COMMENTAIRE. L’Afghanistan dans l’impasse
A l’aéroport de Kaboul, les aiguilles de l’horloge ne tournent plus. Comme si l’Afghanistan vivait désormais hors du temps. Dans un autre monde où les femmes sont emprisonnées. Sous contrôle. Condamnées à l’invisibilité sociale. Trois ans après l’arrivée au pouvoir des talibans, les apôtres de la charia dirigent le pays d’une main de fer.
La police de la « promotion de la vertu et de la prévention du vice » patrouille les marchés. Elle veille à ce que les femmes se conforment au code vestimentaire imposé par le pouvoir en place. Et elle n’hésite pas à frapper et à fouetter les contrevenants.
L’Afghanistan est aujourd’hui le seul pays au monde où les filles sont privées d’éducation après l’âge de 12 ans. Condamnées à être cloîtrées, parfois mariées sans leur consentement. Une situation que décrit Eric Cheysson, président de l’association humanitaire Chaîne de l’espoir « féminicide social ».
Est-ce une raison suffisante pour continuer à s’intéresser à ce pays ? Oui, car il existe en France un imaginaire afghan nourri par la littérature avec Les cavaliers de Joseph Kessel, l’épopée des médecins français dans le maquis afghan pendant la guerre contre les Soviétiques. On pourrait aussi citer la création des lycées français de garçons et de filles, au lendemain de la Première Guerre mondiale. Ou encore le travail mené par la Délégation archéologique française en Afghanistan depuis les années 1930 pour mettre au jour les vestiges gréco-bouddhiques de ce pays, carrefour de civilisations.
Un cocktail explosif
L’Afghanistan fait également partie des dix pays les plus exposés aux conséquences du changement climatique. Les sécheresses sont désormais régulièrement suivies d’inondations dévastatrices. Elles détruisent les récoltes et déciment le bétail, comme on l’a vu au printemps dans le nord, le nord-est et l’ouest du pays. La solidarité internationale est essentielle pour soutenir ces populations. Mais aussi pour prévenir de nouveaux flux migratoires.
Difficile, dans ces conditions, de détourner le regard d’un pays qui vit depuis trois ans dans une détresse alimentaire constante. Menacé chaque hiver par la famine.
20 millions d’Afghans, sur une population de 42 millions, peinent à se nourrir. C’est pourquoi ce pays, bien qu’ostracisé par la communauté internationale, continue de bénéficier d’une aide d’urgence apportée par les grandes organisations internationales et les donateurs, dont les États-Unis et l’Europe. Les talibans savent en jouer habilement avec cynisme.
Faut-il s’intéresser à l’Afghanistan ? Oui, car ce pays se situe sur la ligne de faille des tensions géopolitiques internationales. « Le grand jeu »,
Pour reprendre l’expression de l’écrivain britannique Rudyard Kipling, on ne voit désormais plus s’affronter deux puissances coloniales, la Grande-Bretagne et la Russie, mais la Chine, les Etats-Unis, la Russie, l’Iran et le Pakistan. Un cocktail explosif. L’Afghanistan reste un point de passage où s’affrontent de puissants intérêts. La Chine voudrait aujourd’hui, par exemple, mettre la main sur les richesses minières (terres rares, cuivre) de ce pays.
Enfin, la menace terroriste reste élevée, avec la présence d’Al-Qaïda et de l’Etat islamique du Khorasan (ISK), lié à Daesh, à l’origine de l’attentat qui a tué trois Espagnols et trois Afghans en mai dans le bazar de Bamiyan.