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Comment expliquer le nombre record de migrants décédés en 2024 ?

Douze personnes sont mortes en mer, mardi 3 septembre, lorsque le bateau sur lequel elles tentaient de rejoindre l’Angleterre s’est brisé au large de Boulogne-sur-Mer. (Pas-de-Calais)Depuis janvier, 34 candidats à l’exil sont morts dans la Manche, selon un bilan donné mercredi à franceinfo par la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord (Premar).

L’année 2024 devient ainsi la plus meurtrière depuis le début du phénomène des traversées à bord d’embarcations de fortune, enregistré depuis 2018. Le précédent record avait été enregistré en 2021, avec 31 décès (dont 27 lors d’un naufrage en novembre). En 2023, 16 personnes ont perdu la vie dans la Manche, et 5 en 2022, selon la préfecture maritime. « plus de drame » Ces derniers mois, Premar reconnaît, tout en tempérant : « Un seul naufrage peut être la cause d’un bilan catastrophique, il n’est pas forcément le reflet de l’activité de l’année. »

Comment expliquer cette hausse de la mortalité ? En termes de départs, la tendance est plutôt à la « baisse »après un pic en 2021 avec 51 000 tentatives individuelles, selon la préfecture maritime. Néanmoins, « Nous sommes restés à un niveau de volume élevé pendant trois ans, avec environ 45 000 tentatives de départ chaque année. » Depuis le début de l’année, Premar estime que 25 000 personnes ont tenté de rejoindre le Royaume-Uni.

Le phénomène a pris de l’ampleur à la fin des années 2010 en raison de la « renforcement des contrôles dans le port de Calais et le tunnel sous la Manche »ce qui rendait plus difficile l’accès à l’Angleterre via « le vecteur rail et route »rappelle Guillaume Sarrazin, membre de la police aux frontières de la Somme et du Pas-de-Calais, et délégué syndical Alliance.

« Bien que non exclusif, le principal vecteur d’immigration est désormais la voie maritime. »

Guillaume Sarrazin, délégué syndical Alliance

à franceinfo

Ce mode de transport s’avère être plus « efficace »souligne le syndicaliste, puisque 40 % des bateaux parviennent à quitter les côtes françaises sans être arrêtés, selon le ministère de l’Intérieur. Cependant, il est plus « dangereux ». « Les populations migrantes sont préparées à embarquer sur des bateaux en mauvais état, sans savoir nager et sans gilets de sauvetage, ainsi le moindre accroc dans la traversée génère immédiatement un drame »le policier fait remarquer.

Pour les associations d’aide aux migrants, la « politique répressive » Le niveau de létalité des traversées joue un rôle majeur dans le niveau de mortalité des autorités. Quelque 1.700 policiers et gendarmes sont déployés sur le littoral français, a rappelé mardi Gérald Darmanin, assurant vouloir envoyer des moyens supplémentaires. « En raison de la militarisation toujours croissante du littoral, les départs s’effectuent de plus en plus loin, jusqu’à Dieppe. (en Seine Maritime) ou la Baie de Somme »note Flore Judet, coordinatrice de l’association L’Auberge des migrants. La traversée étant plus longue, le risque de subir des aléas climatiques ou des dégradations est d’autant plus grand.

De plus, les passeurs ont de plus en plus recours aux « bateaux-taxis », ces bateaux lancés sur les fleuves, en amont de la mer, et qui font escale au large des plages pour permettre aux exilés de les rejoindre à la nage. En vertu du droit maritime, la police ne peut pas intervenir, car les bateaux sont déjà sur l’eau. Pour les migrants, « le danger est plus grand »souligne Flore Judet, depuis qu’il faut nager « augmente le risque d’hypothermie et de noyade. »

« La présence policière très importante a pour effet de mettre une pression énorme sur les gens. Ils partent donc dans des conditions stressantes, avec des bateaux pas forcément bien préparés. »

Flore Judet, coordinatrice du Migrant Hostel

à franceinfo

Tous les acteurs interrogés témoignent de l’extrême « violence » lors des arraisonnements, aussi bien entre forces de l’ordre et migrants, mais aussi entre exilés. « Des personnes qui n’étaient pas prévues à bord du bateau, faute de moyens pour payer la traversée, tentent de plus en plus de se forcer à monter dans le bateau au moment du départ, ce qui provoque des décès par asphyxie. »raconte Guillaume Sarrazin, du syndicat de police Alliance.

Le 23 avril, Sara Alhashimi, 7 ans, est décédée à quelques mètres de la plage de Wimereux (Pas-de-Calais), devant sa famille et la police, lors d’un arraisonnement qui a tourné à la bagarre. Ce jour-là, comme elle, quatre autres personnes sont mortes, non pas noyées en mer, mais écrasées à bord du bateau. « La police intervient avec des tirs de LBD et des gaz lacrymogènes pour tenter d’empêcher l’embarquement »déplore Xavier Crombé, chef de la mission France de Médecins Sans Frontières (MSF). « Cela crée des situations de panique qui conduisent à des noyades et à des bousculades dans les bateaux. »

« La lutte contre les réseaux de passeurs a permis de réduire le nombre de bateaux emmenés vers littoral »mais ça « n’a pas découragé les gens qui voulaient traverser »poursuit Flore Judet. La militante parle de plus en plus de «« surchargé »En 2022 et 2023, les bateaux accueillis en moyenne « 50 à 60 migrants »rapporte la préfecture maritime. Il compte aujourd’hui « 70 à 80, parfois même jusqu’à 100 » par pneumatique. « Avec ce seul facteur, on multiplie le risque de naufrage. »note le porte-parole de Premar, Etienne Baggio.

Alors que les départs en 2018 ont été effectués « uniquement pendant la journée, en été, lorsque les conditions météorologiques sont favorables »les passeurs prennent maintenant « risques accrus, partir dans de mauvaises conditions météo, de nuit, sans s’arrêter pendant l’hiver »note le policier Guillaume Sarrazin. De plus, « Les bateaux semblent moins sûrs qu’avant »précise le procureur de Boulogne-sur-Mer, Guirec Le Bras. « Certains migrants ont même le sentiment d’être dans une situation de danger évident et appellent à l’aide. »

Cette mortalité était-elle prévisible ? « A chaque fois que les contrôles aux frontières sont renforcés, les migrants et les réseaux adaptent leurs stratégies, ce qui les conduit à prendre davantage de risques »note Camille Le Coz, directrice associée du Migration Policy Institute Europe. La chercheuse regrette « une réponse essentiellement « sûr », au détriment de « l’organisation de l’accueil des migrants en France, le développement de politiques de retour volontaire ou encore la mise en place de passages sûrs vers le Royaume-Uni ».

« La lutte contre les passeurs fait partie de la solution, mais nous ne pouvons pas nous passer d’une approche globale. »

Camille Le Coz, Directrice associée du Migration Policy Institute Europe

à franceinfo

« Coûteuse d’un point de vue financier et humain, la politique actuelle est inefficace, car elle n’empêche pas les traversées »« Plus de 21 600 exilés ont déjà réussi la traversée sur des bateaux pneumatiques depuis le début de l’année, un chiffre sans précédent, selon les autorités britanniques », ajoute Xavier Crombé, de MSF. « Nous ne demandons pas une ouverture générale des frontières, mais de reconnaître qu’un des critères d’une politique migratoire doit être son coût. humainpoursuit Xavier Crombé. Aujourd’hui, celui-ci est extraordinaire. »

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

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