Comment les médicaments anti-obésité envahissent le monde
« Avis favorable au remboursement ». Cette semaine, la Haute autorité de santé (HAS) a donné son feu vert au remboursement du Wegovy, ce médicament anti-obésité. Il s’adresse aux adultes dont l’indice de masse corporelle (IMC) est supérieur à 35 et dont un changement d’alimentation n’a pas suffi. Elle doit également être accompagnée d’un régime hypocalorique et d’une activité physique.
Arrivé sur le marché français il y a deux mois, Wegovy contient un principe actif appelé sémaglutide, un analogue du GLP-1 (aGLP-1), une classe de médicaments qui mime une hormone intestinale et stimule la sécrétion d’insuline. Cette dernière procure rapidement une sensation de satiété et entraîne une perte de poids importante, de l’ordre de 17 %.
A tel point que la HAS a indiqué que le service médical rendu par Wegovy était important, ce qui devrait conduire à un remboursement de 65 % en France. Actuellement, son prix est de 9 et 12 euros par jour. La décision finale sera donnée par le ministre de la Santé dans les prochains mois, à condition que le gouvernement soit rapidement reconstitué. Au total, entre 1 et 2,1 millions de patients pourraient être concernés par le remboursement de ce médicament sur le territoire national, estime la HAS. Mais les coupe-faim n’en sont qu’à leurs débuts en Europe et sont sur le point d’envahir le monde.
Remboursement aux États-Unis
Pour l’heure, deux laboratoires pharmaceutiques convoitent la première place dans ce domaine. D’un côté, l’Américain Eli Lilly qui commercialise Mounjaro pour le diabète et, plus récemment, Zepbound pour l’obésité. De l’autre, le Danois Novo Nordisk à l’origine d’Ozempic pour le diabète et de Wegovy pour l’obésité. L’engouement pour ces produits a commencé aux Etats-Unis où des stars ont vanté les effets spectaculaires d’Ozempic sur la perte de poids. A l’origine, cette dernière était utilisée pour les diabétiques, mais elle a, en fait, été détournée de son usage. Face à l’engouement, le laboratoire danois a donc développé un produit plus fortement dosé en sémaglutide, Wegovy, destiné aux personnes obèses. Le phénomène est tel qu’Ozempic est aujourd’hui le deuxième médicament le plus vendu au monde en valeur, derrière un médicament anticancéreux.
« Les ventes des produits phares du peptide-1 de type glucagon (GLP-1), le Semaglutide et le Tirzepatide, sont passées d’un modeste 4,5 milliards d’euros en 2021 à un somptueux 21,2 milliards d’euros en 2023 »indique une étude d’Allianz publiée cette semaine.
Et ce chiffre pourrait augmenter très rapidement. En effet, le président des Etats-Unis Joe Biden a déclaré fin novembre sa volonté de rembourser Wegovy et Ozempic, via les systèmes Medicare (assurance maladie pour les seniors) ou Medicaid (pour les plus défavorisés). Une mesure qui pourrait néanmoins avorter avec l’arrivée de Donald Trump et de son ministre de la Santé Robert F Kennedy Jr, hostiles à ce dispositif. D’autant que ces médicaments entraînent encore de nombreux effets secondaires dont des vomissements et des nausées. De plus, l’arrêt du traitement entraîne une reprise de poids quelque temps plus tard, a montré une étude Nature.
Perte de brevet en Chine en 2027
Pas de quoi freiner la croissance exponentielle de l’intérêt pour ces coupe-faim à travers le monde. Car au-delà de l’Europe et des Etats-Unis, un autre marché est convoité par les laboratoires pharmaceutiques qui commercialisent ces produits : la Chine. Ce pays, qui a connu une expansion économique rapide au cours des dernières décennies, souffre également d’une augmentation du nombre de personnes obèses. Près de la moitié des adultes du pays sont en surpoids ou obèses, selon une étude publiée l’année dernière par les médias d’État chinois. Sans compter que, dans l’Empire du Milieu, Wegovy coûte bien moins cher – environ 1 400 yuans (193 dollars) – qu’aux États-Unis (1 349 dollars par mois).
Surtout, c’est dans ce pays que tombe en premier le brevet du principe actif sémaglutide, à partir de 2027. Dès lors, toutes les entreprises pourront utiliser librement cette molécule et produire à des prix bien inférieurs. » Une fois l’approbation obtenue, les versions génériques de la molécule peuvent capter entre 50 et 70 % de part de marché dès la première année de commercialisation. », déclare l’étude Allianz. Novo Nordisk et Eli Lilly doivent donc accélérer leur production, afin de s’implanter le plus rapidement possible sur ces marchés attractifs, avant que le brevet n’expire et que les entreprises chinoises ne commencent à les commercialiser.
Dans une analyse récente, Goldman Sachs estime que le marché des médicaments amaigrissants pourrait atteindre 100 milliards de dollars en 2030, avec près de 15 millions d’utilisateurs attendus d’ici 2030. Et pour cause, selon une étude de la revue scientifique The Lancet, plus de un milliard de personnes sont aujourd’hui obèses, soit une sur huit. De quoi aiguiser l’appétit d’autres laboratoires pharmaceutiques, nombreux à vouloir se lancer dans la course au médicament « miracle ».