Les survivants de la ville endeuillée de Paiporta ont violemment exprimé leur colère dimanche, lors de la visite du couple royal, du Premier ministre et du président de la région. Le symbole de la critique des autorités.
Après cinq jours de deuil, explosion de colère, jets de boue, projectiles et insultes. Les habitants de Paiporta ont violemment attaqué le roi Felipe VI d’Espagne, la reine Letizia, le premier ministre espagnol Pedro Sanchez et le président de la région de Valencia Carlos Mazon, dimanche 3 novembre, lors de la première visite de ce dernier sur les lieux des inondations qui ont fait au moins 217 morts. dans le sud-est de l’Espagne mardi. La délégation a été accueillie par des cris de« Meurtriers, assassins » dans cette ville du sud de Valence. Des images saisissantes qui ont mis en lumière la colère des victimes envers les autorités.
Les caméras ont notamment filmé des passants jetaient de la boue et autres projectiles en direction du couple royal et des hommes politiques. Plus que le roi Felipe,L’hostilité de ces habitants était dirigée contre Carlos Mazon et Pedro Sánchez. « Mazon démissionne ! », « Combien de morts ? », « Dehors ! »» ont crié les personnes présentes, qui ont accusé la région et l’État de les avoir abandonnés pendant et après le drame.
Le gouvernement régional de Valence fait l’objet de critiques pour avoir envoyé trop tard mardi un message d’alerte téléphonique aux habitants. L’agence météorologique espagnole avait pourtant placé la région en « alerte rouge » dès le début de la matinée, comme on peut le constater sur son compte X. Mais ce n’est que vers 17 heures que l’organisme régional chargé de coordonner les secours en cas d’urgence. Et le message d’alerte demandant aux habitants de ne pas sortir de chez eux, envoyé aux téléphones et accompagné d’un son strident, n’a été diffusé qu’après 20 heures par la Protection Civile.
Selon de nombreux témoignages recueillis sur place par France Télévisions, beaucoup ont été surpris. À Paiporta, les téléphones ont reçu le message d’alerte à 20h10 « Les alarmes ont retenti alors que nous avions déjà de l’eau partout. Nous avions déjà sauvé une femme avec ses deux bébés, un homme enfermé dans sa voiture”explique Txelo Enrique, un habitant, à franceinfo. A Chiva, à l’ouest de Valence, même constat. María José, une habitante, a déclaré à l’AFP que lorsque la pluie s’est intensifiée, « Nous n’avons reçu aucune alerte, donc ma fille est quand même allée à l’école. » « Ce n’est qu’à 23 heures que les gendarmes m’ont prévenu que la rivière avait débordé »assure-t-elle.
En raison des dégâts subis par le réseau téléphonique, d’autres riverains ont reçu des alertes avec un retard important, parfois le lendemain de l’envoi, comme le constate France Télévisions. En effet, certaines victimes comme Juan, interrogé dimanche par franceinfo dans Alfafar, sont convaincues que « De nombreux décès auraient pu être évités si les alertes étaient arrivées plus tôt ».
Des critiques rejetées en masse par le président de la région, Carlos Mazon. Il assure avoir suivi le protocole d’urgence en vigueur. « Dès le début, les alertes ont été émises par tous les canaux habituels par lesquels les alertes rouges ont toujours été émises »a-t-il dit le vendredi X.
Une fois la catastrophe survenue, c’est le manque de réactivité des autorités qui est pointé du doigt. Pour certaines victimes, les secours aux habitants auraient pu être déployés plus rapidement. « Ici, on est en train de mourir »Oscar Hernandez, un habitant de Chiva, a témoigné samedi à l’AFP « en colère ». « Le président de la région (de Valence) n’a pas bougé »il a dénoncé, exigeant « une enquête » pour déterminer « responsabilités ». Une sinistrée de Paiporta a tenu le même discours jeudi sur franceinfo :
« Personne n’est venu nous voir, ils ne nous ont rien dit, ils ne sont pas venus nous apporter de la nourriture ou un colis. Cela fait deux jours que nous essayons de survivre.
José Enrique, résident de Paiportasur franceinfo
A Alfafar, plus au sud, le « Les autorités nous ont laissés tranquilles »a regretté Estrella Caceres, 66 ans, samedi. « Merci aux gens qui sont venus nous aider, merci à tous, car du côté des autorités, il n’y a personne. » Le maire de la ville, Juan Ramon Adsuara, a exprimé le même sentiment : « Bien sûr, nous sommes en colère contre Alfafar, car nous avons besoin du déploiement de l’armée. J’ai demandé au gouvernement et au ministre de déployer tous les moyens, aériens ou autres. »a-t-il témoigné vendredi à RFI.
En marge de la visite des dirigeants politiques et du couple royal dimanche, l’incompréhension est également courante. « Que cherchaient-ils avec cette visite ? Les gens sont très en colère. Pedro Sánchez aurait dû venir le premier jour avec une pelle »agace un résident à proximitéEl País. « Je comprends l’indignation sociale »a répondu le président régional Carlos Mazon, sur X, à l’issue de ce déplacement houleux.
Pour répondre à ces critiques, la région et l’exécutif ont d’abord rejeté toute responsabilité. Le conservateur Carlos Mazon, soutenu par le chef de son parti d’opposition, Alberto Nunez Feijoo, a dans un premier temps renversé le gouvernement du socialiste Pedro Sánchez. Avant de changer de ton, après une réunion, jeudi, et de parler d’une même voix. «Je réitère encore une fois ma gratitude aux membres du gouvernement»a-t-il notamment déclaré.
Samedi, le président de la région de Valence a promis des mesures d’aide économique et un retour à l’ordre, après des informations faisant état de pillages. « Il y a des gens qui se sont peut-être sentis seuls, impuissants, sans protection et je comprends ça »a-t-il admis.
Un peu plus tôt, Pedro Sanchez avait annoncé le doublement des renforts de policiers et de gardes civils envoyés là-bas, de 5 000 à 10 000, et annoncé l’envoi de 5 000 militaires supplémentaires, portant leur effectif total à 7 500, soit « Le plus grand déploiement de forces armées jamais réalisé en Espagne en temps de paix ». Des renforts, décidés quatre jours après le drame, n’ont pas suffi à calmer les esprits.