Comment Gustave Kervern venge les humiliés avec humour et douceur dans « Je ne me laisserai plus faire »
À l’école, on se moquait de lui. Depuis, le Grolandais a acquis le sens de la répartie et renforcé son imagination. Il réalise un téléfilm sur Arte sur des gens courageux qui prennent enfin leur revanche.
Publié le 29 novembre 2024 à 20h45
Aavec Je ne me laisserai plus faire ça, Gustave Kervern signe un road movie féministe avec Yolande Moreau, Laure Calamy et une belle galerie d’invités. Un téléfilm proche de l’univers que l’auteur et réalisateur croque généralement en tandem avec son ami Benoît Delépine, et qui a reçu le Prix de la mise en scène au dernier Festival de fiction de La Rochelle. Rencontre.
Découvrez la note et l’avis
« Je ne me laisserai plus faire » : une « Thelma et Louise » de la périphérie, ce soir sur Arte
Quel a été le point de départ de ce projet ?
J’ai écrit le scénario pendant l’épidémie de Covid. Le premier constat était que, souvent, au cours de notre vie, nous accumulons les petites humiliations. Parfois, c’est très bénin, et pourtant, sans forcément savoir pourquoi, cela reste ancré très longtemps. On rumine et on se dit « Merde, pourquoi n’ai-je pas répondu à ça ? » Pourquoi ne me suis-je pas défendu ? « . Le personnage incarné par Yolande Moreau, celui d’une septuagénaire qui décide de se venger de ceux qui l’ont humiliée, vient de là.
Avez-vous mis des histoires personnelles là-dedans ?
L’histoire de la baignoire (Émilie, l’héroïne, se venge du propriétaire de son ancien appartement qui n’a jamais voulu rénover sa salle de bain, ndlr) est celle de mes parents. Ma mère, à 93 ans, a toujours la même vieille baignoire sur laquelle elle doit grimper pour se laver. Je ne sais pas comment elle fait pour ne pas se casser la gueule. Elle n’a jamais osé s’en plaindre, elle appartient à cette génération qui préfère se taire et accepter son sort. Pour ma part, j’ai recyclé le souvenir amer des cours de sport où je ne pouvais pas grimper à la corde, ce qui permettait à tout le monde de se moquer de moi.
Compte tenu de son sujet, le téléfilm aurait pu être dur et sombre. Mais il est drôle et gentil…
Il s’agit de ne pas tomber dans la caricature. Dans la maison de retraite où nous avons tourné par exemple, il régnait une certaine gaieté, contrairement à l’image de la mort que l’on imagine souvent. Comme pour les films que nous faisons avec Benoît Delépine, qui traitent au fond de sujets de société assez graves, je n’ai pas voulu de violence. Il y a assez de fiction violente. Ce qui m’intéressait ici, c’était de filmer la conscience.
A lire aussi :
Festival de la Fiction de La Rochelle : « Enjoy ! », « Lost Boys & Fairies »… Les gagnants et nos coups de cœur de l’édition 2024