comment le Nouveau Front Populaire compte financer son programme économique
A neuf jours du premier tour des élections législatives, le Nouveau Front populaire (NFP) se targue, vendredi 21 juin, d’être « la seule force politique à présenter un budget et un programme ». L’alliance des partis de gauche, qui rassemble notamment le Parti socialiste, La France insoumise et Les Ecologistes-EELV, a détaillé le coût économique de son projet lors d’une conférence de presse à la Maison de la Chimie, à Paris, puis dans un document mis en ligne (en PDF).
La coalition de gauche, qui promet un programme de « rompre », table sur 25 milliards d’euros de nouvelles dépenses publiques à partir de juillet. Pour « Augmenter le pouvoir d’achat » des Français, le point d’indice des fonctionnaires serait augmenté de 10 %, le Smic de 14 % (à 1 600 euros net), les aides au logement (APL) de 10 % et l’école publique totalement gratuite (fournitures, cantine, périscolaire, etc.). Deux réformes clés du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron seraient également abrogées : la réforme des retraites – pour abaisser l’âge de la retraite à 60 ans – et celle de l’assurance chômage.
Une autre phase portera les dépenses à 100 milliards d’euros fin 2025 avec le recrutement d’enseignants, de professionnels soignants et médico-sociaux, l’intensification de la rénovation thermique des bâtiments ou encore la mise en place du « garantie d’autonomie », un revenu minimum pour les jeunes. Au terme d’une troisième phase, fin 2027, le montant total des investissements atteindra 150 milliards, avec notamment des plans pour le ferroviaire et le fret, l’accès aux services publics à moins de 30 minutes du domicile, le soutien au bio. et de l’agroécologie, une loi globale contre les violences sexistes et sexuelles, un budget de la culture porté à 1% du PIB et celui du sport à 1% du budget de l’Etat.
Pour financer ces mesures, le Nouveau Front populaire s’appuie sur plusieurs leviers. Le principal est fiscal, avec un prélèvement sur « rentes indues du capital ». Afin d’absorber les 25 milliards d’euros de dépenses à partir de 2024, la gauche souhaite une loi de finances rectificative votée le 4 août – un clin d’œil au jour de l’abolition des privilèges féodaux en 1789. Objectif : mettre en place un impôt sur les superprofits, notamment dans le l’énergie et l’agroalimentaire, et rétablir un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) – transformé en impôt sur la fortune immobilière (IFI) par Emmanuel Macron en 2018 – avec « une composante climatique ». Ces deux prélèvements rapporteraient chacun 15 milliards, selon le calcul du NFP.
L’année suivante, la gauche envisage de récupérer près de 28 milliards d’euros avec la suppression des niches fiscales « inefficace, injuste et polluant » et certaines « taxe forfaitaire » – un impôt à taux unique de 30% sur les revenus du capital.
Autre mesure majeure des recettes : une réforme de la progressivité de l’impôt sur le revenu, avec la mise en place d’un barème de 14 tranches – contre cinq actuellement – et la mise en place d’une CSG (contribution sociale généralisée) évolutive. en fonction des revenus. Cela rapporterait 5,5 milliards d’euros. Avant la présentation des chiffres vendredi, la députée européenne LFI Manon Aubry a assuré mardi sur France Inter que « tous ceux qui gagnent moins de 4 000 euros par mois, soit 92% des Français » paierait « Moins d’impôts ».
Une révision des droits de succession, ciblant les patrimoines les plus élevés, générerait 17 milliards d’euros de recettes supplémentaires. D’ici 2027, d’autres « des réformes fiscales structurelles » sont prévues pour atteindre les 150 milliards budgétisés, comme l’application de l’impôt de 2% sur les bénéfices des multinationales, proposée par l’économiste Gabriel Zucman, « la montée en puissance » de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes et le renforcement de la taxe sur les transactions financières.
Avec ça « choc fiscal » et la hausse des salaires, l’alliance de gauche mise sur la reprise de la consommation, et donc de la croissance. Celui-ci a atteint 0,2% au premier trimestre 2024 et s’est fortement ralenti l’an dernier, à 0,9% (après avoir atteint 2,5% en 2022), dans un contexte d’inflation et de taux d’intérêt. grand intérêt. « Notre relance doit stimuler la croissance »qui pourrait atteindre 3% avec ce programme économique en 2025 et 2026, estiment Échos la socialiste et ancienne vice-présidente de l’Assemblée nationale Valérie Rabault.
L’élu, qui accepte des désaccords fondamentaux avec LFI, a toutefois reconnu que les dépenses prévues creuseraient encore un peu le déficit public de la France (5,5% en 2023), alors que le pays est sous le coup d’une procédure de la Commission européenne pour non-respect des normes européennes. règles budgétaires. Tandis que le ministre de l’Économie, Bruno le Maire, a réitéré son ambition de ramener le déficit public sous le seuil des 3% du PIB en 2027, grâce à des coupes dans les dépenses de l’État de 20 milliards d’euros. , là « trajectoire budgétaire » à partir de la gauche « prévoit un déficit de 5,7% du PIB cette année, puis 5,4% en 2025 et 5,1% en 2026 avant d’atterrir à 3,6% en 2029 »selon Valérie Rabault. « On ne finance pas le programme en augmentant les déficits »a néanmoins insisté Eric Coquerel, président sortant de la commission des finances de l’Assemblée, lors de la présentation.
Sans surprise, ce programme économique est sévèrement attaqué par le camp présidentiel. L’économie française « ne résisterait pas à un tel choc fiscal et budgétaire », a indiqué l’équipe de campagne de Renaissance dans un communiqué. Elle compare ce programme à celui de l’ancien président socialiste François Hollande, sous le mandat duquel les prélèvements « avait été augmenté de 60 milliards d’euros, déclenchant le ‘ras-le-fiscal’ des Français ». En outre, « avec les nouveaux Nupes, c’est fini l’industrie »selon le camp présidentiel, qui évalue à plus d’un million le nombre d’emplois qui seraient détruits. « C’est un broyeur de la classe moyenne, ce sont des augmentations d’impôts sur la classe moyenne »de son côté a réagi le Premier ministre, Gabriel Attal.
L’autre mesure fortement critiquée par les opposants de gauche est la hausse du salaire minimum à 1.600 euros net, accusée par le gouvernement et les patrons de représenter un danger pour l’emploi dans les entreprises. « Nous allons les aider »a répondu la députée Verte sortante Eva Sas lors de la conférence de presse, en évoquant les mesures de soutien financier aux PME et TPE.
Du côté des économistes, les tenants d’une vision libérale, comme Lisa Thomas-Darbois, directrice adjointe des études françaises à l’Institut Montaigne, considèrent également que « Ces mesures peuvent avoir des effets économiques néfastes. Ce n’est pas neutre pour l’image de la France et son attractivité financière », a-t-elle déclaré à l’AFP. Elle affirme que ces mesures affecteraient non seulement les milliardaires mais aussi « millionnaires et gens un peu riches ».
« Il est difficile de voir comment (Ce programme) ne conduira pas les entrepreneurs à partir massivement ailleurs », écrit de son côté sur le réseau social X Olivier Blanchard, ancien économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI). Sur franceinfo, Olivier Rédoulès, directeur des études à l’institut libéral Rexecode, estime que « orientation très claire » du PFN est « aller vers davantage d’intervention de l’État dans l’économie ».
Pour éviter l’exil fiscal, la gauche envisage une restauration dans sa version originale du« taxe de sortie »une taxe mise en place sous Nicolas Sarkozy en 2011 et simplifiée par Emmanuel Macron en 2018. Quant au retour de l’ISF, l’économiste Julia Cagé, l’une des garantes économiques du Nouveau Front populaire, affirme qu’il rapportera trois fois plus que « quatre cinq » milliards avant sa transformation en 2018. Résultat de la « politique fiscale » du chef de l’Etat, selon elle : les 500 personnes les plus riches représentent aujourd’hui 50% du PIB, contre 10% il y a dix ans. En 2021, un rapport du commissaire général adjoint de France Stratégie démontrait que la suppression de l’ISF et la mise en place du « taxe forfaitaire » n’avait pas encore eu d’effets positifs mesurables sur l’économie.
Pour Henri Sterdyniak, économiste interrogé sur franceinfo, ce programme est « Keynésien » (du nom de l’économiste britannique John Maynard Keynes) parce que « il faut relancer la demande en France et en Europe », « social car il inclut des garanties de revenus » Et « écologique car nous nous sommes fixés pour objectif de réorienter l’activité en tenant compte des contraintes écologiques ». Le spécialiste, classé à gauche, souligne cependant « contradictions » entre ceux-ci « contraintes » Et « le retour » promis, ainsi qu’un «manque de précisions sur les mesures de financement».