Deux ans après de nombreuses manifestations et son adoption par le 49.3, la « mère des réformes » est remise « en construction » par François Bayrou, pour une durée prévue de trois mois. Le camp présidentiel entend défendre un héritage contesté mais jugé nécessaire.
Dix organisations patronales et syndicales, cinq ministres, trois mois de travaux prévus et une mission plus complexe que jamais : la concertation sur la réforme des retraites, promise par François Bayrou à soumettre le texte « en cours de construction »a été officiellement lancé vendredi 17 janvier et ne démarrera réellement qu’au terme d’une délicate mission de chiffrage sur le financement. Le Premier ministre a fixé « fin mai » l’objectif d’un accord, compte tenu « inimaginable que ce problème si important pour la société française puisse être résolu uniquement par un bras de fer. »
Voilà le camp présidentiel convoqué pour se replonger dans un dossier qui a occupé et divisé les Français durant les six premiers mois de 2023. « C’est le sujet le plus abrasif qui soit. Il est toujours difficile, risqué et impopulaire de s’y attaquer.»reconnaît Naïma Moutchou, députée d’Horizons. L’opposition ne dit rien d’autre. « Ce débat persiste aujourd’hui, car c’est sur ce sujet qu’il y a le hiatus le plus important entre le gouvernement et l’opinion publique. Cette réforme est très impopulaire et elle est minoritaire à l’Assemblée, c’est une anomalie totale. »insiste le député LFI de la Haute-Garonne Hadrien Clouet.
Avec l’installation de la délégation permanente sur la réforme, le texte revient sur le devant de la scène. L’a-t-il vraiment quitté depuis la réélection d’Emmanuel Macron ? Dès son premier mandat, le chef de l’Etat a dû abandonner son projet initial d’instaurer un système de retraite par points, qui a été balayé après de grandes manifestations, des grèves et la crise du Covid-19. Pour son deuxième quinquennat, il opte pour une autre formule. « Il faut travailler davantage »a-t-il annoncé lors de ses vœux le 31 décembre 2022.
En relevant l’âge d’admission à 64 ans et en allongeant la durée de cotisation, le chef de l’État s’est engagé à« assurer l’équilibre de notre système pour les années et décennies à venir ». Malgré les consultations menées par la Première ministre de l’époque, Elisabeth Borne, avec les partenaires sociaux et la recherche de soutiens à l’Assemblée, Matignon a dû recourir au 49.3 pour faire adopter le texte. Il échappe alors à la censure par seulement neuf voix. « Cette réforme est-elle acceptée ? Evidemment non. (…) Un consensus n’a pas pu être trouvé. Je le regrette »a déclaré le président, le 17 avril 2023.
Depuis, la question est sans cesse remise sur la table, au grand désarroi du camp présidentiel. A peine deux mois après sa promulgation, le groupe Liot a tenté de l’abroger lors de sa niche parlementaire du 8 juin 2023. En vain, mais la démarche du petit groupe de députés indépendants a donné des idées à la gauche : «Ça collera aux macronistes comme du chewing-gum, on profitera de chaque créneau pour proposer l’abrogation»s’est réjoui un collaborateur du groupe socialiste à franceinfo.
L’opposition a alors saisi toutes les occasions pour s’attaquer au report de l’âge légal de départ à 64 ans. La France Insoumise a profité de chacune de ses niches parlementaires à l’Assemblée, en 2023 Alors 2024 pour tenter de défaire la réforme. Après la dissolution du 9 juin 2024, la campagne du Nouveau Front Populaire s’est structurée autour du slogan « Non à 64 ans ». Ensuite, socialistes et rebelles ont introduit des amendements abrogeants dans le budget de la Sécurité sociale, qui ont tous été rejetés au Sénat. Même le Rassemblement National a utilisé sa niche parlementaireen octobre 2024, pour revenir à l’âge légal de 62 ans. Toutes ces tentatives ont permis aux oppositions de marteler leurs arguments.mais s’est soldé par un échec.
Le dernier épisode du feuilleton peut-il nous permettre de tourner la page ? La consultation lancée « sans tabou » sous la houlette de François Bayrou, avec l’aval de l’Elysée, offre l’opportunité au bloc central refaire le film d’une réforme qui leur a laissé des regrets. Au fond, beaucoup souhaitaient un autre texte, plus ambitieux ou plus protecteur, comme le pense Jean-René Cazeneuve, député Ensemble pour la République et ancien rapporteur général du budget. « La bonne réforme était celle de la retraite à points »il juge aujourd’hui.
« Comme d’autres, je vois que cette réforme est injuste »a lancé dimanche la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, au micro de France Inter. « Nous sommes d’accord pour rouvrir le débat, pour trouver des solutions complémentaires, car il y a encore des trous dans le racket »acquiesce le député MoDem Philippe Vigier, évoquant les sujets de la pénibilité, des carrières des femmes ou de l’emploi des seniors, comme nombre de ses collègues du bloc central.
Sur la forme, les partisans d’Emmanuel Macron sont amers lorsqu’ils reviennent sur l’épisode du printemps 2023. « À l’époque, je me disais que ça allait être le totem auquel l’opposition allait s’accrocher »se souvient Fadila Khattabi, qui présidait la commission des affaires sociales. « Le péché originel est le passage forcé de 49.3. Si la réforme avait été adoptée sans le 49.3, nous n’en serions pas là aujourd’hui”poursuit l’ancien député Renaissance de Côte-d’Or. L’argument de « passage forcé » Le discours parlementaire avait été brandi par l’opposition pour dénoncer un déni de démocratie.
En 2025, l’opinion publique n’a pas vraiment changé son regard sur les réformes. Deux ans après un hiver marqué par des manifestations à travers le pays, « environ deux tiers des Français y restent fondamentalement opposésprécise Mathieu Gallard, directeur de recherche à l’institut Ipsos. Dès que cette question revient dans l’actualité, elle devient immédiatement un sujet très controversé. Cela pourrait redevenir un problème pour les macronistes.» « Nous voyons à quel point cette question continue de tourmenter notre pays. »le Premier ministre l’a également concédé mardi dans sa déclaration de politique générale.
Les partisans du chef de l’Etat tiennent toujours à souligner ce qui justifie, à leurs yeux, cette réforme : améliorer la santé financière du système. « Les retraites, avant d’être une question politique, c’est une simple question de mathématiques : de plus en plus de retraites à financer, de plus en plus de déficits à combler et une population active qui ne croît plus »» a listé le patron des députés EPR, Gabriel Attal, depuis la tribune de l’Assemblée mardi, après la déclaration de politique générale de François Bayrou.
Dans ce combat, le bloc central peut aujourd’hui compter sur le soutien d’une majorité républicaine. « Ni abrogation ni suspension »a prévenu le président du Sénat, Gérard Larcher, interrogé par le parisienavant le discours du premier ministre. « Envisager de revenir sur la réforme des retraites sans proposer la moindre piste de financement est irresponsable »a insisté Laurent Wauquiez, président du groupe, à la tribune de l’Assemblée nationale mardi, après François Bayrou. Le refrain est bien différent de celui de 2023, où la droite hésitait à soutenir ouvertement le gouvernement. « Elisabeth Borne a fait tout ce qu’elle a pu, on est allé chercher les votes, mais il y avait les sirènes de Nupes (ex-PFN)et les LR qui n’ont pas soutenu la réforme »retrace l’ancienne ministre Fadila Khattabi.
« Les républicains portent une part de responsabilité. »
Fadila Khattabi, ancienne ministre des gouvernements Borne et Attalsur franceinfo
Parmi les partisans du gouvernement, l’amertume a fait place à la colère, après une défaite aux élections européennes, une dissolution inattendue et des élections législatives conclues par la perte de la majorité relative. « On paie les hésitations des LR de l’époque, qui aujourd’hui défendent le plus cette réforme ! »» claque un membre de la majorité. « Si LR avait été cohérent avec eux-mêmes, on ne serait pas dans la même situation aujourd’hui »fustige un conseiller ministériel.
Lancé dans ce «reprise du chantier»Le gouvernement de François Bayrou va-t-il aussi se casser les dents sur ce qui est souvent présenté comme la « mère des réformes » ? Le risque est bien présent pour le Palois, qui marche sur des œufs. Il avait également mis en garde le gouvernement contre tout « passage forcé » à partir de septembre 2022 et a déploré le fait que « Rien » n’a pas été « clairement expliqué »en avril 2023.
D’un côté, atténuer la réforme peut lui permettre de rester à Matignon, mais cela revient à s’attaquer à l’un des rares piliers du deuxième quinquennat. « Si vous supprimez cette réforme, vous ne gagnerez plus rien dans ce pays !prévient le député MoDem Philippe Vigier. En revanche, si François Bayrou n’aboutit pas à une renégociation de la réforme de 2023, les oppositions de coalition de LFI au RN pourraient décider de précipiter sa chute. Pour le camp présidentiel, qui souhaite enfin reprendre le fil du quinquennat, le chemin de passage est donc étroit et l’équation politique à résoudre complexe.
Cette saison, les sections féminine et masculine de l'Olympique Lyonnais n'ajouteront pas la Coupe de…
Malgré l'épidémie de grippe, le port du masque chez les soignants n'est pas systématique MédiapartFace…
Dragon Age : The Veilguard fait clairement partie de ces jeux qui n'ont pas réussi…
Tout ce qu'il faut savoir sur l'actualité transferts de ce samedi 18 janvier 2025. Paris…
"Je ne sais même plus vraiment comment me définir sans TikTok", soupire Ayman Chaudhary, un…
Le président russe Vladimir Poutine et son homologue iranien Massoud Pezeshkian lors de la signature…