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Comment expliquer les performances folles de Tadej Pogacar dans les Pyrénées ?

Il n’est pas certain que la journée de repos de lundi ait suffi à dissiper le sentiment de malaise qui a accompagné les performances de Tadej Pogacar durant le week-end pyrénéen. Le Slovène a fait revivre quelques grands noms rattrapés par la patrouille, faisant mieux que Lance Armstrong au Pla d’Adet samedi avant de battre le lendemain de près de quatre minutes le record de l’ascension du plateau de Beille, établi par Marco Pantani en 1998. De quoi faire bondir ceux qui croient que le cyclisme est toujours gangréné par le dopage. Au moins pour le haut du panier.

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L’écart entre le duo formé par le maillot jaune et le double tenant du titre Jonas Vingegaard et le reste du monde est énorme. Dimanche, dans cette dernière ascension, de grands noms comme Richard Carapaz, Jai Hindley (tous deux anciens vainqueurs de grands Tours), Enric Mas et Laurens De Plus comptaient 2’30 d’avance après avoir réussi à prendre l’échappée matinale. Ils n’ont même pas tenu la moitié de la montée, Carapaz lâchant 5’41 sur la ligne et Hindley près de 9 minutes.

« Le niveau de Tadej là-bas est stratosphérique »

Tout juste sorti du podium en 2022 et encore 9e à Paris l’an dernier, David Gaudu ne joue plus dans la même cour sur cette édition. Si le Covid l’a fragilisé lors de sa préparation, cela n’explique pas totalement comment un coureur comme lui peut galérer cinq niveaux en dessous. « Le niveau monte tellement d’année en année, il ne faut pas rater le train, nous confiait-il lundi, au lendemain d’une cuisante 87e place à 43 minutes. Le niveau de Tadej est stratosphérique. Avec Jonas, ils sont dans leur monde, pas intouchables mais presque. Je peux juste continuer à travailler, pour moi et pas par rapport à eux. »

Troisième Français sur la ligne dimanche, à une demi-heure de la fusée slovène malgré une montée qu’il juge « bonne » pour ses standards, Romain Bardet s’est dit « épaté par les écarts ». « Les deux premiers, trois sont dans un autre univers », a observé le premier porteur du maillot jaune sur ce Tour.

Démission dans le peloton

Le constat est largement répandu dans le peloton. Dans un article publié dimanche soir, Le monde raconte comment les coureurs, impuissants, préfèrent prendre tout cela à la blague, loin de la colère des années Sky. La plèbe est résignée, du moins pour le classement général. Même Remco Evenepoel sait bien qu’il ne dispute pas la même course. Après deux semaines, il ne vise plus que la 3e place et rien d’autre.

Alors, Pogacar et Vingegaard sont-ils dopés jusqu’à la moelle comme les chaudrons des années 90 et 2000 ? Ce n’est pas la première fois que le débat surgit depuis le début de cette rivalité en 2021, et il n’est certainement pas près de s’éteindre. Lundi, le Slovène a été bombardé de questions sur sa performance de la veille lors d’un point presse vidéo. Son argument est simple : l’entraînement est toujours plus poussé, rigoureux et individualisé, il n’y a plus de secteur de performance laissé au hasard et le matériel n’y est pour rien :

 » C’est incroyable comme le cyclisme a évolué ces dernières années. Quand j’ai rejoint cette équipe il y a six ans, on était vraiment amateurs. Ça a complètement changé depuis. Et c’est le cas partout. Il y a une émulation pour repousser les limites, sur le matériel, la nutrition, les plans d’entraînement, les stages en altitude. On pèse chaque gramme de nourriture et on essaie de gagner chaque watt sur le vélo. » »

Prenez des notes pour votre petit-déjeuner avant vos sorties du dimanche, voici le secret des champions : fini les pâtes nature ou le riz blanc, aujourd’hui « c’est beaucoup plus varié avec du porridge, des céréales, de l’omelette, du pain, des crêpes », révèle Pogi.

Un autre élément d’une efficacité redoutable est celui des vélos. « Ils sont devenus tellement rapides. Ce sont les pneus qui font la plus grande différence », note-t-il. « Il y a aussi les roues et l’aérodynamisme des cadres. Les vélos n’ont plus rien à voir avec ceux que nous avions il y a à peine cinq ans. »

5 à 10 watts gagnés grâce aux roues

Frédéric Grappe, directeur de la performance de l’équipe Groupama-FDJ, avait lui aussi évoqué l’an dernier ces nouvelles machines ultra sophistiquées lors de ces mêmes échanges. « A l’époque d’Armstrong, les vélos n’étaient même pas en carbone. A chaque coup de pédale, le vélo se déforme et répond. L’équipement joue un rôle énorme dans l’efficacité mécanique. Rien que le rebond pneumatique permet de gagner entre 5 et 10 watts par rapport à il y a quelques années », expliquait-il à Eurosport, mettant également en garde contre l’estimation des watts développés par les coureurs sans avoir accès à toutes les données du terrain.

Une explication qui ne convainc pas tout le monde, c’est le moins que l’on puisse dire. Si cette amélioration ne fait aucun doute par rapport aux années 2000, comment se fait-il que les écarts se creusent à ce point dans le peloton actuel ? C’est en substance ce que se demande l’ancien sprinteur Nacer Bouhanni, dans un entretien accordé à Parisien publié lundi. « Quand je vois ces temps et ces vitesses de montée qui ne diminuent pas de jour en jour, je ne sais pas comment l’expliquer, dit-il. Je vois des grimpeurs purs qui mettent dix minutes. Avant, c’étaient les sprinteurs qui prenaient ces dix minutes. »

Eh bien, il n’y a personne qui reste ?
Eh bien, il n’y a personne qui reste ?– Jérôme Delay/AP/SIPA

Pour revenir à Pogacar, le Slovène a tout misé cette saison sur l’un des objectifs majeurs de sa carrière, à savoir le doublé Giro-Tour de France, une option pour prendre sa revanche sur Vingegaard. Il a donc axé sa préparation « plus spécifiquement sur la haute montagne » et l’endurance, selon son manager Mauro Gianetti, tout en veillant à ne pas s’épuiser au printemps. Résultat, le Petit Cannibale assure qu’il « ne s’est jamais senti aussi fort » que sur cette Grande Boucle.

C’est bon Kevin, maman va te faire du chocolat chaud.

Pour le plaisir, nous avons demandé à Ugo Ferrari, l’homme qui commentait les étapes mythiques des années EPO sur sa chaîne YouTube, son avis sur la question. Si ce véritable passionné de cyclisme reconnaît que les duettistes « ne mangent probablement pas le même poulet que nous à midi », il trouve « ridicule de comparer deux fois et de dire que le mec est dopé parce qu’il l’a battu ». « Ce n’est pas aussi simple que ça », poursuit-il, tout en expliquant l’étape du Plateau de Beille :

« On a vraiment l’impression que tout a été optimisé pour que Pogacar réalise le meilleur temps possible. Ce n’était pas intentionnel, puisque c’était la Visma qui roulait, mais elle roulait très fort dès le départ. C’est d’abord Jorgenson, 10e du général, qui s’est mis en quatre pour aller chercher Vingegaard, puis c’est Vingegaard, le deuxième meilleur coureur mondial, qui s’est mis en quatre à 10 km du sommet pour essayer d’essorer Pogacar, et enfin Pogacar qui a produit son propre effort pendant 5 km. Je ne suis pas sûr que les conditions aient été les mêmes pour Pantani. »

Après vérification, c’est non. L’Italien était parti seul quasiment du pied pour rattraper un à un les échappés et remporter l’étape. Jan Ullrich ne lui avait pas facilité la tâche durant la moitié de la montée. « Cela ne veut pas dire que les gars sont propres, et c’est légitime de se poser des questions puisqu’on est sur un contre-la-montre qui frôle la perfection. Mais les gens ne font pas l’effort de regarder, de chercher ce qui a été amélioré ces dernières années, déplore Ugo Ferrari, coureur, organisateur et même conférencier bien connu dans le monde du trail. Les raccourcis sont fatigants. »

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On ne pouvait pas laisser partir notre témoin sans lui demander si des étapes comme celle de dimanche pourraient l’inspirer pour sortir de nouvelles vidéos dans le futur. « C’est tentant, il y a tout dedans, le style, ce côté impressionnant, intouchable, avec des attaques tranchantes », répond-il en riant. Mais les fans de longue date ne devraient pas se réjouir trop vite, Pogi déposant Carapaz avec une petite tape dans le dos pour lui dire qu’il avait fait une belle sortie mais qu’il devait maintenant laisser faire son papa, restera de la fiction. Une sombre histoire de droit à l’image, semble-t-il.

Jeoffro René

I photograph general events and conferences and publish and report on these events at the European level.
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