Si je voulais vous parler de ce sujet aujourd’hui, c’est parce qu’une étude française publiée dans la grande revue scientifique Nature met en lumière la grande crise de la biodiversité qui a frappé la Méditerranée il y a 5,5 millions d’années.
Cette semaine, nous vous présentons une série de cartes qui mettent en lumière trois grandes périodes : celle de la formation de la mer Méditerranée, celle de son assèchement et celle de son remplissage.
Nous devons y retourner Il y a 160 millions d’années lorsqu’un phénomène géologique puissant a ouvert l’océan Atlantique à sa crête. Un mouvement qui a provoqué le rapprochement progressif de la plaque africaine avec la plaque eurasienne. L’océan Téthys qui séparait alors ces deux continents, fermés formant une mer : la mer Méditerranée. A l’Est, elle est totalement fermé et à l’ouest, il reste une petite ouverture vers l’océan Atlantique au niveau de l’actuel détroit de Gibraltar.
C’est grâce à cette ouverture que la Méditerranée peut se remplir. L’Océan joue un rôle crucial, car la Méditerranée présente un système structurellement déficitaire. L’apport en eau des quelques fleuves qui s’y jettent, comme le Nil, le Rhône ou le Pô, ne suffit pas à compenser l’évaporation. C’est l’eau de l’Atlantique, qui entre par le détroit de Gibraltar, qui contribue à maintenir son équilibre.
Mais deuxièmement, la Méditerranée est complètement asséchée. Et cela s’est produit il y a 7,6 millions d’années. A cette époque, les échanges entre les deux bassins ralentissent. Les deux bras de mer du détroit de Gibraltar se ferment progressivement, entraînant la fermeture totale du détroit entre l’Atlantique et la Méditerranée.
Et il y a environ 5,6 millions d’années, le niveau de la mer Méditerranée a baissé de 1 500 mètres. 70% le volume d’eau disparaît. C’est à cette période qu’a eu lieu cette grave crise de la biodiversité évoquée dans cet article scientifique de Nature.
La fermeture et l’évaporation de la mer provoquent d’abord une augmentation de la salinité de l’eau. Le sel s’accumule dans la partie orientale puis dans toute la Méditerranée, pour former des « géantes de sel » : 1 million de km2 de sel sont ainsi répandus dans des colis énormessur des hauteurs atteignant parfois plusieurs centaines de mètres.
Ici et là se forment des « lacs marins », sortes de zones lacustres d’eau presque douce.
Quelles sont les conséquences de ce tarissement ?
Ils vont être extrêmement important pour les espèces vivantes. Ces changements rapides s’accompagnent d’un effondrement des nutriments qui ne laisse pas le temps aux espèces de s’adapter.
L’étude estime que 693 espèces endémiques ont disparu, dont tous les coraux tropicaux.
Parallèlement, avec la création d’un passage terrestre à l’actuel détroit de Gibraltar, les animaux terrestres émigrer d’un continent à l’autre. Comme les gerboises, ces petits rongeurs aux grandes oreilles et de longues pattes postérieures qui vivent dans le désert. Ou même chameaux ! passant de l’Afrique à l’Europe.
Quand donc reviendrons-nous à la géographie que nous connaissons aujourd’hui ?
Il faut remonter à 5,33 millions d’années. A cette époque, un tremblement de terre rouvre la Méditerranée près de Gibraltar. L’eau s’engouffre alors dans une gigantesque cascade et remplit la Méditerranée, un peu à la manière d’une baignoire.
Les scientifiques estiment que cela a pris environ 200 ans. En revanche, il faudra 100 000 à 200 000 ans pour retrouver l’équilibre des échanges.
Et il faudra 1,7 millions d’années afin que la biodiversité retrouve ses niveaux antérieurs. Mais la faune a bel et bien changé
De nouvelles espèces sont apparues, la plupart des anciennes ont disparu. Selon une étude de Science publié en août, seules 11 % des espèces endémiques ont survécu.
L’événement n’a pas l’ampleur mondiale de la disparition des dinosaures mais à l’échelle de notre Grande Bleue, il a une importance similaire.
Pour aller plus loin :
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2024/11/18/quand-la-mediterranee-perdait-90-de-ses-especes_6401227_1650684.html