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Conférencier de boxe olympique, humoriste, samouraï… Les 1001 vies de l’infatigable parajudoman Nacer Zorgani

Cet été, cet athlète déficient visuel de 38 ans s’est lancé un double défi : animer les soirées de boxe aux Jeux olympiques et remporter l’or paralympique en judo samedi dans la catégorie des poids lourds.

France Télévisions – Éditorial Sport

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Temps de lecture : 6 min

Que ce soit son frère, ses amis bénévoles à Paris 2024, ou encore les gérants du café en face de chez lui qui affichent une photo de leur champion près de la caisse, tous le décrivent affectueusement avec la même expression : « La tornade »A presque 39 ans, Nacer Zorgani est de ceux qu’on n’oublie pas, avec sa canne blanche. Un brin hyperactif, il s’est lancé dans un été où il jongle entre plusieurs rôles. Celui d’athlète l’a mené jusqu’à ce samedi 7 septembre, où il concourt dans la catégorie des -90 kg de parajudo (catégorie J2, athlètes déficients visuels).

Malvoyant en raison d’une dégénérescence progressive de la rétine diagnostiquée à l’âge de 17 ans, le Marseillais participe à ses premiers Jeux paralympiques. Et ce, alors qu’il ne pratique le judo que depuis deux ans et demi. Mais il ne part pas non plus de zéro. « C’est comme si le judo avait accumulé vingt-cinq ans d’expérience martiale », souligne celui qui pourra exhiber sa ceinture noire, obtenue à la mi-juin.

Karaté, kickboxing, boxe pied-poing, taekwondo, aïkido, ju-jitsu, sabre… Il a presque tout essayé, en plus de devenir en 2017 le premier licencié amateur déficient visuel en boxe anglaise, sa discipline de prédilection. « Le sport m’a sauvé la vie. J’ai commencé à mieux visualiser l’espace grâce à la pratique de tous ces arts martiaux. Cela m’a vraiment appris à perdre la vue. »explique-t-il. Ce qui lui a valu le surnom de « Zatoïchi », en référence à une série de films japonais qui mettent en scène un samouraï aveugle.

Nacer tient ce côté touche-à-tout de son père, arrivé d’Algérie en 1969 pour s’installer dans le quartier de la Belle-de-Mai à Marseille. « Avant, j’étais très timide, on se moquait souvent de moi. Quand j’ai commencé à perdre la vue, je ne pouvais plus lire le panneau ni voir le numéro du bus pour aller à l’école. J’avais honte de demander de l’aide, j’étais terrifiée par le regard des autres »explique le grand gaillard, 102 kg à la pesée pour 1,83 m. À le voir saluer tous ceux qu’il croise avec la même jovialité contagieuse derrière ses lunettes rondes, on sent que le temps a fait son œuvre œTravail.

« Un jour, un ami m’a dit : « Nacer, soit tu traverses la vie comme une étoile filante, soit tu restes dans un trou noir perdu dans l’espace ». C’est ma devise depuis, quitte à se brûler les ailes en essayant des choses. »

Nacer Zorgani

à franceinfo : sport

Après des études de philosophie – « Mon père se moquait de moi : ‘Tu as choisi la matière où il y a le plus de livres à lire alors que tu as une mauvaise vue, tu es stupide !’ » Le futur paralympien, avide de connaissances, enchaîne donc avec une licence de langues et de commerce international, puis deux masters dans le monde de la finance. Il étoffe ensuite son CV chez Canal+, Thales et Vivendi, où il gère de front les fusions et acquisitions, façon kumi-kata.

« Les gens ne savent pas ce que c’est que d’être vu en victime tout le temps. Ça donne envie de tout faire pour se dépasser. C’est pour ça que je donne parfois l’impression d’être dispersé. Ça me nourrit, ça me construit. » « Je suis un homme très sociable, je suis … Une façon de commencer aussi « thérapie par l’humour » après une grande période de dépression en 2014.

« Cela m’a permis de me remettre sur pied après des difficultés financières, émotionnelles et mentales. J’ai été opéré du bas du dos pour une hernie discale soudaine, le médecin m’a dit que je ne ferais plus jamais de sport car je ne pouvais plus bouger ma jambe. »il dit. « Comme des amis et sortir »Nacer a néanmoins mis cette activité entre parenthèses cette année pour se consacrer à 100% à sa préparation pour les Jeux.

Salarié de Paris 2024, pour lequel il est chef de projet senior en charge de l’engagement des bénévoles, il s’est également vu confier le rôle de speaker pour présenter les combats de boxe des Jeux Olympiques. Un véritable exploit pour lui, qui a commencé ce hobby après avoir entendu l’Américain Michael Buffer animer le championnat du monde de boxe entre Anthony Joshua et Wladimir Klitschko en 2017. « Petit à petit, à force de l’imiter pour faire rire mes collègues, j’ai été repéré et me voilà »résume-t-il, sans oublier de mentionner son expérience acquise lors des galas précédents.

Bien qu’assisté par plusieurs bénévoles pour suivre le chef d’orchestre des soirées, le showman a mémorisé par cœur les 235 combats qu’il devait présenter aux JO. Afin de lui permettre de mener à bien ses deux missions, l’organisation lui a même mis à disposition un espace sur les sites de Villepinte et Roland-Garros, où se déroulaient les épreuves de boxe, pour son entraînement de judo. « Je savais que ce seraient des semaines difficiles, mais je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi intense. Je donne 200%, mais c’est une bonne sensation de fatigue », il nous assure, tandis que son téléphone diffuse ses derniers SMS en mode haut-parleur en avance rapide.

Dans sa catégorie, il l’avoue, Nacer Zorgani ne fait pas partie des favoris, mais l’essentiel est ailleurs. « Quoi qu’il arrive, je n’aurai aucun regret car j’ai déjà gagné ! Je fais partie de ceux qui pourront dire qu’ils ont fait les Jeux de Paris. Avec le rythme de vie que j’ai, c’est inespéré d’être là »Alors qu’il venait de ressortir le kimono du placard pour le plaisir en 2022, il a été invité par Djamel Bourras, le président du PSG Judo, à rejoindre le club après un dîner en commun.

« Quand j’arrive au dojo, il y a Romane Dicko, Amandine Buchard, Teddy Riner, Luka Mkheidze… Ils voient une personne malvoyante qui n’a pas fait de judo depuis 1000 ans. C’est comme un pilote de kart qui se retrouve en Formule 1. »

Nacer Zorgani

à franceinfo : sport

De retour comme un phénix – selon un parallèle qu’il affectionne – après deux graves blessures au genou et à la clavicule lors de sa pré-saison à l’AS Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine), Nacer Zorgani n’est pas obsédé par la médaille d’or. Mais s’il devait monter sur le podium, il sait déjà comment le fêter : « Je voudrais me présenter comme orateur, je dois le faire. »

Ray Richard

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