Comment le réchauffement climatique va perturber les ressources en eau en France
Des sécheresses plus fréquentes, plus de pluies en hiver et moins en été… S’il est impossible de prédire avec précision l’évolution des ressources en eau en France avec le réchauffement climatique, des conclusions majeures se dessinent. C’est ce que montre une étude récente menée par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) et l’Office international de l’eau (OIEau), avec une quarantaine de chercheurs d’autres organismes français (BRGM, OFB, Météo France, etc.).
Fruit de trois années de travail (de 2021 à 2024), cet ouvrage très attendu baptisé « Explore 2 » actualise l’étude « Explore 2070 », réalisée entre 2010 et 2012, qui faisait jusqu’alors référence. « Elle doit permettre à chaque territoire d’évaluer ses vulnérabilités en la matière », selon Eric Sauquet, qui a dirigé l’étude pour l’INRAE.
Plus de pluie en hiver dans le Nord
En s’appuyant sur les scénarios du GIEC, les chercheurs ont travaillé sur plusieurs scénarios de réchauffement climatique. Ils ont modélisé les changements possibles des précipitations et de l’évapotranspiration (issues de l’évaporation et de la transpiration des plantes), ainsi que leur impact sur le niveau des nappes phréatiques ou le débit des rivières.
Et ce, jusqu’en 2100, pour les 4 000 bassins versants de France métropolitaine et de Corse. « Nous avons étudié au total 72 scénarios. Il y a toutefois beaucoup d’incertitudes : les territoires devront travailler sur des trajectoires plutôt que de s’appuyer uniquement sur des moyennes », prévient Eric Sauquet.
S’attendant à une hausse des températures de +4°C en France à la fin du siècle (entre +3°C et +5,5°C), les chercheurs discernent néanmoins quelques grandes tendances, hautement probables quel que soit le scénario.
Selon eux, l’évolution des précipitations variera selon les saisons et les régions : elles augmenteront en hiver de 24% au Nord et de 13% au Sud, et diminueront fortement en été (-23% sur l’ensemble du pays, et jusqu’à -30% au Sud-Ouest), par rapport à la période de référence utilisée dans l’étude (1976-2005). Les précipitations journalières devraient également être plus importantes.
Les sécheresses désormais qualifiées de « décennales » seront deux à trois fois plus fréquentes, notamment dans le tiers sud du pays. Au total, la surface du territoire touchée par un déficit de précipitations sera deux fois plus élevée qu’aujourd’hui (elle passera de 10% à 20%), et celle touchée par la sécheresse des sols, trois fois plus élevée. Ces sécheresses seront également plus sévères.
Plus de rivières à sec
Ces précipitations estivales réduites auront un impact direct sur les débits des rivières – tout comme la réduction de l’enneigement, et l’évapotranspiration, qui augmentera de 25 %. Ces débits chuteront d’environ 15 % en été dans un scénario de réchauffement « modéré » et de 30 % dans un scénario « fort », estime l’étude. Les rivières des Pyrénées et de leurs contreforts, ainsi que celles des Alpes du Sud, seront particulièrement touchées à la fin du siècle, après avoir vu leur débit augmenter dans un premier temps avec la fonte des glaciers.
De même, on verra de plus en plus de petits cours d’eau à sec : leur nombre augmentera fortement (de 25 % dans le scénario « haut ») entre juillet et octobre, partout en France. En revanche, aucune évolution nette ne se dessine concernant les crues, qui dépendent non seulement des précipitations mais aussi de la saturation des sols.
Ces grandes tendances ne doivent cependant pas faire oublier qu’il ne faut pas confondre climat et météo, rappelle également l’étude. « La variabilité d’une année à l’autre restera forte. Il continuera d’y avoir des hivers secs et des étés humides », insistent ses auteurs.