Comment expliquer la présence de moustiques en plein automne ? Cinq questions à un entomologiste
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L’insecte, qui était auparavant un invité surprise incontournable des vacances d’été, est désormais visible jusqu’en décembre dans certaines régions. Un entomologiste explique à franceinfo les causes et les conséquences de ce phénomène.
Début novembre, les moustiques, habituellement cantonnés à la période estivale, continuent de nous attaquer, de jour comme de nuit. Comment l’expliquer et quelles en sont les conséquences ? Frédéric Simard, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement de Montpellier, apporte un éclairage sur la question.
franceinfo : Les moustiques nous piquent de plus en plus tard dans l’année. Est-ce juste un sentiment ?
Frédéric Simard : Ce n’est pas qu’une impression, il y a encore des moustiques fin octobre ! L’année dernière, nous avons capturé le moustique tigre jusqu’en décembre dans la région Occitanie. Les moustiques ne sont plus confinés à l’été, car l’été s’allonge, conséquence du changement climatique. Les températures sont encore très douces, les pluies sont abondantes. Les caves inondées constituent par exemple d’excellents terrains larvaires pour le moustique commun, le culex.
« Donc il y a de l’eau et de la chaleur, c’est optimal pour le développement des moustiques. »
Frédéric Simardsur franceinfo
Et cela risque de durer tant qu’on n’aura pas de baisse de température, avec des gelées. On voit que la période de surveillance renforcée du moustique tigre s’étend du 1er mai au 30 novembre, mais on se rend compte que cela n’est plus suffisant. On commence à voir des larves se développer, voire des adultes, à partir du mois d’avril.
Quelles sont leurs stratégies pour passer l’hiver ?
Les œufs du moustique tigre n’éclosent pas en hiver, car cela est essentiellement déterminé par la durée du jour par rapport à la nuit, la photopériode. Ainsi, actuellement, de moins en moins d’œufs éclosent. Mais les femelles nées il y a quelques jours ont une longévité importante, car les conditions sont idéales. Ce sont surtout ceux-ci qui continuent de nous gêner, alors que la production de moustiques elle-même diminue à l’approche de l’hiver. Le culex passera l’hiver à l’âge adulte, entrera dans les caves ou grottes et cessera toute activité, en état d’hibernation. Et au début du printemps, ils sortiront pour pondre et créer une nouvelle génération.
La lumière artificielle peut-elle perturber cette trêve hivernale ?
C’est une question de recherche. Lorsqu’il y a de la lumière artificielle, le moustique tigre, qui pique pendant la journée, piquera tard dans la nuit. La pollution lumineuse peut avoir un impact sur toute la biologie de ces moustiques en milieu urbain, mais il est trop tôt pour donner des résultats.
Comment se débarrasser de ces moustiques ?
Ce n’est qu’avec des températures inférieures à dix degrés que l’on pourra se débarrasser des moustiques actuellement adultes. Mais les œufs de moustiques tigres sont insensibles aux variations extérieures, ils résistent au gel. Ils sont placés dans l’environnement, et n’attendent que le printemps pour éclore. Ce sont des petites bombes à retardement que nous avons partout dans nos jardins, dans nos coupelles de pots de fleurs. Le fait qu’ils se remplissent et sèchent régulièrement favorise l’installation de ces œufs. Vous devez donc vider vos tasses, surtout au printemps, ce sera très important de le faire. L’automne est une bonne période pour nettoyer le jardin, ou le balcon, ou encore pour retirer les gamelles des chiens qui traînent.
« Il ne faut pas tout attendre des pouvoirs publics, puisque selon les chiffres, le moustique tigre se produit principalement dans les espaces privés, et non dans l’espace public. »
Frédéric Simardsur franceinfo
Il est de la responsabilité de chacun d’éviter de produire des moustiques qu’il faudra ensuite éliminer à l’aide d’insecticides.
Quel est l’impact de cette activité accrue des moustiques ?
Le moustique tigre peut transmettre les virus de la dengue, du chikungunya et du Zika. Pour le culex, c’est West Nile ou Usutu. L’allongement de la période d’activité des moustiques augmente encore le risque de transmission de ces virus importés chaque jour en France métropolitaine par les voyageurs en provenance des zones tropicales où les épidémies sévissent. Il y a une pression constante. En conséquence, maintenant qu’elles touchent les pays riches du Nord, il y a davantage de financements pour la recherche sur ces maladies. On les connaît de mieux en mieux, et les autorités réagissent aussi. Ces maladies sont soumises à déclaration obligatoire même si, pour l’instant, aucun décès directement lié à ces infections n’a été recensé en France métropolitaine.