Comment les Républicains se sont replacés au centre de l’échiquier politique
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Comment les Républicains se sont replacés au centre de l’échiquier politique

Comment les Républicains se sont replacés au centre de l’échiquier politique

Avec la nomination de l’un des leurs au poste de Premier ministre, les LR s’apprêtent à revenir au gouvernement, douze ans après la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Ce retour au pouvoir avec Michel Barnier est un paradoxe pour un parti qui ne compte plus que 47 députés à l’Assemblée nationale.

Il n’a pas manqué de souligner l’incongruité de la situation, sous l’œil rieur de Marine Le Pen. « Le parti qui a obtenu 6% des voix aux dernières élections législatives a en quelque sorte gagné à la loterie et s’est vu confier la tâche de former le nouveau gouvernement français.« , a fustigé Jordan Bardella, samedi 14 septembre, lors de la rentrée parlementaire du Rassemblement national à l’assemblée. Dans le viseur du président du RN : Les Républicains.

Avec la nomination de l’un des siens, Michel Barnier, au poste de Premier ministre, le parti de droite s’apprête à revenir au pouvoir, douze ans après la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Un retour au pouvoir à peine croyable pour un parti écrasé par les défaites électorales et notamment le score famélique de 4,78% de Valérie Pécresse à l’élection présidentielle de 2022.

Les Républicains ont su profiter du désordre politique installé après les législatives anticipées, avec cette Assemblée nationale fracturée en trois blocs, alors qu’ils ne comptent eux-mêmes que 47 élus. Refusant d’abord toute coalition gouvernementale, ils ont rapidement changé de ton avec la nomination par Emmanuel Macron de l’ancien négociateur en chef du Brexit.

Le Nouveau Front populaire a promis à Michel Barnier une motion de censure. Le Rassemblement national, lui, laisse le nouveau Premier ministre aux commandes. « le bénéfice du doute »mettre de côté « censure a priori »mais sans l’exclure « dans les mois à venir ». Jordan Bardella maintient donc Michel Barnier « sous surveillance ». Les Macronistes, eux-mêmes, « sachez qu’une pause est nécessaire et qu’il ne peut y avoir de continuité avec les sept années qui viennent de s’écouler »analyse le politologue Benjamin Morel. Dans ce contexte, Les Républicains « ont réussi à prendre le leadership »Ils présentent un avantage majeur : « des personnels politiques formés et reconnus qui connaissent l’État ». Pour ce spécialiste de la Constitution, « C’est la revanche des politiciens professionnels ».

Ce n’est pourtant pas le plan imaginé par les dirigeants LR au début de l’été. Le 10 juillet, Laurent Wauquiez, qui vient d’être élu président du groupe LR à l’Assemblée, rebaptisé La Droite républicaine, se présente devant la presse. La droite est alors en position de faiblesse et sort d’un psychodrame dont elle seule a le secret : son patron, Eric Ciotti, a fomenté en catimini une alliance électorale avec le RN, s’attirant les foudres de tous les caciques du parti. Alors que le groupe comptait 61 députés avant la dissolution, il n’en reste plus que 47 dans la nouvelle mouture. « Nous ne participerons pas aux coalitions gouvernementales »annonce d’emblée Laurent Wauquiez, préférant mettre sur la table UN « pacte législatif » avec « projets de loi » pour le « revalorisation de la France ouvrière ».

Le président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes de l’époque avait également prévenu que son groupe s’opposerait à tout gouvernement issu du Nouveau Front populaire. Car la coalition de partis de gauche, arrivée en tête des législatives, se réunissait au même moment pour tenter de présenter un profil à Matignon. Ce serait celui de Lucie Castets, nommée une dizaine de jours plus tard, mais qui serait recalée d’emblée par Emmanuel Macron. Pour justifier ce rejet, le président de la République s’appuyait notamment sur l’échec du candidat du NFP, le communiste André Chassaigne, à la présidence de l’Assemblée nationale.

Même si LR ne veut pas entendre parler de coalition avec le parti de Macron, la droite et le parti présidentiel s’entendent néanmoins pour empêcher la gauche de monter à la tribune le 18 juillet. La députée macroniste Yaël Braun-Pivet conserve la présidence de l’Assemblée nationale grâce notamment au retrait du candidat LR Philippe Juvin. L’accord n’est cependant pas ouvertement assumé par LR. « Il ne s’agit pas d’un accord, mais du fonctionnement de l’assemblée, nous voulons éviter tout blocage institutionnel »« La droite est en train de s’effondrer », plaide alors Anne-Laure Blin, porte-parole du groupe LR. Deux jours plus tard, LR remporte, notamment grâce aux voix des macronistes, deux vice-présidences à l’assemblée. La trêve olympique se profile et la droite s’en tient à son pacte législatif, présenté en détail le 22 juillet.

Emmanuel Macron a, de son côté, donné rendez-vous aux partis politiques à la mi-août pour avancer sur la nomination d’un nouveau Premier ministre. En réalité, il faudra attendre encore trois semaines avant de voir désigné le successeur de Gabriel Attal. Un délai qui, selon l’entourage de Laurent Wauquiez, a donné matière à réflexion au chef du groupe LR : « Ce qui explique cette évolution de Laurent Wauquiez, c’est la situation du pays et la lassitude des Français. On a des retours très clairs du terrain là-dessus. »

A partir du moment où le chef de l’Etat nomme Michel Barnier à Matignon, tout change à droite et pour le candidat pour 2027. « Laurent Wauquiez, c’est plus qu’un mouvement, c’est un triple salto arrière »se moque un parlementaire de droite. Dans les rangs des élus, depuis la nomination de Michel Barnier, annoncée le 5 septembre, l’évolution est également spectaculaire. « Nous étions dans une situation de blocage avec un président qui tergiversait. À un moment donné, c’était la politique de l’offre. »assure le député LR Antoine Vermorel-Marques.

« Ce serait drôle si nous refusions de participer à partir du moment où Emmanuel Macron nommerait quelqu’un de nos rangs. »

Antoine Vermorel-Marques, député LR

à franceinfo

« Nous le soutiendrons, il est évident que certains d’entre nous seront au gouvernement et ce sera notre façon de peser »s’est réjoui un député LR, au lendemain de la nomination de Michel Barnier. Une semaine plus tard, la droite confirmait sa participation au prochain gouvernement, lors de ses journées parlementaires à Aix-les-Bains (Savoie). « La nomination de Michel Barnier est une excellente nouvelle »se réjouit Laurent Wauquiez.La décision que nous avons prise est de nous engager à ses côtés, et il aura le soutien très clair de tous nos parlementaires. »il ajoute. « C’est un véritable retournement de stratégie. On passe d’une stratégie d’opposition, où l’on joue à l’extérieur, en attendant que le macronisme meure, à une stratégie d’entrisme. »analyse Benjamin Morel.

Dès lors, l’appétit de LR se ranime avec la future répartition des portefeuilles ministériels. Il semble bien loin le temps où, en 2017, LR avait exclu Edouard Philippe, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin ou Sébastien Lecornu après leur entrée dans un gouvernement macroniste. Selon des sources concordantes, l’ancien parti de Nicolas Sarkozy réclame un quart à un tiers des portefeuilles ministériels, dont un ou deux ministères régaliens. Michel Barnier lui-même a déclaré le 12 septembre que son futur gouvernement serait certainement « équilibré, représentatif, pluriel »mais aussi « naturellement (avec) sa famille politique ».

Dans le parti de Macron, nombreux sont ceux qui voient d’un très mauvais œil les ambitions de la droite. Les cadres du MoDem sortent l’artillerie lourde en détruisant les revendications de LR.« Ils n’ont pas les moyens de la politique qu’ils veulent. Si les Français avaient voulu une politique de droite, ils auraient élu 289 députés LR. »s’en prend à Marc Fesneau, le chef des députés centristes, dans La Tribune15 septembre. Un exécutif avec une forte dominance LR « n’aurait aucune chance de succès »également mis en garde contre BFMTV le même jour François Bayrou, le chef du parti.

Au sein même de la Renaissance, certains grincent des dents. « Ce qui me désole le plus, c’est qu’après avoir remis la gauche en selle avec le NFP, on remet la droite en selle. La gauche s’est reconstituée contre nous et les LR, avec 40 députés, on a l’impression qu’ils ont gagné les élections »s’inquiète un député macroniste influent, rencontré lors des journées parlementaires du parti présidentiel, le 10 septembre.

« Le risque avec Barnier, c’est qu’il tire trop à droite. Il faut lui rappeler gentiment que ce ne sont pas LR qui ont gagné les élections. »

Un député de la Renaissance

à franceinfo

Mardi 17 septembre, le président du groupe Renaissance, Gabriel Attal, a écrit dans un message à ses troupes qu’il demandait une nouvelle rencontre avec le Premier ministre et que « pour y voir plus clair » concernant la participation des Macronistes au gouvernement. L’ancien locataire de Matignon s’interroge sur la future ligne politique mais aussi sur « les grands équilibres gouvernementaux ».

Des critiques que la droite assure ne pas ignorer. « Nous sommes conscients de notre poids politique, d’où nous venons et du chemin qu’il nous reste à parcourir pour reprendre le pouvoir. »assure le député LR Antoine Vermorel-Marques. « Nous n’avons pas gagné les législatives et nous n’avons que 47 députés. Mais avec le Sénat, nous sommes la première force politique du pays. Sans compter tous nos élus locaux », a néanmoins affirmé le porte-parole du groupe LR à l’Assemblée, Vincent Jeanbrun, sur Sud Radio, le 16 septembre.

« Ils peuvent parler du Sénat autant qu’ils le souhaitent, mais il n’y a pas de censure au Sénat.« Nous sommes très inquiets de la situation économique actuelle, mais nous ne sommes pas prêts à nous engager », rétorque le député Renaissance Ludovic Mendes. Le chef de file des sénateurs de droite avait encore brandi la menace d’une censure du gouvernement en avril, pour protester contre la dégradation des finances publiques et de la politique économique du gouvernement. « Je suis d’accord que Barnier ait été mis à la tête de ce gouvernement, mais il n’y a pas de plus grande minorité que LR en ce moment »insiste Ludovic Mendes. « Ce qui compte le plus, ce ne sont pas les positions mais de faire passer notre pacte législatif autant que possible et de gagner en crédibilité dans ces crises », tempère le député LR Fabien Di Filippo. L’influence et le poids des LR dans la composition du gouvernement seront néanmoins scrutés avec attention.

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