« Bruno Retailleau expulse de France le fils de Ben Laden, résident normand », intitulé le JDD ce mardi 8 octobre. Alors que Sud Ouest annoncé: « »Apologie du terrorisme» : le 4ème fils d’Oussama ben Laden, qui vit en France, visé par une OQTF (obligation de quitter le territoire français, ndlr), Annonce Retailleau. Aucune des deux informations n’est exacte : Omar ben Laden, fils d’Oussama ben Laden, n’est pas aujourd’hui visé par une OQTF et n’a pas, ou ne sera pas, expulsé du territoire… puisqu’il n’y est plus. Il a effectivement quitté la France en 2023 après l’OQTF prise à son encontre par le préfet de l’Orne.
A la base de ces confusions, l’annonce par le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, mardi sur son compte X, d’un « interdiction de territoire administrative » visant Omar ben Laden.
« Je prononce aujourd’hui une interdiction administrative du territoire contre M. Omar ben Laden, fils aîné du terroriste international Oussama ben Laden, écrit-il en précisant que M. Ben Laden, basé dans l’Orne depuis plusieurs années en tant qu’époux d’une ressortissante britannique. avait « a accueilli sur ses réseaux sociaux en 2023 des commentaires relatifs à l’apologie du terrorisme ».
Aujourd’hui, je prononce une interdiction administrative du territoire contre M. Omar Binladin, fils aîné du terroriste international Oussama Ben Laden. M. Binladin, qui vit dans l’Orne depuis plusieurs années en tant qu’époux d’une ressortissante britannique, a accueilli…
– Bruno Retailleau (@BrunoRetailleau) 8 octobre 2024
Les propos en question, que l’intéressé nie avoir tenus, consistaient en un hommage à son père, tué par les forces spéciales américaines en 2011.
« En conséquence, le préfet de l’Orne (avait) pris une OQTF et obtenu le départ de M. Ben Laden, poursuit Bruno Retailleau. La justice a confirmé la légalité de cette décision prise pour des raisons de sécurité nationale. L’interdiction administrative du territoire garantit l’impossibilité pour M. Ben Laden de rentrer en France pour quelque raison que ce soit.
Selon une source proche du dossier, Omar ben Laden avait également quitté volontairement, par ses propres moyens, le pays suite à cette décision. On ne peut donc pas littéralement qualifier ce départ « d’expulsion », qui fait référence à une autre mesure spécifique du droit français.
« Grave menace pour l’ordre public »
La décision annoncée par Bruno Retailleau intervient après que le tribunal administratif de Caen a rejeté, vendredi 4 octobre, le recours d’Omar ben Laden contre cette OQTF qui l’avait visé en 2023 et l’avait conduit à quitter la France. A noter que, selon des documents consultés par BFMTV, le préfet de l’Orne avait imposé une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans à l’encontre de l’OQTF.
Le fils d’Oussama ben Laden ne pourrait donc en aucun cas (s’il le souhaitait) rentrer en France avant l’année prochaine. En revanche, la décision de Bruno Retailleau le prive de la possibilité de le faire plus tard. L’interdiction administrative de territoire (IAT), mesure prise directement par le ministre de l’Intérieur, se veut en effet une mesure plus pérenne, pour interdire le territoire.
« Ces IAT ont été établis et largement utilisés notamment dans le contexte lié au black bloc, au mouvement Earth Uprising, ou encore lors de sommets internationaux, rappelle Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes. L’idée, pour les pouvoirs publics français, est d’empêcher l’arrivée de certains manifestants étrangers sur la base des signalements des renseignements étrangers. »
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers prévoit qu’un IAT peut être pris à l’encontre d’une personne qui « constituerait une menace grave pour l’ordre public ». « Pour Omar ben Laden, l’IAT vise à promouvoir le terrorisme (d’après Bruno Retailleau). Et ce crime est sans aucun doute considéré comme une menace grave à l’ordre public, note Serge Slama. Il y a peut-être une question sur la proportionnalité de cette décision par rapport aux faits allégués. Dans tous les cas, Omar ben Laden pourra contester l’IAT. En attendant, elle produira des effets tant qu’elle ne sera pas abrogée. Contrairement par exemple à une interdiction de retour sur le territoire français, qui peut être prononcée en même temps qu’une OQTF, et qui a une durée maximale de cinq ans.
« Faire appel de cette décision injuste »
Sur son compte Facebook, la compagne d’Omar ben Laden a indiqué mardi 8 octobre qu’il « faire appel de cette décision injuste », pris sur la base d’un tweet « qu’il n’a pas posté » et pour lequel il « n’a jamais été condamné » par la justice, selon elle.
Selon la décision administrative du 4 octobre citée par BFMTV, Omar ben Laden a reconnu que le compte Twitter était bien le sien mais a assuré que le tweet avait été publié par « une personne de confiance » qui avait ses identifiants. Le juge a statué que le fils d’Oussama ben Laden n’avait pas « Il n’a pas cherché à retirer (les commentaires) ni à les condamner publiquement, ni à dénoncer leur auteur présumé ».
Omar ben Laden est arrivé en France en 2016 et s’est installé en Normandie, comme le raconte un portrait publié en 2022 par France Info. Il a ensuite été présenté comme « un homme discret » qui exposait et vivait de ses peintures. Dans une interview avec Indiquer, quelques semaines plus tôt, il expliquait qu’il avait « totalement détaché » de son père, avant même les attentats du 11 septembre, qui l’avaient « ruiné (sa) vie ».