comment Sacha, 8 ans, a vaincu la myopathie
La dystrophie musculaire de Duchenne le prive de ses mouvements. Une thérapie génique du laboratoire de l’association Téléthon lui offre l’espoir d’une vie normale.
Dans une petite ville proche de Strasbourg, la vie de Sacha promettait de se dérouler comme celle de n’importe quel enfant. Mais il y a six ans, tout a changé pour le petit garçon et sa famille. Alors âgé de 2 ans, Sacha a été hospitalisé après un malaise s’apparentant à une crise d’épilepsie. Mais une prise de sang puis des analyses génétiques amènent finalement un formidable diagnostic : Sacha souffre de dystrophie musculaire de Duchenne, une maladie génétique rare qui fragilise progressivement tous les muscles, jusqu’à la paralysie. Sans traitement, la maladie finit par atteindre les muscles respiratoires et cardiaques, entraînant la mort avant 30 ans. «C’est emblématique, parce que elle est à l’origine de la création de l’AFM-Téléthon »explique Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’association française contre les myopathies lors d’une conférence de presse en amont du 38e édition du Téléthon, les 29 et 30 novembre.
« Lors du diagnostic, tout s’écroule : on n’a que l’image de la chaise, de la trachéotomie, du cercueil »souvenez-vous des parents de Sacha, Hélène et Édouard. Ils prennent des mesures pour offrir à leur fils les meilleures chances d’enrayer la progression de la maladie et très vite, l’enfant entre dans une étude clinique au centre de référence de Strasbourg. Mais c’est véritablement fin 2022 que les choses se concrétisent : alors que Sacha vient de fêter ses 6 ans, il est l’un des premiers enfants à bénéficier de la thérapie génique développée par Généthon, le laboratoire AFM-Téléthon. . Les résultats spectaculaires font aujourd’hui de Sacha un symbole. « Il est l’héritier de toute une recherche scientifique qui a mobilisé d’importantes ressources humaines et financières depuis plus de trois décennies »souligne Laurence Tiennot-Herment, dont le fils est décédé de la dystrophie musculaire de Duchenne en 2003.
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Le principe de la thérapie
Jusqu’à 200 nouveaux cas de myopathie de Duchenne sont découverts chaque année en France, principalement chez des garçons diagnostiqués entre 2 et 3 ans. La maladie est causée par une mutation du gène qui code pour une protéine essentielle au soutien et à la protection des fibres musculaires : la dystrophine. Sans cette protéine, les muscles s’affaiblissent progressivement et s’endommagent. Les membres inférieurs sont les premiers touchés, entraînant des difficultés à marcher et des chutes fréquentes. La maladie se propage ensuite aux muscles du dos, des membres supérieurs et aux organes respiratoires, cardiaques et digestifs.
Le principe de toute thérapie génique consiste à remplacer les copies défectueuses du gène muté en insérant des copies fonctionnelles directement dans les cellules affectées, ici les cellules musculaires, à l’aide d’un vecteur viral, un virus rendu inoffensif pour servir au transport des « bonnes copies ». du gène. « Le problème dans la conception du traitement est que le gène de la dystrophie est le plus grand gène humain qu’aucun vecteur viral ne pourrait supporter »souligne Serge Braun, directeur général scientifique adjoint de l’AFM-Téléthon. C’est pourquoi cette thérapie génique est un peu particulière : « L’alternative que nous avons trouvée consiste à injecter une version abrégée du gène de la dystrophine, appelée microdystrophine, qui possède les fonctionnalités essentielles et peut être délivrée par un vecteur viral dans les muscles, y compris le cœur. »explique Serge Braun. Cela devrait permettre aux cellules musculaires de produire à nouveau la fameuse protéine.
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Ash marche et court encore
Pour Sacha, le traitement marque le début d’une amélioration spectaculaire. Il a fallu plusieurs milliards de vecteurs, mais une seule injection, pour voir les premiers résultats. Les vidéos diffusées lors de la conférence parlent d’elles-mêmes. On voit Sacha, 18 mois après l’injection, gravir les marches avec aisance en alternant correctement les deux jambes, ce qu’il était incapable de faire. Pour ses parents, c’est un « tsunami d’émotions ». « Les améliorations sont apparues dès le 3e semainesouligne Hélène. Depuis nous avons multiplié les victoires : il sait désormais gravir le toboggan, sauter sur un pied sautillant mais surtout courir »dit-elle, très émue. Il est toutefois trop tôt pour dire que le petit garçon est guéri et que ses muscles continueront à produire les protéines qui lui manquaient.
Cinq autres enfants, âgés de 6 à 10 ans, ont pu bénéficier du traitement avec des résultats encourageants qui donnent le feu vert au lancement de la phase « pivot ». « Nous prévoyons au premier trimestre 2025 d’administrer la thérapie à 64 enfants en France, aux États-Unis et au Royaume-Uni, avec pour objectif une commercialisation d’ici 2027-2028 »annonce Serge Braun. Mais deux questions resteront à résoudre : d’abord celle du coût du traitement, actuellement à 3 millions d’euros. Plus complexe, il faudra trouver une solution pour les enfants ayant déjà rencontré le virus utilisé comme vecteur, et donc plus à risque d’avoir une réaction immunitaire indésirable.