Comment Israël a pu nuire à des milliers de personnes grâce à un piratage informatique
ANWAR AMRO / AFP
Des milliers de personnes se sont rassemblées mardi soir, sous le choc, à l’entrée du centre médical de l’Université américaine de Beyrouth, suite à l’attaque sans précédent contre des téléavertisseurs appartenant à des membres du Hezbollah.
INTERNATIONAL – Le mystère se lève peu à peu sur l’attaque contre le Hezbollah. Alors que le bilan des morts suite à la spectaculaire explosion simultanée des bipeurs de centaines de membres du Hezbollah ne cesse de s’alourdir, les premiers éléments commencent à émerger sur l’origine de cette attaque, toujours attribuée par le Hezbollah à Israël.
Mardi 17 septembre, un bilan faisait état de neuf morts et près de 2.800 blessés dans plusieurs bastions du Hezbollah au Liban. Le mouvement libanais a rapidement indiqué avoir ouvert une enquête sur l’origine de ces explosions simultanées.
Pour l’heure, l’État hébreu ne s’est pas encore exprimé sur le sujet, mais son principal allié, les États-Unis, affirme ne pas être « Pas impliqué. » « Les États-Unis n’étaient pas au courant de cet incident à l’avance, et à ce stade, nous recueillons des informations « , a simplement réagi le porte-parole du département d’Etat américain, Matthew Miller.
L’utilisation de ces fameux pagers, systèmes de messagerie radio, avait été imposée par le mouvement en raison du risque de piratage des téléphones portables des membres du Hezbollah. Mais selon une source proche du Hezbollah à l’AFP, « Les bips qui ont explosé provenaient d’une cargaison d’un millier d’appareils récemment importés par le Hezbollah.qui semblent avoir été « piraté à la source ». De quoi évoquer l’hypothèse d’une opération préparée d’avance.
La piste de l’infiltration logistique
« D’après les enregistrements vidéo (…), un petit explosif plastique était certainement caché à côté de la batterie (des téléavertisseurs) pour un déclenchement à distance par l’envoi d’un message »estime ce mardi soir Charles Lister, expert du Middle East Institute (MEI) sur le réseau social X. Ce qui signifie pour lui que « Le Mossad (service secret israélien chargé des opérations spéciales) a infiltré la chaîne d’approvisionnement..
Les agents israéliens ont probablement « « Ils ont infiltré le processus de production et ont ajouté un composant explosif et un détonateur activé à distance aux bips, sans éveiller les soupçons »ajoute l’analyste militaire Elijah Magnier, décrivant « « Une faille de sécurité majeure dans les protocoles du Hezbollah ».
« Soit en se faisant passer pour un fournisseur, soit en injectant le matériel trafiqué directement dans la chaîne d’approvisionnement du Hezbollah via ses points faibles (camions de transport, navires marchands), ils ont réussi à diffuser les bips au sein de l’organisation. »déclare Mike DiMino, expert en sécurité et ancien analyste de la CIA.
Une autre hypothèse, selon Riad Kahwaji, analyste en sécurité basé à Dubaï : « Israël contrôle une grande partie de l’industrie électronique mondiale et, sans aucun doute, l’une des usines qu’il possède a fabriqué et expédié ces engins explosifs qui ont explosé aujourd’hui. ».
D’autres possibilités sont également évoquées, comme la surchauffe à distance de composants électroniques, même si cette théorie semble encore discutable en raison de la violence des explosions, qui peuvent difficilement être provoquées par une simple surchauffe de la batterie.
Efficacité restaurée
Qualifié comme« Agression terroriste sioniste » par le Hamas, qui souligne que l’attaque n’a fait aucune distinction « entre résistants et civils »Cette opération minutieuse utilisant des outils largement démodés peut d’ores et déjà être considérée comme un succès pour les services israéliens. D’autant plus après avoir mené à bien la tentative d’assassinat du leader politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, fin juillet à Téhéran. Le New York Timesune bombe avait été cachée deux mois plus tôt dans l’immeuble où vivait Ismail Haniyeh.
Bien qu’Israël n’ait pas revendiqué la responsabilité de l’attaque, il s’agit néanmoins d’une « attaque terroriste ». « Le travail de renseignement au sommet de son art »déclare Mike DiMino. Pour lui, « Une opération d’une telle ampleur prend des mois, voire des années, à organiser correctement ». Près de la parisienl’ancien officier Guillaume Ancel souligne également le fait qu’avec autant de préparation nécessaire, « Si l’organisation qui se cache derrière tout cela avait voulu tuer et non blesser, elle aurait pu le faire. C’est donc clairement une humiliation. »
Jugé » radicalSelon l’ancien agent de renseignement israélien Avi Melamed, l’explosion des bips donnerait ainsi un avantage stratégique à Israël, en augmentant » « probablement le stress et l’embarras des dirigeants du mouvement » Libanais. « Si vous envisagez une incursion terrestre au Liban pour repousser le Hezbollah vers le nord (…) c’est exactement le genre de chaos que vous semez en amont. »conclut Mike DiMino.
Suivant cette logique, cette opération permettrait aux services de renseignement israéliens de redorer leur blason. Il faut dire que l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023 avait clairement pris Israël et ses services de renseignement par surprise. Pourtant, avant cette date, le Mossad avait l’une des meilleures réputations au monde dans la communauté du renseignement.
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