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comment les préfets anticipent l’arrivée possible de l’extrême droite au pouvoir

Les grands serviteurs de l’État pourraient bientôt œuvrer pour un gouvernement dirigé par le Rassemblement national. Malgré leur devoir de réserve, certains – très inquiets – ont accepté de nous répondre sur ce sujet explosif.

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Marine Le Pen et Jordan Bardella, lors d'un meeting du Rassemblement national, à Paris le 9 juin 2024. (JULIEN DE ROSA / AFP)

Depuis dimanche 9 juin, en privé, en réunion, sur les boucles de messagerie Telegram, toute la préfecture étudie le scénario d’une victoire du Rassemblement national aux élections législatives et tente d’en mesurer les conséquences. « Mon préfet nous a dit que certains de ses collègues réfléchissent à poser leurs valisesdit un sous-préfet. Ils attendent une valse des préfets, quel que soit le résultat des élections, d’autant plus si c’est le RN qui passe. »

Sur les 124 préfets et 479 sous-préfets en exercice, combien sont prêts à quitter leur poste en cas de victoire du RN. Seul un parmi la douzaine que nous avons interrogés nous l’a dit. Beaucoup hésitent comme ce préfet : « Je ne me vois pas travailler pour un gouvernement de Rassemblement national. Ce serait un véritable cas de conscience. J’envisage clairement de quitter mes fonctions mais il me faudrait un plan B. J’ai une famille à nourrir. »

« Personne ne démissionnera »estime un haut préfet plutôt hostile au RN. « La maxime dans cette instance est ‘on se soumet ou on démissionne’continue-t-elle.

« Qui aura le courage de démissionner et de perdre de tels postes et de tels avantages ? Qui prendra le risque d’être mis au ban du corps préfectoral qui ne se soutient que lorsqu’il est certain de ne courir aucun risque ?

Un haut préfet plutôt hostile au RN

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Un autre préfet contacté par franceinfo explique qu’il assurera la continuité de l’Etat : « Je n’envisage pas de démissionner au soir du 7 juillet. Même si le RN est majoritaire, il y a des contre-pouvoirs : la cohabitation, l’autorité judiciaire, le Conseil d’État, le Sénat aussi. Ma vraie question, ce sera de savoir si je vais devoir mettre en œuvre des politiques que ma morale personnelle refuse. »

Car les membres du corps préfectoral n’ont pas le droit de contester les décisions d’un gouvernement élu. Et pourtant, nombreux disent réfléchir aux moyens de s’opposer, comme ce préfet : « Dans les boucles WhatsApp, les contacts que j’ai, ça commence déjà à s’agiter. Je n’irai pas jusqu’à parler de résistance mais certains se demandent comment contrer telle ou telle instruction en opposition aux principes constitutionnels, réglementaires et juridiques. C’est la théorie des « baïonnettes intelligentes » qui existent aussi dans la police ou la gendarmerie. Préfet, aussi, il y a une obligation de refuser d’appliquer un arrêté illégal. »

Contacté par franceinfo, Christophe Bay, ancien préfet et actuel cadre du Rassemblement national, balaye le problème. Que les préfets soient tranquilles : il n’y aura pas de chasse aux sorcières. « Les hauts fonctionnaires, par définition, obéissent au gouvernement qui est lui-même issu d’élections, donc le problème ne se pose pas. Ni Jordan Bardella ni Marine Le Pen ne feront comme les socialistes en 1981, décapiter la haute fonction publique par pur dogmatisme » , il jure.

Un message d’apaisement de la part du RN que de nombreux hauts responsables inquiets entendront sûrement. Les autres savent qu’en cas de déloyauté envers le gouvernement, ils risquent très gros et que leur carrière est en jeu.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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