Nouvelles locales

Comment le pays est-il devenu le « mouton noir » de l’Union européenne ?

Vingt ans après son adhésion, la Hongrie, dirigée par le nationaliste Viktor Orban, est accusée de dérives autoritaires.

Publié


Mise à jour


Temps de lecture : 5 minutes

Le Fidesz, le parti de Viktor Orban, n'est plus membre d'aucun groupe au Parlement de Strasbourg.  Il faisait autrefois partie du Parti populaire européen (PPE), qui regroupe les partis de centre-droit et conservateurs.  (ATTILA KISBENEDEK / AFP)

La Hongrie fait l’objet de nombreuses critiques pour ses lois jugées répressives. La loi sur la souveraineté est la dernière en date, votée en décembre dernier : elle vise à lutter contre les ingérences étrangères. Cependant, cela inquiète beaucoup les ONG, comme Helsinki, la plus ancienne organisation de défense des droits de l’homme du pays.

András Kádár, le coprésident d’Helsinki, s’alarme : cette loi crée un bureau d’État, sans adresse, sans téléphone, avec des pouvoirs quasi illimités. « Le bureau est censé avoir un accès très large aux données, il peut demander tout type d’informations aux personnes, aux organisations… y compris les informations sensibles soumises aux règles de confidentialité », il explique. Je veux dire, c’est tout nouveau, mais le bureau de la souveraineté vient de contacter le barreau hongrois avec une lettre leur demandant de coopérer. »

András Kádár est coprésident de l'ONG Helsinki, la plus ancienne organisation de défense des droits humains en Hongrie.  (WILLY MOREAU / RADIOFRANCE)

Que signifie la coopération ? C’est là le problème, souffle András Kádár, le flou est entretenu alors que ce bureau peut, après enquête, proposer des sanctions, jusqu’à des peines de prison. « Ce qui s’est passé en Hongrie a été un travail d’affaiblissement des contre-pouvoirs, entre les problèmes d’indépendance de la Cour constitutionnelle, du défenseur des droits, des tribunaux… cela empêche chacun d’avoir la possibilité de bénéficier d’une protection lorsque les droits de l’homme sont violés. « » déplore András Kádár.

« Pour le Fidesz, ce qui compte le plus, c’est la souveraineté nationale. »

András Laslzo, membre du Fidesz

sur franceinfo

Mais le Fidesz, le parti gouvernemental du Premier ministre nationaliste Viktor Orban, persiste et signe. András Laslzo est membre de la majorité au pouvoir et même s’il est candidat au Parlement européen, pour lui le danger vient de l’étranger. « Il y a eu des ingérences dans nos élections de 2022, les législatives, lorsque les partis de gauche se sont présentés sur une liste et ont obtenu 10 millions de dollars américains »assure András Laslzo.

András Laslzo est candidat de la liste hongroise

Le montant n’a pas été confirmé mais ce financement étranger a précipité le vote de la loi de souveraineté. Le Parlement européen s’en est ému et a lancé au début de l’année une procédure inédite devant le Conseil de Justice de l’Union européenne. Celui-ci conteste le dégel du 10 des milliards de fonds européens, estimant que les droits de l’homme ne sont pas encore suffisamment respectés.

La Hongrie s’attaque à toute forme de protestation. En 2023, les enseignants ont été mis sous pression. Ils ont perdu leur statut de fonctionnaire et sont désormais soumis à une notation annuelle qui peut avoir un impact sur leur rémunération. L’opposition est dénigrée et peu présente dans les médias publics. Le gouvernement s’en est emparé en 2010. Balazs Nagy Navarro s’en souvient très bien. L’ancien responsable du service international de la télévision publique décrit un système de désinformation. « La manipulation de l’information existe en France, elle existe partout, d’un côté comme de l’autre… Mais là, nous sommes parvenus à un tel niveau de manipulation dans la télévision de service publicsouligne-t-il. Ce type de falsification directe de l’information existe dans très peu de pays, à l’exception des dictatures. »

Balazs Nagy Navarro est un ancien journaliste de la télévision publique hongroise.  (WILLY MOREAU / RADIOFRANCE)

Le gouvernement Orban a créé une société holding, qui regroupe désormais l’audiovisuel public. « La nouvelle institution faisant office de média public, en l’occurrence MTVA, est placée sous l’autorité du conseil des médias, explique Balazs Nagy Navarro, Toutefois, le président du conseil des médias est élu par le gouvernement et la majorité parlementaire et il nomme la direction de l’audiovisuel public. »

Ce contrôle des médias permet des campagnes de diffamation massives. C’est la dernière arme du système hongrois : nuire à la réputation et pousser à l’autocensure. Dans un immeuble discret à l’écart du centre de Budapest, se trouvent les locaux de la Hátter Society, une association LGBT. Támas Dombos, avocat, parle de son quotidien : « Chaque matin, quand vous vous réveillez, vous commencez à lire les informations. Il y a toujours un nouveau politicien qui dit des choses homophobes ou transphobes, que vous êtes pédophile, que vous voulez adopter un enfant juste pour l’agresser sexuellement. .. »

Támas Dombos, de Hátter Society, en mai 2024. (WILLY MOREAU / RADIOFRANCE)

En Hongrie, il n’y a pas de drapeaux arc-en-ciel visibles ; une loi a été adoptée en 2021 pour interdire la promotion de l’homosexualité. L’année dernière, le directeur du musée national de Budapest en a fait les frais après une exposition de photos de journalistes du World Press Photo, dont certaines montraient une communauté LGBT aux Philippines. « C’est devenu un problème politique, il a dit que c’était une superbe exposition qui avait sa place au musée et il a été licencié… continue Tamas Dombos. Vous risquez donc votre carrière si vous ne soutenez pas cette législation, que vous soyez enseignant ou même directeur du musée national. »

Selon un récent sondage, la moitié des Hongrois sont favorables au mariage homosexuel. Ils sont 60% à être favorables à l’adoption par les couples de même sexe, une proportion qui augmente d’année en année. C’est le paradoxe dans un pays qui par ailleurs met en avant les valeurs familiales traditionnelles.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
Bouton retour en haut de la page