancienne figure clé des activités du groupe en République centrafricaine.
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« On ne sait pas aujourd’hui si les deux hommes sont en conflit. Néanmoins, cette multiplication de groupes armés privés montre qu’il y a des dissensions au sein du pouvoir russe », note Lukas Aubin. « Le gouvernement russe n’a plus vraiment le choix. L’armée est en difficulté et ces milices apparaissent comme des alternatives. »
Ces deux milices pourraient pourtant parfaitement coexister tant qu’elles serviront les intérêts du Kremlin. « Le pouvoir de Poutine est un pouvoir opportuniste où tous les moyens sont bons », estime Lukas Aubin. « Avoir des miliciens puissants à ses côtés est un atout même si c’est une construction qui peut paraître instable ».