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Nouvelles locales

+972, le média qui met à nu les méthodes de Tsahal à Gaza

Depuis leurs révélations tonitruantes de la semaine dernière sur l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) par l’armée israélienne dans la bande de Gaza, les médias israélo-palestiniens +972 Revue Et Appel local ont vu leur quotidien changer. « Nous n’avons jamais reçu autant d’attention. Même la Maison Blanche et le Secrétaire Général des Nations Unies ont réagi en moins de quarante-huit heures, se vante de son co-fondateur, le journaliste israélien Haggai Matar. Cela montre que nous comptons sur le chemin qui mènera à la fin de la guerre. »

Cette enquête décrit l’existence de « Lavender », un programme développé et utilisé par Tsahal pour identifier des cibles dans la bande de Gaza à l’aide de l’IA. Tout avec « peu de surveillance humaine » Et « une politique permissive en matière de pertes humaines », précise son auteur, le journaliste israélien Yuval Abraham.

« Mais nos révélations ont suscité des réactions diamétralement opposées sur nos deux sites : sur le +972, en anglais, le trafic a explosé et nous avons été inondés de demandes ; sur Local Call, en hébreu, il n’y avait presque pas de répétitions », constate sans surprise Haggai Matar, rencontré dans sa maison du sud de Tel-Aviv.

« Le 7 octobre n’est pas le début d’un conflit »

Car composés de journalistes israéliens et palestiniens, +972 et Local Call sont des ovnis dans le paysage médiatique. « Nous vivons des deux côtés, ce qui nous permet de poser des questions que d’autres ne se posent pas, explique-t-il en donnant le biberon à son nouveau-né. Nous continuons de dénoncer le régime de l’apartheid et de contextualiser, de rappeler que le 7 octobre n’est pas le début d’un conflit mais une évolution presque prévisible. »

Ce discours contraste radicalement avec celui d’autres journaux et chaînes de télévision, sur lesquels Haggai Matar adopte un point de vue intransigeant. « En dehors du quotidien Haaretz, le plus connu à l’étranger mais très peu lu en Israël, tous les médias se mettent au service de la morale nationale, du soutien aux troupes et à l’effort de guerre. » Des valeurs aux antipodes de celles du journaliste, figure du militantisme local, qui a passé deux ans en prison pour objection de conscience lors de la deuxième Intifada (2000-2005). « Depuis six mois, aucun média n’a montré ce qui se passe à Gaza. Ils ignorent les Palestiniens ou n’en parlent que lorsque la violence touche les Israéliens, ou lorsque Joe Biden accroît la pression internationale. »

La rédaction n’arrive toujours pas à croire que l’enquête soit passée par les fourches caudales de la censure militaire, à laquelle est nécessairement soumis chaque article. Depuis le début de la guerre, révèle-t-il, environ 600 articles ont été entièrement censurés, et plusieurs milliers expurgés. Hors de proportion avec les 100 à 300 rejetés en moyenne les années précédentes. « Soit les militaires ne voient pas le problème, soit ils considèrent cela comme une bonne presse. Ce que nous écrivons en choque beaucoup, mais il suffit qu’un responsable des achats militaires en Arabie Saoudite ou en Inde croie que Lavande en vaut la peine pour que le programme soit exporté… » s’avance le journaliste, inquiet. Ce n’est que le début de l’utilisation militaire de l’intelligence artificielle. Et dans un certain temps, beaucoup comprendront que dans cette affaire, Israël expérimente sur les Palestiniens. »

«De plus en plus de sources et de lanceurs d’alerte»

Les révélations sur Lavender font suite à un article publié par +972 en novembre 2023 dans lequel un ancien officier des renseignements israéliens affirmait, sous couvert d’anonymat, que l’IA se transformait en « une usine à massacres ». Depuis, un cercle vertueux s’est enclenché. « De plus en plus de sources et de lanceurs d’alerte nous contactent, note Aggée Matar. Ils apprécient notre précision et disent : «Ce que tu as écrit n’est rien comparé à ce que je vais te dire.» » Cette fois, six agents des renseignements israéliens ont contribué à révéler l’histoire..

Face à l’ampleur de l’enquête, comment ne pas s’inquiéter pour la sécurité de la rédaction ? « Notre première crainte concerne nos journalistes toujours à Gaza. Il n’y a jamais eu autant de journalistes tués depuis des années là-bas. On voit clairement qui est visé. L’un d’eux a perdu toute sa famille, explique-t-il, révolté par cette guerre à huis clos. En Cisjordanie, les colons et l’armée lisent nos articles et sont de plus en plus dangereux. Et en Israël, nous y prêtons attention. Nous n’en sommes pas au point où nous devons avoir des gardes du corps, mais nous sommes prêts s’il le faut. »

Dans le quartier très à droite où il vit, Haggai Matar n’a pas toujours été rassuré. Dans les premières semaines de la guerre, l’inquiétude venait surtout des roquettes qui tombaient dans le quartier.. « Nous n’avons pas d’abri à la maison. C’était terrifiant. » il se souvient. « Puis la maison d’un ami journaliste a été attaquée par un gang d’extrême droite. Là, je me suis dit qu’ils pouvaient très bien mettre le feu au cabanon du jardin, tuer mes chats… Et puis ça s’est calmé. Il est difficile de voir les nuances de la peur quand on vit ici. Quand sommes-nous en danger ou en sécurité ? Je suis moins inquiet maintenant. Mais ça peut revenir, avoue-t-il en posant le biberon, son bébé dans les bras. Le problème est plus global : comment élever ses enfants dans un pays constamment dangereux et dans une société aussi nationaliste ? Plusieurs amis et membres de la famille ont déjà fait le choix de partir. »

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Une petite équipe de journalistes en Israël et en Palestine

Né en 2010, +972 est la seule rédaction israélo-palestinienne du pays, dirigée depuis septembre 2023 par le rédacteur en chef Ghousoon Bisharat, un Palestinien de Nazareth ayant travaillé auparavant pour Al-Jazeera, Sky News et ABC.

Les médias anglophones indépendants +972, qui doit son nom au code téléphonique d’Israël, et à son homologue hébreu, Appel local, chacun compte quatre rédacteurs, six rédacteurs et des dizaines de contributeurs réguliers basés en Israël, dans les territoires palestiniens occupés et dans la bande de Gaza.

A ce jour, deux journalistes de la bande de Gaza ont quitté l’enclave et deux sont en passe de le faire. Il restera alors un contributeur régulier sur place.

L’auteur de l’enquête Lavender, le journaliste israélien Yuval Abraham, a été primé début mars au Festival du Film de Berlin, pour Aucune autre terre, un documentaire réalisé avec les Palestiniens Basel Adra et Hamdan Ballal, sur les expulsions forcées et la démolition de maisons palestiniennes par Israël en Cisjordanie occupée.

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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