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Comment faire face à la crise énergétique de l’IA ?

L’intelligence artificielle se développe plus vite que les énergies renouvelables. Ainsi, pendant que l’on demande aux particuliers de baisser le chauffage, les GAFAM relancent le nucléaire. L’Agence internationale de l’énergie organise un congrès mondial sur l’intelligence artificielle et l’énergie les 4 et 5 décembre 2024.


La centrale nucléaire américaine de Three Mile Island est tristement célèbre pour avoir été le théâtre de l’un des plus terribles accidents nucléaires de l’histoire en 1979, et elle sera bientôt remise en service pour alimenter les systèmes d’intelligence artificielle (IA) de Microsoft. Cette annonce, faite en septembre 2024 et qui concerne un réacteur indépendant de celui qui a provoqué l’accident de 1979, s’inscrit dans une tendance plus globale d’investissements massifs des géants du numérique dans l’énergie nucléaire.

Ainsi, Google a également annoncé la signature d’un accord avec la start-up Kairos Energy, spécialisée dans la construction de petits réacteurs nucléaires modulaires (dits « SMR »), pour financer son développement et réserver une partie de sa capacité de production pour 2030. Amazon, emboîtant le pas, a noué un partenariat similaire avec la start-up X-energy.

La raison de ces investissements est simple : le développement exponentiel de l’IA générative nécessite des capacités de calcul importantes, situées dans des datacenters particulièrement énergivores.

Les études les plus récentes montrent que l’IA représente entre 10 et 20 % de l’électricité consommée par tous les centres de données dans le monde, ce qui augmente de 20 à 40 % chaque année selon l’Agence internationale de protection des données. Énergie (AIE). Dans certains pays, comme l’Irlande, la consommation des centres de données a même dépassé la quantité d’électricité consommée par les ménages.

La disproportion de ces chiffres pose la question, par ailleurs dans un contexte où l’urgence climatique est dans toutes les têtes et alors qu’il est demandé aux citoyens de limiter leur chauffage à 19°C, cette course à la capacité de calcul est-elle vraiment durable et souhaitable ? Faut-il vraiment chercher par tous les moyens à construire de nouvelles capacités de production d’électricité pour suivre le rythme de développement des datacenters ?

Les solutions à cette crise ne sont pas évidentes tant il y a de nombreux intérêts et facteurs divergents à prendre en considération. Pourtant, des pistes pour limiter la consommation énergétique de l’IA et l’explosion du nombre de datacenters, comme la fiscalité ou la régulation, commencent à émerger dans les discussions internationales.

Pourquoi l’IA a-t-elle besoin d’autant d’énergie ?

Chaque fois que nous posons une question à notre système d’IA générative préféré, la demande est envoyée sur Internet pour être traitée dans un centre de données qui peut être situé dans différentes régions du monde. Ce dernier consomme de l’électricité pour alimenter les composants informatiques qu’il abrite et son système de refroidissement, sans compter l’énergie nécessaire à la construction du centre et des composants électroniques eux-mêmes.

Ces dernières années, les principaux modèles d’IA sont devenus plus complexes et nécessitent pour fonctionner des capacités de calcul toujours plus grandes, 4 à 5 fois plus chaque année depuis 2010 selon les études les plus récentes. Dans le même temps, le nombre d’utilisateurs continue d’augmenter, avec plus de 200 millions d’utilisateurs chaque semaine sur ChatGPT uniquement.

Les modèles d’intelligence nécessitent de plus en plus de calculs – ici le nombre total d’opérations nécessaires pour entraîner chaque modèle d’IA, en fonction du temps.
Jaime Sevilla et Edu Roldán, Epoch AI

Ces tendances expliquent pourquoi les fournisseurs d’IA ont besoin de plus en plus de puissance, investissent massivement dans les énergies renouvelables pour alimenter leurs systèmes et envisagent de construire de nouvelles infrastructures dans le monde entier.

Pourquoi la prolifération des datacenters est-elle un problème pour la planète ?

L’accélération de la demande en capacité de calcul liée à la tendance de l’IA générative s’accompagne d’effets négatifs importants sur l’environnement.

Premièrement, la production d’électricité consommée par les datacenters génère des émissions de gaz à effet de serre selon la source utilisée. Ces émissions représentent déjà 1 à 3% des émissions mondiales selon l’AIE et sont susceptibles d’augmenter si le nombre de centres augmente.

Ensuite, les datacenters étant particulièrement énergivores, ils peuvent affecter la stabilité du réseau à l’échelle locale. Dans un réseau électrique, la quantité d’électricité produite doit toujours être égale à la quantité d’électricité consommée sinon il est black-out (la panne). Ajouter des infrastructures très consommatrices d’électricité dans des zones géographiques où l’équilibre production-consommation est déjà fragile aggrave le risque de black-outnotamment lorsque le mix énergétique repose en grande partie sur les énergies renouvelables, qui sont par nature intermittentes.

Enfin, le rythme de développement de l’IA dépasse largement celui des capacités de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables comme les panneaux photovoltaïques ou les éoliennes. Pour répondre à leurs besoins, les géants du numérique auront probablement recours à des énergies carbonées comme le charbon ou le gaz, disponibles plus rapidement. Cela les amène à s’éloigner catastrophiquement de leurs objectifs de neutralité carbone, Microsoft ayant affiché une augmentation de 29% de ses émissions par rapport à 2020 et Google de 48% par rapport à 2019. Dans le même temps, ils communiquent intensivement sur leurs investissements dans les énergies renouvelables pour oublier leurs mauvaises performances environnementales.

Quelles solutions pour faire face à la crise énergétique de l’IA ?

La solution n’est pas forcément d’interdire la construction de nouveaux datacenters, pour trois raisons.

En effet, les nouveaux datacenters construits par les géants du numérique sont généralement plus performants que les anciennes infrastructures. La construction de nouveaux centres répond également à d’autres enjeux puisqu’ils contribuent au développement économique des territoires (en créant des emplois et de l’activité à l’échelle locale) mais aussi à l’instauration d’une puissance de calcul souveraine. (par exemple en Europe), moins soumis aux effets potentiels des conflits géopolitiques à l’échelle internationale.

Par ailleurs, sauf moratoire mondial sur la construction de nouvelles infrastructures, interdire les projets d’implantation locale ne fera qu’entraîner leur délocalisation, potentiellement vers des pays où le mix énergétique est encore plus carboné, ce qui n’est pas souhaitable d’un point de vue écologique. point de vue…

Comment mieux réguler l’impact environnemental du numérique ? Source : Télécom Paris.

L’urgence d’une réflexion internationale sur la régulation des datacenters

À l’instar de la directive européenne sur l’efficacité énergétique et du code de conduite européen pour les centres de données, il est essentiel de veiller à ce que chaque nouveau projet utilise les meilleures technologies disponibles en termes d’efficacité énergétique, mais aussi d’éviter que la consommation augmente à cause de l’effet rebond, et être alimenté par une électricité à faible émission de carbone. Plus les normes seront harmonisées au niveau mondial, moins le risque de délocalisation vers des pays aux normes plus souples, mais potentiellement moins vertueux d’un point de vue environnemental, sera important.



Lire la suite : L’effet rebond : quand la surconsommation annule les efforts de sobriété


Une régulation du nombre de centres de données à l’échelle mondiale pourrait également être envisagée, via une organisation mondiale, sur le modèle de l’Union internationale des télécommunications, qui gère l’attribution des fréquences radio.

Une réflexion sur la fiscalité des exploitants de datacenters est également nécessaire afin de déterminer si elle peut être utilisée pour favoriser la fourniture d’énergie verte et l’adoption de pratiques plus durables, via des réductions d’impôts ou la mise en place d’une taxe spécifique pour les moins performants. opérateurs vertueux. La piste a par exemple été évoquée dans la mission d’information du Sénat sur l’empreinte environnementale du numérique en 2020, qui a conduit à conditionner une fiscalité réduite pour les datacenters respectant des critères de performance énergétique, uniquement en France.

Enfin, il est également possible d’agir sur les usages de l’IA. Sensibiliser le public aux enjeux environnementaux de l’IA permettrait d’orienter les usages vers un usage plus vertueux de la technologie en limitant les usages récréatifs par exemple.

Très souvent, dans les débats sur l’empreinte environnementale de l’IA, la nécessité de mettre en balance les externalités négatives liées à son développement, comme celles évoquées dans cet article, avec les potentiels effets positifs que l’IA peut apporter dans différents secteurs, notamment économiques (création de richesse ) ou environnemental (réduction des émissions via l’optimisation de l’efficacité énergétique des autres activités).

Si l’argument est séduisant et semble rationnel, d’hypothétiques effets positifs à long terme ne peuvent justifier un développement déraisonnable de l’IA à court terme, causant des dommages irréversibles à l’environnement et risquant de compromettre notre capacité à léguer aux générations futures un environnement sain.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
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