comment le « commerce rapide » s’est effondré en deux ans

Faillites, licenciements… Les salariés de Getir, l’une des plateformes de livraison de courses en 10 minutes arrivée en France seulement en 2021, ne comprennent pas pourquoi l’eldorado vendu s’est transformé en fiasco économique.
Ils sont « choqués » : les quelque 1 000 salariés de Getir au bord du licenciement en France ne comprennent pas comment l’Eldorado promis s’est soudainement transformé en fiasco économique, avec des dettes s’élevant à plus de 200 millions d’euros, alors que le « commerce rapide » les joueurs disparaissent un à un en France.
« On nous a vendu Getir comme le futur Amazon, la start-up qui allait exploser, valorisée 12 milliards d’euros, on a entendu parler de levée de fonds de 400, 700 millions », rapporte Houcine Naime, livreur à Marseille.
Il a commencé à travailler pour Getir dès que le géant turc de la livraison express à domicile s’est installé en France il y a moins de deux ans, a expliqué à l’AFP ce livreur, qui est passé de l’euphorie à l’amertume.
Après avoir été placé en redressement judiciaire fin mars, comme les deux autres sociétés qu’il possède (Gorillas et Frichti), Getir a annoncé qu’il envisageait la suppression de 900 emplois sur le territoire national.
Est également prévue, « la fermeture de tous les magasins de l’entreprise en province », selon un courrier aux salariés consulté par l’AFP. Selon la CFDT – Getir ayant refusé de fournir des chiffres – le groupe emploie plus de 1.800 personnes en CDI et CDD en France.
Claire (prénom changé), préparatrice de commandes à Lyon, s’est dite « choquée », car elle était « en CDI », et que « ça se passait bien ».
Sarah, au même poste à Lille, n’aurait « jamais » contracté un prêt pour sa voiture si elle avait su.
Les salariés interrogés par l’AFP se disent « énervés », « confus », « inquiets » voire « déprimés » comme Marc Brice Kamdoum Fowe : « Je ne comprends pas ce qui s’est passé », déclare ce livreur de 38 ans étourdi. ans dans le Val-de-Marne.
200 millions d’euros de dettes
Malgré un chiffre d’affaires cumulé des trois marques Getir, Gorilles et Frichti d’environ 120 millions d’euros en 2022, et en nette croissance ces dernières années, le groupe totalisait 200 millions d’euros de dettes sur les trois entités à fin mars 2023, selon une note interne à l’entreprise consultée par l’AFP.
Getir accuse « un environnement contextuel défavorable », avec inflation et durcissement réglementaire, un motif également invoqué par la filiale française du groupe allemand Flink placée en redressement judiciaire lundi.
En mars, le gouvernement français a ouvert la voie aux mairies pour réglementer l’implantation de « dark stores », les locaux où sont entreposés les produits à livrer.
Ces derniers cristallisent les critiques des élus et des habitants, qui dénoncent l’arrivée des « villes-entrepôts », le développement d’une « économie paresseuse » et les nuisances dues au ballet des livreurs.
« On a vu » des dark stores « partout » alors qu’il y a une distinction à faire entre « pure players » comme Getir et des plateformes comme UberEats, explique à l’AFP la députée Maud Gatel (MoDem), co-auteur d’un rapport sur le « commerce rapide ». « .
Les premiers contrôlent la chaîne de l’achat à la livraison, rémunèrent leurs salariés et livrent à vélo ou scooter électrique, tandis que les seconds ont recours à des auto-entrepreneurs et s’approvisionnent auprès de la grande distribution ou de la restauration traditionnelle.
« Modèle de perte »
Sur la quinzaine de joueurs arrivés en fanfare grâce aux confinements liés au Covid-19, il n’en restait plus que deux début juin, Getir et Flink, Getir étant le seul à avoir publiquement déclaré vouloir rester sur le plateau français. marché.
Plusieurs raisons à cette ruée, selon Maud Gatel, notamment une concurrence féroce pour accaparer le marché, avec des « promotions extrêmement agressives » qui ont économiquement « asphyxié », et un « modèle à perte » destiné à fidéliser les clients. et décimer les concurrents.
Malgré ces faillites, le « quick commerce » ne va pas disparaître, les plateformes et leur modèle agile se positionnant de plus en plus sur ce marché en croissance qui reste « modeste » mais pourrait atteindre un chiffre d’affaires de 438 millions d’euros en 2030, souligne Maud Gatel.
« Ils ont tout mélangé, les « dark stores », Uber… On était en CDI, on était bien payés », abonde Houcine Naime, qui se voyait aller « jusqu’à la retraite » au sein de Getir. Ce père de famille de 49 ans soupire : « J’ai rêvé pendant 14 mois ».