Comprendre les enjeux du « pacte migratoire » européen, qui doit être examiné à Bruxelles ce mercredi
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Comprendre les enjeux du « pacte migratoire » européen, qui doit être examiné à Bruxelles ce mercredi

Comprendre les enjeux du « pacte migratoire » européen, qui doit être examiné à Bruxelles ce mercredi
Migrants à Lampedusa (Italie), le 15 septembre 2023.

Dernière ligne droite pour le pacte européen sur la migration et l’asile. Les députés votent mercredi 10 avril à Bruxelles pour ou contre la vaste réforme de la politique migratoire européenne. Ce « pacte migratoire » prévoit notamment le renforcement du contrôle des arrivées de migrants au sein de l’Union européenne (UE), et la mise en place d’un système de solidarité entre États membres dans la répartition des réfugiés.

Présenté en 2020, ce projet de réforme a fait l’objet d’intenses négociations au sein des Vingt-Sept, profondément divisés sur ce sujet depuis la crise des réfugiés en 2015. Mais les représentants des États et du Parlement européen sont finalement parvenus à trouver un accord décisif au fin 2023, ouvrant aujourd’hui la voie à une adoption définitive à deux mois des élections européennes.

Que contient ce pacte ? Quels changements sont apportés à la politique migratoire européenne ? Les Décodeurs font le point.

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Pourquoi l’UE a-t-elle proposé un nouveau « pacte migratoire » ?

Présenté le 23 septembre 2020 par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le pacte européen sur l’asile et la migration vise à réformer en profondeur la politique migratoire européenne mise à mal lors de la crise migratoire de 2015. l’afflux massif de migrants (1,8 million d’arrivées en un an) avait en effet fortement déstabilisé la coopération entre États membres, et illustré l’échec européen en matière d’asile et d’immigration. Aujourd’hui, l’UE est confrontée à une nouvelle augmentation des demandes d’asile. Elles ont atteint leur plus haut niveau depuis la crise migratoire de 2015, avec 1,14 million de demandes en 2023. L’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, Frontex, affirme également avoir enregistré en 2023 la plus forte augmentation des entrées irrégulières dans l’Union européenne depuis 2016.

Le pacte migratoire, soutenu par la France, vise à réformer le règlement controversé de Dublin (dit « Dublin III ») qui cristallise toutes les tensions. Adopté en 2013, ce système délègue le traitement des demandes d’asile aux premiers pays de l’UE dans lesquels arrivent les migrants (Italie, Grèce, Malte, etc.), et y concentre une bonne partie de la pression migratoire. Mais la crise de 2015 a mis en lumière l’inefficacité de ce système, les faiblesses des systèmes d’asile nationaux et le manque de solidarité au sein de l’UE, alors que les pays en première ligne, comme la Grèce, étaient débordés et incapables de traiter correctement les demandes d’asile.

Depuis, les pays de première entrée réclament un mécanisme de solidarité plus efficace. Mais en vain. Le projet de répartition et de quotas obligatoires de réfugiés a été mis en place dans la foulée de la crise migratoire, mais il n’a pas eu l’effet escompté puisqu’il n’a pas été appliqué par certains États membres comme la Pologne et la Hongrie. C’est pour remédier à ces difficultés et insuffisances qu’un nouveau pacte a été proposé.

Que contient ce « pacte » ?

Il s’agit d’un ensemble de dix textes législatifs (neuf règlements et une directive) destinés à établir un équilibre entre contrôle aux frontières et solidarité dans l’accueil des réfugiés sur le sol européen. « Si le pacte vise à tenter de mieux contrôler les frontières, la philosophie globale reste la même que « Dublin III », les pays d’entrée restant responsables de la plupart des accueils », résume Camille Le Coz, directrice associée au centre de recherche Migration Policy Institute Europe.

Concrètement, Bruxelles entend agir sur trois éléments clés.

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– UN gestion accélérée des frontières. Le pacte prévoit « de nouvelles procédures pour établir rapidement le statut d’une personne à son arrivée ». En clair, les migrants devront savoir plus rapidement – ​​dans un délai de cinq jours – s’ils peuvent rester en Europe ou en sortir, via une procédure de « filtrage » à l’entrée. (contrôle d’identité, contrôles de sécurité et de santé, prise d’empreintes digitales).

– Un renforcement du coopération avec les pays d’origine et de transit (comme ceux des Balkans) afin de limiter les arrivées, et lutter contre les réseaux de passeurs et contre le trafic de migrants. Bruxelles vise notamment à changer la manière de nouer des partenariats migratoires avec les pays tiers et à positionner l’Europe dans le cadre d’une politique migratoire de travail plus volontariste.

– Un nouveau mécanisme de solidarité plus flexible. Chaque pays doit contribuer au mécanisme de solidarité, mais de manière moins restrictive. Alors que les relocalisations (transferts de demandeurs d’asile entre États membres) étaient auparavant obligatoires, elles se font désormais sur une base volontaire. Les pays disposent donc de plusieurs options : relocalisation, contribution financière ou autres mesures de solidarité (déploiement de personnel, aide logistique à d’autres pays, etc.). Chaque année, afin de mieux prendre en compte les flux migratoires, la Commission produira un rapport et proposera des recommandations.

C’est sur ce nouveau système que se concentrent les critiques de l’extrême droite, notamment celles du Rassemblement National. Cependant, contrairement à ce qu’assure le parti de Jordan Bardella, la relocalisation des réfugiés ne sera pas obligatoire. Tous les États membres sont tenus de contribuer à la solidarité, de préférence sous forme de relocalisation, mais d’autres options sont proposées aux pays qui refusent d’accueillir les exilés. Au contraire, les Verts, la gauche radicale et certains socialistes (comme le candidat français Raphaël Glucksmann) dénoncent ce qu’ils considèrent comme une « externalisation de nos frontières »avec orientation des candidats vers des pays tiers « sûr ». Le texte bénéficie cependant du soutien des trois principales familles politiques européennes, le PPE, les Socialistes et Démocrates (S&D) et Renew Europe (centristes et libéraux).

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Pourquoi le pacte met-il autant de temps à être adopté ?

Le vote final du « pacte sur les migrations » doit avoir lieu le 10 avril au Parlement européen à Bruxelles, après plus de trois ans de négociations. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui a fait de cette réforme un texte clé de son mandat, a longtemps craint qu’elle n’aboutisse pas avant les élections européennes, prévues en juin. « Cet accord a été retardé car les négociations étaient très politisées et la question migratoire reste celle sur laquelle l’Europe est encore déchirée.analyse Camille Le Coz, sachant aussi que le texte s’est également révélé extrêmement complexe à négocier. »

Après deux années de paralysie politique, les négociations ont progressé significativement en 2023. Le 20 avril, le Parlement européen a adopté sa position de négociation en faveur de quatre textes fondamentaux, dont le règlement concernant le « filtrage », et l’incontournable gestion des « situations de crise ».

Deux mois plus tard, le 8 juin 2023, les Etats membres ont trouvé un compromis sur deux projets de loi essentiels, notamment celui instituant le nouveau mécanisme de solidarité obligatoire. « Une étape importante », avait même salué Ursula von der Leyen. Lors de son discours annuel sur l’état de l’Union, le 13 septembre 2023, il a ordonné aux députés et aux Vingt-Sept d’adopter le pacte. « Montrons que l’Europe peut gérer les migrations de manière efficace et compatissante. Finissons le travail ! » De profondes divisions subsistaient encore entre les États membres. La Pologne et la Hongrie se sont opposées à ces deux textes, tandis que la Bulgarie, la Lituanie et la Slovaquie se sont abstenues.

Le dernier volet consacré à la gestion des situations de crise a été bloqué notamment par l’Allemagne, mais un compromis a été trouvé fin septembre. Fin décembre, un accord décisif a été conclu entre les institutions européennes pour adopter les cinq règlements les plus importants du pacte migratoire. Mais cette annonce a été vivement critiquée par les ONG, qui pointent du doigt des mesures contraires aux droits humains fondamentaux.

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Camille le Coz appelle à la prudence quant à l’issue de ce texte. «Si ce projet n’est pas adopté, cela marquera un échec du projet européen que l’extrême droite continuera d’exploiter. » A l’inverse, s’il est adopté, il faudra rester attentif à sa mise en œuvre, notamment au respect des droits des demandeurs d’asile : « Les modalités de mise en œuvre du texte seront aussi importantes que les négociations passées, et les partenaires européens auront besoin d’un plan d’action garantissant ces fondamentaux. (…) Lors de la crise de 2015, l’Europe disposait d’un texte commun sur l’asile et la migration, qui n’existait finalement que sur papier. »

Cet article est une mise à jour d’une première version publiée en septembre 2023.

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