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comment l’arrivée des Bleus à Clairefontaine est devenue un rendez-vous mode incontournable

Une partie des internationaux français sélectionnés pour l’Euro se retrouvent depuis mercredi à Clairefontaine. L’occasion pour les joueurs de soigner leur arrivée avec des tenues de plus en plus scrutées et commentées.

Des bottes de cowboy à talons, un jean taille haute, une cravate orange, une veste en cuir et une paire de lunettes futuristes. Jules Koundé ne pouvait guère passer inaperçu à son arrivée à Clairefontaine, dans les Yvelines, lors du rassemblement de l’équipe de France, mercredi 29 mai. Le joueur du FC Barcelone est devenu, au fil de ces retrouvailles entre internationaux au centre national de football, celui dont les tenues sont les plus scrutées et commentées. Le défenseur français est le symbole d’une nouvelle génération de joueurs très attentifs à leur look et la preuve que mode et football font bon ménage.

Cela n’a pas toujours été le cas, les lignes ayant commencé à bouger au cours des années 1990. « Certains acteurs ont développé une affection pour la mode, comme les Japonais Hidetoshi Nakata, David Beckham ou Djibril Cissé », énumère Elssy Célina, rédactrice en chef du site Caminotv.com, spécialisé dans le « lifestyle ». L’influence venue d’outre-Atlantique, aux Etats-Unis, se fait sentir. Parce que la NBA a organisé « ses basketteurs qui déambulent dans les couloirs et les tunnels » salles où ils jouent, explique le photographe Julien Soulier, co-fondateur du magazine Etude du sport.

En Europe, le FC Barcelone a été le premier club à suivre la tendance et désormais les caméras des plus grands clubs européens captent les déambulations des joueurs dans les tunnels. Le rituel de Clairefontaine obéit aux mêmes règles : arrivée des internationaux, un à un, marcher quelques mètres jusqu’aux portes du château et poser devant les photographes. Un ballet bien répété que certains maîtrisent à la perfection. « Kylian Mbappé sort à droite de la voiture plutôt qu’à gauche – comme c’est l’habitude – pour avoir plus de temps pour les photos et vidéos. Il ne manque jamais une occasion de saluer la presse avec sa main gauche, même s’il est droitier. : il ne faut pas qu’il rate sa montre »observe Baptiste Fernandez Mota, photographe de l’agence Icon Sport, dans le magazine XXI.

Kylian Mbappé arrivant à Clairefontaine, dans les Yvelines, le 29 mai 2024. (FRANCK FIFE / AFP)

Fans de football et de mode, les membres de Caminotv.com « avoir voulaient donner leur avis sur les tenues », lorsqu’ils ont vu ces images surgir sur les réseaux sociaux. Chaque rassemblement, présenté comme un moment convivial par les images diffusées par la Fédération française de football, est désormais décortiqué en vidéo.

« C’est un peu comme la rentrée, tu veux bien paraître, parce que tu sais que tu vas être regardé ou critiqué. Les photos font le tour du monde, elles restent, donc tu veux que ton image circule ou soit récompense. »

Elssy Célina, rédactrice en chef de Caminotv.com

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Ce rituel est également attendu par les joueurs. Ainsi, Marcus Thuram n’a pas hésité à usurper Jules Koundé sur Instagram, qui présentait un maillot, en lui envoyant le message : « Tu viens comme ça demain ?

« L’image est devenue incontournable, les sportifs sont conscients qu’ils doivent y prêter attention », analyse le directeur artistique Youth Soumahoro, qui conseille les internationaux français Axel Disasi, Sakina Karchaoui et l’artiste Jaden Smith. D’autant plus à une époque où les réseaux sociaux et les communautés associées font office de caisse de résonance. « Être appelé en équipe de France, c’est déjà super excitant, c’est une très bonne visibilité. Il faut donc faire attention à sa façon de s’habiller, ils ne veulent pas rater cet événement de mode, même s’il ne dure pas que 10 secondes »il explique.

En quelques décennies, les footballeurs ont changé de statut. Finie l’image ringarde et bling-bling qu’ils pouvaient projeter. « C’est drôle de voir à quel point les joueurs de football sont désormais suivis dans leur tenue vestimentaire »sourit Gloria Despioch, analyste mode.

« Avant, les footballeurs ne représentaient pas quelque chose d’attrayant pour les marques de luxe. »

Gloria Despioch, analyste de mode

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Mais la mode a évolué, s’est démocratisée et « les grandes marques font appel à des ambassadeurs issus de milieux plus populaires dont sont parfois issus les footballeurs »Elle ajoute. « Aujourd’hui, les sportifs sont devenus plus importants à leurs yeux. Ils peuvent développer leur ‘street crédibilité’, ou ‘borderline’, avec une envie de casser les codes », abonde Virgile Caillet, expert en marketing sportif. Le football, mais le sport en général et la mode sont désormais liés. Il suffit de regarder les premiers rangs des défilés de la fashion week où les stars des stades côtoient acteurs, actrices et artistes.

Les goûts des footballeurs se sont également affirmés. « Ils s’appuieront pour la plupart sur des pièces et des marques assez sûres.dit Gloria Despioch. Mais ils peuvent vous surprendre. Par exemple, nous n’aurions jamais imaginé qu’un footballeur puisse porter du Miu Miu. »une marque italienne, qui appartient à Prada, comme Marcus Thuram, en mars dernier. « Avant, ils empilaient les marques et les grands logos, mais maintenant on voit que c’est devenu une passion parce qu’il y a des recherches plus spécialisées, certains recherchent des marques particulières »note Elssy Célina.

« L’argent ne donne pas bon goût, ce n’est pas parce qu’on porte des marques qu’on sait bien s’habiller »» confirme un employé d’une maison de luxe, heureux de voir que les footballeurs sont « désormais conscients de leur image ». Entouré de stylistes ou de conseillers, le footballeur est « devenu pointilleux sur la mode »confirme Jeune Soumahoro. « Il est à l’écoute de ce qu’on peut lui proposer et il nous suit assez facilement », salue le directeur artistique. Dans le vestiaire d’un footballeur, on retrouve donc des marques de luxe, avec en tête d’affiche Louis Vuitton, Givenchy, Christian Dior, mais aussi des créateurs, comme Nocta, Off White, une marque créée par Virgil Abloh ou encore Supreme.

En équipe de France, « Jules Koundé était un pionnierassure Jeunesse Soumahoro. Il suit la mode et a même sa place sur les mood boards des maisons de couture. Avant, les footballeurs s’inspiraient de la mode et il a inversé cette tendance. C’est lui qui l’inspire. « On peut se moquer de lui, mais il est en fait très pointu, il ne porte jamais rien », dit Gloria Despioch. Le défenseur n’est même pas accompagné d’un styliste : il choisit seul ses vêtements, comme il le raconte dans le magazine GQ.

« Mon style est un peu caméléon. Je suis fier de ce que je trouve. J’adore me chercher. »

Jules Koundé, international français

dans le magazine « GQ »

Le défenseur du FC Barcelone, mais aussi « Marcus Thuram et Eduardo Camavinga se démarquent »note Elssy Célina. « Le sportif est devenu un mannequin ces dernières années, il n’est plus seulement un consommateur avec beaucoup d’argent »résume le photographe Julien Soulier.

Le look est soigneusement élaboré. « Pour le dernier rassemblement de l’équipe de France féminine, avec la joueuse Sakina Karchaoui, nous avons réfléchi une semaine », observe Jeunesse Soumahoro. Pour habiller les joueurs, le directeur artistique demande des pièces aux bureaux de presse, et pour un même événement propose généralement quatre ou cinq tenues à son client. « On ne frappe pas forcément aux portes des grandes marques, on s’adapte au client et à sa réputation. La marque nous donne son accord ou pas, elle peut parfois être réticente à habiller certaines personnes »note le styliste.

« J’ai pu me faire dire non pour un joueur et oui pour un autre pour le même événement. »

Jeunesse Soumaoro, directeur artistique

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Les grandes maisons étudient au cas par cas, en fonction des valeurs qu’elles souhaitent véhiculer. Si le nombre de followers ou les performances comptent, les activités hors terrain sont également essentielles. « Si c’est Kylian Mbappé, ils sont intéressés. S’il s’agit d’un remplacement, ils pourraient être moins intéressésil continue. Mais pour le rassemblement de Clairefontaine, la plupart des marques sont toujours heureuses de travailler avec la plupart des acteurs. »

Le futur ancien joueur du PSG reste cependant un cas particulier. Il est l’un des rares à être ambassadeur de plusieurs marques de luxe (Dior, Rimowa pour les bagages, Hublot pour les montres), toutes sous pavillon LVMH. « Il incarne une réussite française décomplexée, un jeune, issu de banlieue, réfléchi… Il coche beaucoup de cases. On a aussi le côté ‘street’, mais pas dans la transgression », analyse Virgile Caillet. Comme le buteur vedette, les joueurs sont eux-mêmes « devenir des marques, des outils de communication », poursuit l’expert en marketing sportif. Ils bénéficient d’une audience exponentielle, plus large et grand public dont peuvent bénéficier les grandes maisons.

S’afficher avec des vêtements coûteux est également un marqueur de réussite pour les joueurs. C’est aussi une façon d’attirer l’attention, l’occasion de recevoir des invitations à des défilés lors de la « fashion week » et pourquoi pas d’en devenir représentant. « Ce n’est pas du football, mais le groupe de rap Arsenik n’est apparu dans Lacoste qu’au point d’être choisi par la marque pour devenir l’une de ses égéries ».se souvient Gloria Despioch. C’est une relation gagnant-gagnant.

Jeoffro René

I photograph general events and conferences and publish and report on these events at the European level.
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