Comment Emmanuel Macron s'est piégé avec son critère de « pas de censure » du futur Premier ministre
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Comment Emmanuel Macron s’est piégé avec son critère de « pas de censure » du futur Premier ministre

Comment Emmanuel Macron s’est piégé avec son critère de « pas de censure » du futur Premier ministre
Emmanuel Macron photographié à l'Élysée le 24 juillet (illustration)
STÉPHANIE LECOCQ / AFP Emmanuel Macron photographié à l’Élysée le 24 juillet (illustration)

STÉPHANIE LECOCQ / AFP

Emmanuel Macron photographié à l’Élysée le 24 juillet (illustration)

POLITIQUE – Le poison de l’inertie se concentre dans une formule, distribuée à la presse avant le premier tour de consultations pour Matignon, vendredi 23 août. Il s’agissait de poser comme condition à toute nomination la capacité d’obtenir « une majorité large et stable  » à l’Assemblée nationale. Emmanuel Macron avait alors dévoilé son jeu. Ce ne sont pas les députés qui jugeront sur la base des preuves le projet d’un Premier ministre, comme le prévoient pourtant les institutions.

C’est le chef de l’Etat qui, sur la base de ce que veulent bien lui dire les partis représentés au Parlement, élimine par avance les candidatures qu’il considère vouées à s’écraser face à la représentation nationale. La candidature de Lucie Castets a été officiellement rejetée pour cette raison, même s’il est évident que le projet de  » éclatement  » portée par la candidate du NFP constitue la véritable cause de sa révocation, comme l’a rapporté L’Express.

« Stabilité institutionnelle »

 » Ce n’est pas un jeu vidéo, ce n’est pas « on perd une partie et on recommence ». Il y a un risque budgétaire, le gouvernement britannique continue de payer la facture et les erreurs de Liz Truss « , esquivait récemment un conseiller de l’Elysée, pour justifier le refus du président de la République de laisser Lucie Castets tenter sa chance à l’Assemblée nationale au risque très probable d’une censure votée de concert par le camp présidentiel, la droite et le Rassemblement national.

Cela a cependant permis à Emmanuel Macron de déguiser sa décision politique en censure préalable au nom de « stabilité institutionnelle « , s’est paradoxalement retourné contre lui. Car, en fait, il fait dépendre sa décision du bon vouloir des trois principaux blocs de l’Assemblée. Bernard Cazeneuve ? Accepté par le bloc central, mais censuré par le NFP et le RN. Lucie Castets ? Soutenue par la gauche mais censurée par le camp présidentiel, Les Républicains et le RN. Xavier Bertrand ensuite ? Validé par la Macronie et Les Républicains, mais censuré aussi par le NFP et le RN.

Même la brève option  » technique « , évoqué à travers le procès de Thierry Beaudet suivi lundi, n’échappe pas à cette tentation irrésistible des partis d’exercer leur droit de vie ou de mort, sans même avoir à assumer la responsabilité du vote de censure.  » Il y a une forme d’immaturité dans la classe politique, où tout le monde dit « pas d’arrangement ». Donc je ne vois pas comment il s’en sort, sauf en donnant vraiment les clés du camion à la gauche ce qui démontrerait sa position minoritaire à l’Assemblée. Ce qui permettrait de passer à autre chose. « , décrypte pour Le HuffPost Mathieu Souquière, politologue et expert associé à la Fondation Jean-Jaurès.

La RN devient un faiseur de rois

Pour l’heure, force est de constater que le président de la République peine bel et bien à sortir de l’impasse où son critère de « « incensurabilité » La gauche continue de revendiquer Matignon, tandis que la droite (dont les effectifs ont pourtant fondu au Palais Bourbon) réclame la nomination d’un Premier ministre de cohabitation issu de ses rangs. Au centre, le bloc central trace des lignes rouges incompatibles avec la gauche (maintien de la réforme des retraites en l’état, notamment), tout en continuant à rêver d’arracher le PS au NFP (ce qui ne semble pas devoir se produire) pour s’assurer une majorité qui n’aurait pas besoin de la clémence du Rassemblement national pour survivre. Un vœu pieux à ce stade.

D’autant que le RN entend se présenter à l’Élysée comme un faiseur de rois. D’où cette ouverture (au prix d’une contradiction spectaculaire) de la mise en place d’un « gouvernement technique « . Problème : comment le chef de l’Etat pourrait-il accepter les conditions de  » non censuré  » du Rassemblement national, alors que le seul message clair des élections législatives, marquées par un solide  » Front républicain  » Soutenue par une participation record, reste-t-elle la barrière au RN ? Une barrière qui, rappelons-le, a permis l’élection de 50% de ses troupes au second tour.

Il apparaît donc hautement probable qu’Emmanuel Macron devra revoir sa position, puisque l’hypothèse d’une personnalité qui échapperait de facto à une motion de censure n’existe clairement pas, ni à gauche, ni dans son camp, ni au RN. C’est impossible maintenant. Vu le temps d’attente, tout le monde est agacé. « , souffle-t-il au HuffPost un conseiller ministériel. Dès lors, cette perspective représente un risque sérieux pour Emmanuel Macron, lui qui a justifié l’attente et le refus de Lucie Castets au nom justement d’une « stabilité institutionnelle  » qu’il n’aurait pas pu garantir. Qu’il le veuille ou non, il a choisi de devenir responsable de la chute éventuelle du futur Premier ministre.

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