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Comment réformer la Constitution ? (1/2)

Les obstacles à la modification de la Constitution sont considérables. La crise actuelle peut être l’occasion de renforcer le caractère parlementaire du régime.

Pierre Ouzoulias

Sénateur PCF des Hauts-de-Seine, Vice-Président du Sénat

La dissolution de l’Assemblée nationale, puis les manœuvres actuelles du président de la République pour nommer un nouveau Premier ministre, qui poursuivra une politique désavouée par les électeurs, fournissent les arguments pour une réflexion sur la Constitution et la nécessité de la réformer. Après des élections européennes perdues par son camp et parce qu’il considérait que cette défaite affaiblissait sa légitimité, le président a dissous l’Assemblée nationale pour demander aux électeurs de lui renouveler leur confiance. Cette dissolution a été un plébiscite au service d’un césarisme présidentiel s’affranchissant du Parlement pour établir une relation privilégiée entre le président et le peuple.

Le général de Gaulle avait utilisé des méthodes similaires pour contester sa légitimité, mais il avait conditionné la poursuite de son mandat à l’obtention d’une majorité indiscutable. C’est ainsi qu’il avait démissionné à la suite du référendum perdu du 27 avril 1969. Non seulement le président actuel s’est maintenu au pouvoir après sa lourde défaite, mais il a organisé la nomination du nouveau gouvernement en ignorant ce désaveu. Sanctionné par les électeurs, il aurait dû, à tout le moins, faire marche arrière et accepter que le Parlement s’organise pour s’accorder sur le nom d’un nouveau premier ministre.

La Constitution ne lui interdisait pas non plus de nommer un conciliateur pour conduire ces négociations. Conformément à l’article 8 de la Constitution, il aurait nommé un Premier ministre choisi selon un processus dont il aurait validé le succès. La logique d’une démocratie parlementaire lui impose toujours de confier à Lucie Castets la mission de trouver une majorité pour gouverner. La défaite du Président a de facto transféré la légitimité au Parlement pour accorder sa confiance au Premier ministre sur la base de sa déclaration de politique générale et de l’engagement de sa responsabilité.

La Constitution de 1958 prévoit tous les outils d’un régime parlementaire. Dans le cas présent, c’est l’usage qui en est fait qui détermine la nature du régime. La situation politique actuelle démontre cependant qu’elle ne permet pas de s’opposer à une présidentialisation excessive qui nuit à notre démocratie.

Le respect de la Constitution exige qu’elle soit amendée selon les dispositions de son article 89, qui imposent à l’Assemblée nationale et au Sénat de se prononcer dans les mêmes termes sur un projet de gouvernement ou une proposition de réforme parlementaire qui doit ensuite être soumis à référendum ou à l’approbation des trois cinquièmes des parlementaires réunis en congrès. Ces conditions rendent improbable une révision totale qui supprimerait, par exemple, l’élection du président au suffrage universel. En revanche, la crise actuelle pourrait permettre d’adopter des dispositions renforçant le caractère parlementaire du régime. À chaque malheur son côté positif, et l’on peut remercier Emmanuel Macron d’en avoir montré la nécessité !

L’introduction de la représentation proportionnelle et la création d’un véritable référendum d’initiative citoyenne permettraient de repousser la présidentialisation.

Benjamin Morel

Constitutionnaliste

La gauche a promis beaucoup en matière de réforme constitutionnelle, mais n’a pas fait grand-chose. Souvent, l’opposition du Sénat a été un prétexte commode pour éviter de remettre en cause une présidentialisation du régime qui a profité à celui qui est arrivé à l’Élysée. Le président du Vet La République n’a en réalité que peu de pouvoir juridique. Elle n’en a que peu lorsqu’elle détient une majorité parlementaire.

Le mode de scrutin actuel lui permet d’en obtenir pléthore et un discipliné basé sur une minorité d’électeurs. En 2017, les partisans d’Emmanuel Macron ont obtenu 60% des députés en ne représentant, au premier tour, que 34% des électeurs et 17% des inscrits. Si vous passez à la proportionnelle, vous brisez ce lien.

Il paraîtrait ridicule qu’un président qui ne parviendrait pas à obtenir une majorité puisse promettre, lors d’une élection, une réforme des retraites par exemple – il n’aurait pas de majorité pour l’imposer. Or, la proportionnelle ne relève même pas d’une réforme constitutionnelle, elle ne dépend que d’une loi ordinaire. Sans toucher à la Constitution, vous changez déjà de régime politique.

On peut ensuite aller plus loin et toucher au texte même de la Constitution. Prenons par exemple la question du référendum d’initiative partagée. Celui-ci a été conçu pour ne jamais être utilisé. Il nécessite 4,9 millions de signatures en France contre 500 000 en Italie. Dans la plupart des pays, les référendums d’initiative citoyenne sont des référendums de veto.

Mais aujourd’hui, on a inventé la règle absurde interdisant de soumettre à référendum un texte voté il y a moins d’un an. On pourrait très bien envisager de réviser l’article 11 pour instaurer un véritable référendum d’initiative citoyenne. Comme dans l’Ohio, on pourrait l’accompagner de conventions citoyennes tirées au sort, chargées de produire des arguments ou de préparer un texte ensuite soumis à référendum.

Les craintes que nous avons sur ces sujets relèvent plus du millénarisme religieux entretenu par des préjugés que de la rationalité. La représentation proportionnelle existe partout en Europe, sauf en France et en Grande-Bretagne. La peine de mort n’a jamais été rétablie ni l’avortement interdit par voie de référendum d’initiative citoyenne. Faut-il donc passer à VIet République ? Comme nous l’avons vu, il suffit de changer quelques lignes de la Constitution, voire quelques lois ordinaires, pour changer la nature du régime.

Nous pouvons appeler ce VIet République s’il te plaît, ou Vet République si cela rassure. L’important n’est pas l’ordinal, mais de savoir où l’on veut aller. Remettre tout sur la table et repartir de zéro n’est, à cet égard, pas une bonne idée. Les constitutions sont de belles horloges où chaque article interagit avec un autre de manière imprévisible. Historiquement, quand on voulait écrire un nouveau texte, le résultat, dix ans après, n’avait rien à voir avec ce qu’on imaginait. Plutôt que de fétichiser, pour certains, le saint Vetet pour les autres, le futur VIetposons-nous la question des objectifs.

Avant de partir, une dernière chose…

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

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