Les écologistes présentent un projet de loi visant à interdire les PFAS dans les produits en contact avec les aliments, avant leur interdiction dans les emballages dans l’Union européenne. Un tel texte ne suffirait pas à lui seul à les éliminer.
Les PFAS (prononcé « piface ») sont souvent appelés « polluants pérennes ». Plus rarement, on souligne qu’il s’agit aussi de polluants omniprésents. Issues de la chimie, ces molécules ont contaminé le quotidien en s’imposant dans la composition des objets du quotidien : plastiques, textiles, revêtements, peintures, médicaments, pesticides, etc. Profitant de la « niche parlementaire » du groupe écologiste à l’Assemblée nationale , le député girondin Nicolas Thierry a présenté jeudi 4 avril un projet de loi visant à protéger les risques liés à l’exposition croissante de la population à ces substances de la famille des perfluoroalkylés et polyfluoroalkylés. Le texte propose notamment de les interdire pour tout produit en contact avec les aliments, à partir de juillet 2025.
Emballages, barquettes à poisson, papiers pâtissiers… Dans la confection de ces produits du quotidien, « les composés perfluorés sont principalement utilisés pour leurs propriétés hydrophobes »explique le chimiste et toxicologue André Cicolella, président de l’association Santé Environnementale.
« Parce qu’ils repoussent l’eau et les graisses, on les retrouve par exemple dans les boîtes à pizza. Généralement, ces boîtes ont un aspect légèrement brillant.
André Cicolella, toxicologuesur franceinfo
« Mais il existe en réalité plusieurs milliers de types d’usages possibles », poursuit le chercheur en santé environnementale. Pour cibler ce point de contamination, le projet de loi discuté jeudi propose de prendre un peu d’avance sur le règlement européen qui a édicté en mars l’interdiction d’ici 2026 d’ajouter des polyfluoroalkyles dans la composition des emballages alimentaires.
Pour André Cicolella, l’attention récente portée aux composés perfluorés – tant par le législateur que par les médias – a fait de ces molécules l’ennemi chimique numéro 1. « Il faut bien sûr agir face à une contamination généralisée par les PFAS. Mais d’un point de vue chimique, ce qui est crucial, c’est d’interdire les perturbateurs endocriniens. »il insiste. « Or, dans cette grande famille, il y a les PFAS, mais aussi les bisphénols et les phtalates, qui peuvent toujours être utilisés »il prévient.
« Cela n’a aucun sens de séparer les PFAS des autres perturbateurs endocriniens tout aussi nocifs. »
André Cicolella, chimistesur franceinfo
Si le texte proposé à l’Assemblée ne concerne que les substances perfluorées, la législation européenne sur les emballages ne prévoit pas de l’interdiction du bisphénol-A, bien que réclamée à l’origine par les députés. Or, ces bisphénols, comme les phtalates, sont des molécules dissoutes plus rapidement par l’organisme que les PFAS, appelés « éternels »note André Cicolella. « En interdisant ces perturbateurs endocriniens qu’on retrouve d’ailleurs partout, on obtiendra des résultats plus rapidement qu’en agissant sur les PFAS, même s’il faut agir de manière complémentaire sur toutes les contaminations. »
Eau et terrain contaminés
Si la loi est votée, la suppression des PFAS de la composition des matériaux en contact avec les aliments ne signifie pas que ces molécules cesseront de contaminer les aliments. Et pour cause : fruits et légumes, céréales, viandes et produits laitiers… Tout ce que nous ingérons peut « être contaminé par le sol ou l’eau elle-même contaminée et utilisée pour cultiver ces aliments »explique l’Autorité européenne de sécurité des aliments.
Cette contamination de l’eau, de l’air et des sols fait aujourd’hui l’objet d’une grande attention, mais nécessite de fixer des seuils limites, parfois difficiles à établir. « Autorités de santé, agences de l’eau, laboratoires de recherche, collectivités… De nombreux acteurs surveillent de près la contamination de l’environnement par diverses substances, notamment les PFAS »assure la chimiste Hélène Budzinski, spécialiste des pollutions chimiques de toutes sortes dans l’environnement.
En ce qui concerne la‘Anses, elle travaille déjà à développer « valeurs de concentrations maximales à respecter dans les milieux, notamment aquatiques »peut-on lire dans le plan d’action ministériel sur les PFAS, dévoilé en janvier 2023 par Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique. « L’objectif est de donner une plus grande visibilité aux activités engendrant des rejets importants (sites industriels, stations d’épuration urbaines) », continue le document. Dans le viseur : le des cas de pollution industrielle à grande échelle, comme dans le Rhône, où la métropole de Lyon a assigné en justice les usines chimiques Arkema et Daikin.
Un arrêté ministériel pris le 20 juin 2023 impose à 5 000 installations classées protection de l’environnement de surveiller ces PFAS dans leurs rejets aqueux. Chargé par le gouvernement d’une mission sur ces substances, le député centriste Cyrille Isaac-Sibille a appelé à « Arrêter de toute urgence les rejets industriels » contenant des « polluants éternels », « sans attendre les restrictions européennes ».
Également présent dans les pesticides
Les « polluants éternels » peuvent aussi emprunter un autre chemin pour finir dans nos assiettes. Fin février, Réseau d’action sur les pesticides en Europe et les Générations Futures ont alerté sur une contamination des produits alimentaires par les PFAS via des pesticides contenant ces molécules, sur la base de rapports transmis à l’UE par les Vingt-Sept. « Le nombre de fruits et légumes européens dans lesquels des résidus de pesticides PFAS ont été détectés a presque triplé entre 2011 et 2021, avec un taux de croissance de 220 % pour les fruits et de 247 % pour les légumes »ont révélé les deux ONG dans un rapport (PDF).
En novembre, ces mêmes ONG notaient que « 12% de toutes les substances synthétiques autorisées en L’Europe » à usage agricole sont des PFAS. Ainsi, ils déplorent que ces derniers soient exclus des textes européens en préparation sur le renforcement des règles régissant les produits chimiques perfluorés, au motif qu’ils relèvent d’une autre réglementation : celle sur les pesticides. « Bien qu’ils appartiennent à la famille des composés PFAS, ils ne font pas du tout partie de la même famille que les tensioactifs utilisés dans le Téflon, la mousse anti-feu, etc. »nuancer Hélène Boudzinskien veillant à ce que ces molécules soient soumises à des contrôles stricts de la part des autorités sanitaires.
« Nous ne trouverons jamais une molécule miracle qui protégera les plantes et ne sera pas toxique pour l’environnement. »
Hélène Budzinski, chimistesur franceinfo
Et le chercheur plaide : « D’où la nécessité de r« Introduire une biodiversité qui contribue à stabiliser les attaques de ravageurs et à restaurer les prédateurs naturels, notamment grâce à des pratiques agroécologiques. » Sinon, la pollution chimique ne disparaîtra pas avec les PFAS.