Nouvelles

Comment les marins ukrainiens tentent désespérément d’échapper aux « pétroliers fantômes » russes

Passer de longs mois en mer pour subvenir aux besoins de leurs proches, loin de leur patrie en guerre, tout cela pour le compte de l’ennemi : cette mésaventure a touché de nombreux marins ukrainiens, qui se sont retrouvés à travailler sans le savoir pour des navires utilisés pour le transport des hydrocarbures russes.

Face aux entreprises ukrainiennes qui les sollicitent pour travailler dans la « flotte fantôme » russe et aux conditions de travail déplorables, ces Ukrainiens ont finalement trouvé une solution : récolter des informations sur les réseaux sociaux pour ne pas se retrouver sur un navire finançant l’effort de guerre russe.

Des « pétroliers fantômes » défient les sanctions occidentales

Malgré son invasion à grande échelle de l’Ukraine, condamnée dans le monde entier, Moscou a pu continuer à tirer des revenus de ses exportations d’hydrocarbures, à la fois vers l’Europe et vers de nouveaux partenaires comme l’Inde. Face à cette manne financière qui alimente la guerre contre Kiev, l’Occident a trouvé une contre-mesure en utilisant une arme puissante : ses compagnies d’assurance maritime. En décembre 2022, l’Union européenne, avec les autres membres du G7, a imposé un prix maximum pour le pétrole transporté par des navires dont l’assurance est basée dans ces pays. Si un navire assuré par CMA CGM transporte du pétrole russe en Thaïlande, par exemple, le baril ne peut y être vendu plus de 60 dollars, limitant fortement les marges que le Kremlin tire de ses exportations.

Le reste sous cette publicité


La nature prend son temps…
J’aime cette pub !


La nature prend son temps…
J’aime cette pub !

Ukraine – Russie : Les avions militaires de la guerre

Cette méthode permet de contourner une crise économique provoquée par un retrait total du pétrole russe du marché, tout en entravant la capacité russe à poursuivre l’invasion de l’Ukraine. Vladimir Poutine a pour sa part tout simplement interdit la vente d’or noir à ces pays suite à l’annonce de cette sanction, comme l’avait rapporté CNN à l’époque.

Le secteur de l’assurance maritime étant dominé par l’Occident, il semblait difficile pour le Kremlin d’échapper à une sanction qui promettait de réduire son budget de plus en plus axé sur la guerre. Mais la Russie a rapidement réagi en adoptant une mesure controversée : ne plus utiliser les assurances occidentales pour continuer à vendre son pétrole à des prix élevés, au risque de perdre des cargaisons non remboursées en cas d’accident.

Le reste sous cette publicité


La nature prend son temps…
J’aime cette pub !

Cette méthode correspond à ce qu’on appelle une « flotte de l’ombre ». Via des navires appartenant à des sociétés basées en Turquie, aux Émirats arabes unis ou encore en Inde, comme le révélait le Wall Street Journal en août 2023, Moscou a pu continuer à exporter son pétrole sans craindre une réponse occidentale.

Des marins ukrainiens enrôlés dans la flotte fantôme

Les marins d’un pays en particulier, l’Ukraine, doivent faire face à un problème supplémentaire : comment s’assurer que le navire sur lequel ils sont embauchés ne sert pas la cause du Kremlin ? Wired a pu joindre un réseau Telegram de 8 000 Ukrainiens, allant des nouveaux venus aux capitaines chevronnés, qui échangent depuis des années des informations sur différents navires. Leur objectif initial était simplement de repérer les navires présentant des taux élevés de retard de paiement, de mauvaise qualité de la nourriture, etc. Mais le groupe Telegram s’est désormais tourné vers l’identification des navires qui font partie de la flotte fantôme et qui contribuent donc à l’effort de guerre russe.

Le reste sous cette publicité


La nature prend son temps…
J’aime cette pub !


La nature prend son temps…
J’aime cette pub !

Le marin Feliks Bondar, bien qu’embauché par une société basée en Ukraine début 2023, s’est retrouvé involontairement impliqué dans ce trafic, qui use de divers stratagèmes pour passer inaperçu.Notre navire s’appelait à l’origine Eagle, mais au Venezuela nous sommes devenus Matador puis Shoyo Maru« , explique le marin sur le groupe Telegram. A noter que des navires portant ce nom existent bel et bien, le Shoyo Maru étant un pétrolier actuellement immatriculé au Japon selon Marinetraffic.

Quant au système d’identification automatique du navire, ou AIS, un moyen de communication automatisé qui permet aux navires de s’identifier entre eux et de révéler leur position, il a été tout simplement désactivé. Selon Bondar, les marins n’avaient même pas le droit de le réactiver. Après avoir transporté du pétrole sanctionné vers la Chine, le navire a mis le cap sur Kozmino, un port de l’Extrême-Orient russe qui sert de terminus au pipeline Sibérie orientale-Pacifique. Comme les marins ukrainiens ont refusé de travailler au transport du pétrole russe, ils ont été refoulés et débarqués dans un port chinois, selon Bondar.

Le reste sous cette publicité


La nature prend son temps…
J’aime cette pub !

Recrutement par les entreprises ukrainiennes

La désagréable surprise de Bondar s’est répétée pour d’autres marins ukrainiens : le système opaque qui fait avancer la flotte fantôme implique des sociétés écrans disséminées dans le monde entier, ainsi que des navires aux identités cachées qui les rendent difficiles à repérer. Selon Wired, qui s’appuie sur des données de recrutement maritime, au moins six entreprises ukrainiennes ont contribué au recrutement de personnel pour 10 navires pétroliers russes depuis février 2022.

Face à la possibilité de travailler pour le camp qui attaque leur pays depuis 2014, des marins ukrainiens se sont mobilisés via les réseaux sociaux pour partager leurs informations sur des navires suspects. C’est ainsi qu’ils ont pu éviter les offres de Dese Crew Management, une société ukrainienne qui cherchait à remplir le navire Danica. Ce dernier appartient à Linda Shipping, une société qui, selon une enquête de l’équipe de Dese Crew Management, était auparavant connue sous le nom de Sand & Sea Marine. Selon le réseau des marins ukrainiens, elle travaille en réalité pour la flotte fantôme russe, et est connue comme une entreprise qui accumule les retards de salaires, abandonne ses marins ou pratique des conditions de travail dangereuses.

Le reste sous cette publicité


La nature prend son temps…
J’aime cette pub !


La nature prend son temps…
J’aime cette pub !

Mais que les navires embauchent ou non des marins ukrainiens, la flotte fantôme continue de fournir à la Russie des revenus qui financent in fine ses forces armées. Selon le gouvernement britannique, 31 % des revenus fédéraux russes provenaient des taxes pétrolières en 2023. Londres a donc annoncé en juin 2024 sa première salve de sanctions contre le business pétrolier de l’ombre, ciblant des navires précis ainsi qu’une compagnie d’assurance russe, Ingosstrakh. Cette société, qui assure les navires de la flotte fantôme, est également dans le viseur de l’Union européenne. Selon Bloomberg, cette dernière envisagerait également de cibler cette grande entreprise russe pour continuer à entraver le contournement des sanctions par Moscou.

Cet article a été initialement publié le 18 juin.

Eleon Lass

Eleanor - 28 years I have 5 years experience in journalism, and I care about news, celebrity news, technical news, as well as fashion, and was published in many international electronic magazines, and I live in Paris - France, and you can write to me: eleanor@newstoday.fr
Bouton retour en haut de la page