comment Thomas Voeckler a remis l’équipe de France au premier plan
Depuis le début de son mandat en 2019, l’entraîneur de l’équipe masculine de cyclisme sur route a vu ses projets audacieux très souvent récompensés dans la course en ligne.
Publié
Temps de lecture : 5 minutes
Neuf podiums en 13 courses, dont trois sacres (quatre médailles d’argent, deux de bronze). C’est le bilan de l’équipe de France masculine de cyclisme sur route dans la course en ligne depuis l’arrivée de Thomas Voeckler comme entraîneur en 2019. Sur la même période, seules la Belgique et son armada font mieux aux championnats. Jeux mondiaux, européens et olympiques confondus, avec une médaille de plus (trois d’or, six d’argent, une de bronze). A titre de comparaison, de 2000 à 2018, seules trois médailles ont été remportées par les Français dans ces mêmes courses, soit trois fois moins que sous Thomas Voeckler en cinq ans.
La France n’est plus un simple outsider. L’été l’a prouvé avec le doublé tricolore sur le podium dans les rues de Paris, Valentin Madouas remportant l’argent olympique et Christophe Laporte le bronze derrière Remco Evenepoel. Dans ces courses très particulières où les casques sont interdits, les Bleus jouent très souvent les premiers rôles. Guidés par Julian Alaphilippe, ils espèrent que cela continue dimanche 29 septembre, à Zurich, où les attend un parcours très exigeant, long de 274 kilomètres, avec près de 4.500 mètres de dénivelé positif.
« C’est mon devoir d’être ambitieux pour ce championnat du monde, même si nous n’avons pas de pilote au dessus des autres. En cyclisme, on peut réussir ou du moins s’en donner la possibilité. J’y crois. »soutient Thomas Voeckler, qui n’a rien perdu de l’audace et de l’ingéniosité dont il a fait preuve au cours de sa carrière de coureur. « Je voulais que les gens pensent que nous étions fous »il s’est amusé après les Mondiaux 2020 à Imola (Italie) et le premier sacre de Julian Alaphilippe. Mais ne comptez pas sur lui pour laisser tomber trop d’indices sur son plan avant une date limite.
« J’essaie simplement de suivre mon ressenti, que ce soit très tôt ou en ce momentlâche-t-il, volontairement évasif. Il ne faut surtout pas trop regarder en arrière les époques où tout fonctionnait bien. Je ne veux pas que nous nous contentions de cela. Il y a toujours quelque chose à améliorer. A l’inverse, quand ça ne marche pas, il y a toujours quelque chose à garder. ». Thomas Voeckler n’est pas du genre à valider l’adage selon lequel on ne change pas une équipe qui gagne.
« Je pense que l’équipe de France est une nation respectée. Je n’irais pas jusqu’à dire de la peur, mais je considérerais comme un manque de respect si les autres nous prenaient à la légère. »
Thomas Voeckler, sélectionneur de l’équipe de Francesur franceinfo : le sport
Voeckler a convoqué 46 coureurs différents depuis 2019. Chaque équipe s’adapte forcément au parcours de l’épreuve et aux différents états de forme des coureurs, mais il tient surtout à compter sur des athlètes portés sur le collectif. « Ce qui doit primer, c’est l’état d’esprit et l’envie de placer le maillot de l’équipe de France avant tout »insiste-t-il. Sans le travail de Quentin Pacher, Nans Peters et Julien Bernard pour dynamiter la course en 2020, Julian Alaphilippe n’aurait peut-être pas été champion du monde.
Signe que son discours est bien accueilli et compris par les coureurs, Benoît Cosnefroy a révélé qu’il ne reprochait pas à l’entraîneur de ne pas l’avoir convoqué pour les Jeux Olympiques cette année, malgré le fait de vivre « la plus grande déception » de sa carrière. « Thomas est une personne juste qui a prouvé qu’il avait les bonnes stratégies. Même si je me posais la question (de ma non-sélection)le choix a été fait pour des raisons purement sportives »a-t-il reconnu à l’AFP début juillet.
« Sa carrière professionnelle a duré dix-sept ans. Je ne sais pas combien de jours il a passé sous le maillot jaune du Tour de France, peut-être 20. Quand il y a quelqu’un comme ça devant, évidemment on l’écoute tous quand il était coureur. , il a extrêmement bien vu la course. Tous ses conseils sont bons à suivre.» souffle Sandy Dujardin, qui était là lors des Championnats d’Europe il y a deux semaines.
Le coureur de l’équipe TotalEnergies en dévoile un peu plus sur la mise en œuvre tactique en équipe de France : « Nous sommes tous autour d’une table et nous discutons de la course. Il a déjà un plan à l’avance. Il s’agit d’un briefing spécial. Il faut sortir avec une stratégie qui sort de l’ordinairedit-il. Mais pendant la course, tous les coureurs se parlent aussi beaucoup même si nous n’avons pas le même maillot le reste de la saison. Et s’il y a un problème, nous pouvons toujours l’appeler à la voiture. ».
Si les stratégies sont à chaque fois minutieuses, nécessitant un effort de concentration important de la part des coureurs, Voeckler ne veut pas restreindre l’instinct des coureurs. Il refuse tout simplement d’entasser ses meilleurs éléments du moment, de leur demander de suivre le plus longtemps et de voir au final. En face, les sélections mettent en vedette des coureurs de premier ordre. Dimanche, ce sera le cas de la Slovénie de Tadej Pogacar, de la Belgique de Remco Evenepoel ou encore des Pays-Bas de Mathieu van der Poel.
Sur un itinéraire qui « Avantage d’un coureur très fort »dit Thomas Voeckler, les hommes en bleu vont devoir surprendre. « C’est très exigeant pour moi et je ne ressens aucune lassitude »assure le coach. Il ne reste plus qu’à découvrir ce qu’il garde secret depuis plusieurs semaines.