Comment sont calculées les amendes de la SNCF… et pourquoi leur montant a augmenté en dix ans ? – Libération
Un voyage en TGV sans billet valable peut aujourd’hui coûter au contrevenant jusqu’à 380 euros. Il s’agit certainement du pire des cas (une amende majorée pour un long voyage en première classe, payée après établissement d’un procès-verbal). Mais le montant des amendes distribuées aujourd’hui par les contrôleurs de la SNCF contribue largement à la colère des usagers, qui dénoncent sur les réseaux sociaux un « matraquer » de la société de transport ferroviaire. Un regard rétrospectif sur les dix dernières années montre une véritable inflation qui résulte de révisions successives, notamment dans le mode de calcul, pas toujours très lisible pour les voyageurs.
Avant 2015, un usager qui voyageait sans titre de transport valable sur un trajet de moins de 100 km devait simplement s’acquitter d’une amende de 35 euros. Un montant correspondant à ce qu’on appelle le« rémunération fixe », destiné à sanctionner l’infraction elle-même (titre invalide, tarif invalide, fraude, etc.). Pour les trajets de plus de 100 km, le montant est descendu à 25 euros… mais le prix du billet a été ajouté (la SNCF parle de « montant dû pour le transport »). Le montant a été évalué selon la grille tarifaire spécifiquement applicable au voyage en question, les prix correspondant donc à ceux pratiqués lors des achats au guichet. En cas de fraude manifeste (falsification d’un titre de transport, utilisation du titre par une tierce personne, etc.), le passager était tenu de payer l’indemnité maximale de 135 euros, en plus du prix du billet.
Nous l’avons laissé là lorsque le voyageur fautif a accepté de payer directement – nous parlons de« encaisser ». Si le voyageur refusait de payer immédiatement, le contrôleur devait établir un procès-verbal et « frais de préparation du dossier » puis complété le montant de l’amende. Ces frais étaient de 50 euros (et n’ont pas changé depuis). Au bout d’un certain délai (deux mois à l’époque), l’amende était adressée au Trésor public, obligeant le contrevenant au paiement d’une amende forfaitaire de 375 euros. A noter que les voyageurs sans titre de transport qui se présentaient spontanément au contrôleur devaient payer, en plus de leur titre de transport, un supplément de 4 euros pour les distances inférieures à 100 km, et de 10 euros pour les trajets supérieurs à 100 km.
En 2015, la SNCF a lancé un plan antifraude
Des changements sont intervenus en 2015, dans le cadre d’un plan lancé par la SNCF pour renforcer sa politique antifraude. Ce projet se reflète dans la loi Savary de 2016, et l’entreprise commence à augmenter les amendes.
Les voyageurs sans titre de transport valable doivent désormais s’acquitter d’une amende de 50 euros pour les trajets de moins de 150 km (le montant de 35 euros pour les trajets de moins de 100 km disparaît). Pour les trajets de plus de 150 km, l’indemnisation de 50 euros est le double du prix du billet.
Si l’utilisateur ne paie pas immédiatement, un procès-verbal est établi et des frais de dossier de 50 euros sont ajoutés dans tous les cas. Les voyageurs sans titre de transport qui se présentent spontanément au contrôleur doivent désormais s’acquitter, en plus du prix du titre de transport, d’un supplément de 7 euros pour les distances inférieures à 150 km (au lieu de 4 euros) et de 15 euros pour les trajets supérieurs à 150 km. (au lieu de 10 euros). En cas de fraude avérée, le passager est tenu de payer une amende maximale réévaluée à 150 euros (contre 135 euros auparavant) en indemnité forfaitaire, toujours en supplément du prix du billet.
Changement de méthode de calcul en 2019
En 2019, la SNCF a opté pour un nouveau mode de calcul des amendes. Fini le montant forfaitaire de 50 euros. Le montant de l’amende varie en fonction de la distance du déplacement (« jusqu’à 100 km », « de 101 km à 200 km », « de 201 km à 300 km », et ainsi de suite jusqu’à « plus de 800 km »).
Le montant de l’amende varie d’une bande à l’autre : de 70 euros à 80 euros en deuxième classe, et de 80 euros à 100 euros en première classe. A noter que, quelque peu contre-intuitif, le montant des amendes n’est pas forcément plus élevé selon la distance du trajet (ainsi, le contrevenant doit payer 80 euros pour l’autonomie de 101 km à 200 km, mais 70 euros pour les trois tranches les plus élevées) . En cas de fraude avérée, l’indemnité forfaitaire portée à 150 euros prévaut toujours.
Le principal changement est ailleurs. En plus de l’amende, le voyageur doit évidemment toujours payer le prix du trajet (sauf pour les trajets de 100 km ou moins). Mais plutôt que de se référer au prix du billet achetable au guichet comme c’était le cas auparavant, SNCF Voyageurs applique désormais dans sa grille des tarifs prédéfinis, en fonction de la distance du trajet. Le montant correspond à « prix maximum du voyage arrondi aux 10 euros les plus proches », explique SNCF Voyageurs à VérifiezActualités. Cela varie également en fonction de la classe dans laquelle se trouve le voyageur. « Les barèmes de régularisation sont fixés de manière à être supérieurs aux prix de vente, dans un principe évident d’équité envers les clients ayant acheté leurs billets à l’avance. »
Pour un trajet de 101 km à 200 km en TGV, le montant atteint 20 euros en deuxième classe, et 30 euros en première classe. Pour un trajet de plus de 800 km en TGV, le montant atteint 130 euros en deuxième classe, et 180 euros en première classe. En ajoutant l’indemnité forfaitaire, le montant de la régularisation a été établi, pour un trajet de plus de 800 km en TGV, à 200 euros en deuxième classe, 260 euros en première.
Et, en cas d’amende majorée pour fraude avérée, l’indemnité de 150 euros s’ajoute toujours au prix du voyage. Le prix maximum à payer pour le contrevenant est donc de 280 euros pour un voyage en deuxième classe (130 euros plus 150 euros), et de 330 euros pour la première classe (180 euros plus 150 euros). Si l’on ajoute les frais administratifs inhérents à un signalement, ce montant est même porté à respectivement 330 euros et 380 euros.
Les frais de dépôt des rapports restent à 50 euros, tout comme l’amende forfaitaire portée à 375 euros (en cas de dépassement du délai de paiement). En revanche, les voyageurs disposent désormais de trois mois (au lieu de deux) pour payer leurs amendes.
Pour les voyageurs qui signalent eux-mêmes leur irrégularité au contrôleur, lors de l’accès au train ou dans les minutes qui suivent le départ, la SNCF supprime le système existant (prix du billet + majoration) et le remplace par un nouveau barème, allant (en deuxième classe) de 30 euros pour un trajet entre 0 et 100 km à 160 euros pour les trajets de plus de 800 km, et de 40 euros à 220 euros en première classe.
Augmentation des barèmes en 2023
En 2023, uniquement pour les déplacements de la tranche « plus de 800 km », l’indemnisation forfaitaire a augmenté de 10 euros. Depuis, le total à payer pour le contrevenant a donc été porté, sur les trajets les plus longs, à 210 euros en deuxième classe et 270 euros en première classe (au lieu de 200 et 260 auparavant).
Enfin, la même année, les barèmes appliqués aux voyageurs se présentant aux inspecteurs sont revus à la hausse, à hauteur de 5 euros dans chacune des tranches du barème de régularisation. Pour un trajet de plus de 800 km en deuxième classe à bord d’un TGV, le montant dû atteint 165 euros, contre 160 euros auparavant. Une augmentation assumée par SNCF Voyageurs : « Le « barème de bord » n’a été augmenté en mars 2023 qu’en proportion de l’augmentation du tarif général de janvier 2023, qui correspondait à la première augmentation du tarif général depuis de nombreuses années. »