comment l’idéologie nationaliste a envahi le pays depuis l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi
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Alors que près d’un milliard d’Indiens sont appelés aux urnes jusqu’au 1er juin pour des élections générales, un documentaire retrace le parcours du Premier ministre du pays, candidat à sa propre succession.
Longtemps considérée comme la plus grande démocratie du monde, l’Inde a vu ses fondations ébranlées depuis l’arrivée au pouvoir du nationaliste Narendra Modi en 2014. Figure marquante de BJP (Bharatiya Janata Party, ou « Parti du peuple indien »), le parti nationaliste hindou, le Premier ministre, qui entretient le culte de la personnalité, est le grand favori des élections législatives, qu’il pourrait remporter pour la troisième fois consécutive. Le scrutin, à l’échelle du pays, s’est ouvert le 19 avril et doit se terminer le 1er juin. Au total, 968 millions d’Indiens sont appelés aux urnes et plus d’un million de bureaux de vote sont ouverts à travers le pays.
Le documentaire L’Inde de Modi : la démocratie confisquée, réalisé par Sébastien Daguerressar, diffusé dimanche 28 avril à 21h05 sur France 5, dessine les contours d’une Inde en pleine mutation qui tend, depuis plusieurs années, vers un pouvoir autoritaire, aux accents patriotiques et religieux, très loin des mantras profanes prônés par Gandhi ou Neru. Le film retrace l’expansion du pays, mais surtout le parcours de Narendra Modi, un idéologue convaincu d’extrême droite qui tente de museler ses opposants, de museler la presse et d’ostraciser les communautés non conformes au système de valeurs promu. par le nationalisme hindou. Cette politique xénophobe touche toutes les communautés : chrétiennes, sikhs et surtout musulmanes.
Les médias relayent l’opinion du pouvoir
L’exploitation des médias et des réseaux sociaux est l’arme utilisée à maintes reprises par le camp de Narendra Modi, pour véhiculer ses idées nationalistes et diaboliser les Indiens musulmans. « Lorsque Narendra Modi est arrivé au pouvoir en 2014, les chaînes d’information ont changé de ligne éditoriale et ont commencé à le soutenir, voire à le défendre »raconte le journaliste indépendant Ravish Kumar dans le documentaire. « En termes d’éthique, toutes les chaînes d’information se sont effondrées les unes après les autres. (…) Tout allait dans le sens de Modi et de sa politique.»
Ravish Kumar, journaliste de renom et ancien directeur de l’information de la chaîne nationale NDTV, a perdu son emploi et sa vie a été menacée pour avoir dénoncé les injustices et la désinformation diffusées par le gouvernement Modi et ses partisans. Mais surtout parce qu’il s’est opposé au milliardaire Gautam Adani. Le magnat, proche du Premier ministre, a pris une participation majoritaire dans NDTV, auparavant considéré comme le dernier grand média critique du paysage audiovisuel indien.
Le documentaire interviewe le présentateur star indien Suresh Chavhanke, qui dirige la chaîne Sudarshan News, relais de l’idéologie nationaliste hindoue. Dans son émission phare, il attise sans vergogne la haine contre les musulmans. Une position qu’il assume : «Notre travail est d’éveiller la conscience patriotique de nos médiasdéclare-t-il. Avant, on nous reprochait de soutenir les hindous, maintenant c’est le contraire, tout le monde est avec nous, parle comme nous. »
Un groupe paramilitaire qui recrute des jeunes
Ce nationalisme hindou exacerbé n’est pas récent. Il fermente depuis des décennies, et s’est répandu dans tout le pays depuis l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi, qui continue d’attiser ses braises. Rien d’étonnant pour un Premier ministre lui-même formé, dès l’âge de 8 ans, par un groupe paramilitaire appelé Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS, « National Patriotic Organisation »). Créée en 1925 pour lutter contre le colonialisme britannique et le séparatisme musulman, cette organisation est devenue extrêmement puissante au fil des années et compte des centaines de milliers de membres.
« Je ne connais aucune organisation de ce style qui ait si peu changé en un siècle »note dans le documentaire Christophe Jaffrelot, directeur de recherche au CNRS. « (Le RSS) apprend l’idéologie nationaliste hindoue, avec des formations où l’histoire est revisitée. (…) C’est aussi le creuset d’une xénophobie explicite. »
Ces suprémacistes se battent pour qu’il y ait une identité religieuse unique dans le pays : l’Hindutva (hindouisme), et pour cela, ils n’hésitent pas à procéder à des conversions forcées, à changer le nom des villes, à détruire des mosquées et surtout à pourchasser ou même tuer des musulmans. « Ils défendent également l’idée selon laquelle chaque citoyen du pays est hindou. confirme le journaliste indien Nilanjan Mukhopadhyay, biographe de Narendra Modi. « Peu importe leurs croyances. (…) Pour eux, on peut être musulman, chrétien, on est avant tout hindou. L’hindouisme, selon eux, n’est pas une religion, mais un état d’esprit. »
Le documentaire L’Inde de Modi : la démocratie confisquéeréalisé par Sébastien Daguerressar, est diffusé le dimanche 28 avril à 21h05 sur France 5.