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Comment la Russie parvient-elle à produire autant de missiles de croisière ?

Lundi 8 juillet, la silhouette allongée du missile plongeant vers le sol juste avant l’impact, immortalisée sur les réseaux sociaux, a suscité l’indignation internationale.

Plus largement, entre le 8 et le 14 juillet seulement, « la Russie a lancé plus de 700 bombes aériennes guidées, plus de 170 drones et près de 80 missiles contre l’Ukraine », a énuméré le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

Il semble qu’il y ait bien longtemps que des responsables militaires occidentaux déclaraient dans les grands médias internationaux que les capacités de production de munitions russes étaient « insuffisantes pour faire face à la guerre en Ukraine ». Ou encore que cet officier ukrainien assurait que les Russes devraient interrompre leurs frappes faute de munitions.

Selon le Financial Times, qui n’identifie pas ses sources, la Russie produirait actuellement huit fois plus de Kh-101 qu’avant l’invasion de l’Ukraine en 2022. Un chiffre que les experts interrogés n’ont pas confirmé, mais tous pointent vers la capacité de la Russie à produire davantage de ces imposants missiles de croisière à lanceur aérien.

« Je dirais que ce chiffre est peut-être même plus élevé », estime l’économiste russe Vladislav Inozemtsev, qui vit à l’étranger. Chercheur au centre de recherche Case (Centre d’analyse et de stratégies en Europe), basé dans l’UE, il estime que la Russie produira entre 700 et 750 unités en 2024 et pourrait atteindre 1 000 unités en 2025.

« En avril 2024, des sources ukrainiennes ont fait état d’une production mensuelle de 40 missiles Kh-101 », bien au-dessus des 56 produits sur toute l’année 2021, rappelle une source occidentale du secteur de l’armement. Or, l’intérieur de ces missiles contient de nombreux composants électroniques que la Russie doit importer, et qui proviennent de pays qui soutiennent Kiev et ont sanctionné Moscou.

Carte mémoire flash AMD (américaine), microcircuit Texas Instruments (américain), puce tampon Nexperia (néerlandaise)… Une visite sur le site officiel ukrainien war-sanctions.gur.gov.ua, qui recense les composants retrouvés dans les débris, permet de voir une partie de ce que Moscou intègre dans ses Kh-101.

« Tous les composants électroniques des missiles russes ne sont pas de qualité militaire. Beaucoup, sinon la plupart, sont destinés à la consommation de masse ou à un usage industriel et sont toujours disponibles en Russie sur le marché mondial. De plus, des stocks ont été constitués avant 2022 », explique Pavel Louzine, expert de la politique de défense russe.

Contrôler les clients

Avec l’aide des pays partenaires, la Russie a mis en place des canaux et « ne montre pas de signes tangibles de fébrilité dans ses livraisons », note la source industrielle. « Tout d’abord, il y a les Chinois, qui fournissent aux Russes de nombreux composants à double usage », explique M. Inozemtsev.

« Les principaux composants étrangers retrouvés sur les épaves de Kh-101 sont aujourd’hui des processeurs de marques américaines ou taïwanaises. De gamme commerciale, ces composants sont accessibles à l’achat, par exemple via des commandes des missions commerciales russes dans les ambassades à l’étranger, ou surtout via des sociétés écrans », résume la source industrielle.

Plusieurs pays sont devenus des hubs. Dans un rapport publié fin 2023, le centre de recherche britannique Rusi notait que « la Russie a redirigé ses flux commerciaux via des pays amis ou voisins, en utilisant souvent des réseaux complexes de sociétés écrans ».

« Par exemple, en 2022, les importations arméniennes d’équipements électroniques en provenance des États-Unis et de l’UE ont augmenté respectivement de 500 % et de 200 %, la plupart étant ensuite réexpédiées vers la Russie », note Rusi, qui pointe également l’explosion entre 2021 et 2022 de la valeur des exportations d’équipements électroniques du Kazakhstan vers la Russie.

Parfois, ces derniers passent même directement par des pays occidentaux, relève Rusi, comme ceux effectués par l’entreprise russe Compel JSC via l’Allemagne. Un Russo-Allemand de 59 ans a été condamné mercredi à Stuttgart (ouest de l’Allemagne) à près de sept ans de prison pour avoir fourni 120.000 composants et autres équipements à la Russie entre janvier 2020 et mai 2023.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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