DÉCRYPTAGE – Cette épidémie, également observée dans de nombreux autres pays, a atteint un niveau sans précédent depuis « au moins 25 ans », selon l’Institut Pasteur.
Avec plus de 100 000 cas et une trentaine de décès, la France connaît sa pire épidémie de coqueluche depuis plus d’un quart de siècle. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer cette recrudescence.
Une épidémie de coqueluche observée en France « depuis le début de l’année 2024 avec une circulation très importante de la bactérie qui s’est intensifiée ces derniers mois »a résumé mercredi l’agence Santé publique France. Cette épidémie, également observée dans de nombreux autres pays, a atteint un niveau sans précédent en France depuis « au moins 25 ans »selon l’Institut Pasteur.
Plus de 130 000 cas ont été recensés depuis le début de l’année, selon les chiffres de l’agence sanitaire Santé publique, qui se basent sur les consultations de médecins libéraux. Le mouvement s’est accéléré tout au long du printemps avant de se poursuivre de manière soutenue durant l’été. Et, depuis le début de l’année 2024, 35 décès ont été liés à la coqueluche, dont 22 enfants, en majorité des bébés de moins d’un an.
La coqueluche, caractérisée par une toux bien spécifique, constitue en effet avant tout un danger pour les plus jeunes. Cette maladie bactérienne, très contagieuse, est souvent bénigne, mais peut entraîner de graves complications respiratoires et neurologiques, parfois mortelles chez les bébés.
C’est dans ce contexte que les autorités sanitaires ont appelé en plein été à resserrer le filet vaccinal. Celui-ci, obligatoire pour le nourrisson lui-même, est recommandé pour tous les contacts proches avec lui, ainsi que pour la mère pendant la grossesse. La vaccination est en effet très efficace et protège bien les bébés contre les formes graves. Mais elle n’intervient qu’à quelques mois, d’où l’importance de vacciner l’entourage des tout-petits.
Une bactérie plus virulente ?
Mais « S’il est vrai qu’en France, la vaccination a largement contribué à réduire le nombre de cas, la coqueluche continue néanmoins de circuler de manière cyclique, avec des pics épidémiques observés tous les trois à cinq ans entre 1997 et 2019. »a rappelé l’Institut Pasteur cette semaine. Ensuite, « Alors qu’on aurait pu s’attendre à un pic épidémique en 2022 ou 2023, il a été retardé »Il a continué. Cette fois-ci, nous y sommes et avec une ampleur particulière.
Pourquoi un tel rebond ? Plusieurs hypothèses ont été avancées, dont la conséquence de la crise du Covid en 2020-2021, comme pour d’autres résurgences épidémiques, comme celle de la rougeole. Les multiples restrictions sanitaires mises en place à l’époque, dont les confinements, ont limité l’exposition des uns et des autres à de multiples pathogènes. « Il est possible que (…) nous ayons moins stimulé l’immunité globale de la population, ce qui se fait souvent par des infections asymptomatiques »selon les auteurs d’une étude impliquant l’Institut Pasteur et Santé Publique France.
Mais ces travaux, publiés en août dans la revue Eurosurveillance, formulent une autre hypothèse, fondée sur l’examen d’échantillons prélevés sur une soixantaine de patients atteints de coqueluche depuis le début de l’année. Chez ces patients, la bactérie Bordetella pertussis, à l’origine de la maladie, avait un profil bien particulier. Dans la plupart des cas, elle contenait deux protéines généralement absentes avant la période Covid : la pertactine et l’adhésine FIM2.
Maintenant, ces deux protéines « jouent un rôle essentiel dans l’adhésion des bactéries aux cellules » permettre la respiration « et dans la modulation de la réponse de l’hôte »l’institut a noté. « Leur prédominance actuelle, contrairement à ce qui était observé avant la « période Covid », pourrait aussi expliquer la très forte circulation actuelle de la coqueluche »selon ces chercheurs.
En revanche, une autre hypothèse semble moins privilégiée : celle d’un recul de la vaccination, sur fond d’accès réduit au système de santé en période de confinement. « Rien ne prouve que la vaccination contre (la coqueluche) ait diminué en France, même si on a observé des retards durant les premiers jours de la pandémie »a pris note de l’étude Eurosurveillance.