A l’origine du come-back du spritz, cet alcool né dans le nord de l’Italie a peu à peu conquis les bars du monde entier, le hissant au rang de star de la mixologie. Retour sur son histoire.
S’il n’est pas rare de voir des verres teintés d’orange aux terrasses des bars français, dans le nord-est de l’Italie, et dans la région de Vénétie plus précisément, c’est une religion. Né à Padoue en 1919, à deux pas de Venise, l’Aperol fait partie de la liste désormais longue des bitters italiens qui se sont exportés bien au-delà des frontières transalpines. S’il a certes connu ses heures de gloire, notamment dans les années 60 et 70, l’Aperol connaît depuis une dizaine d’années un véritable âge d’or. En témoigne son lien désormais indissociable avec la recette du cocktail désormais le plus consommé aux États-Unis selon Forbes, le spritz.
D’où vient l’Aperol ?
Pas besoin d’être un expert en étymologie pour voir qu’il existe un lien entre Aperol et le mot « apéro », bien connu de notre côté des Alpes. En 1912, les frères Luigi et Silvio Barbieri reprennent la fabrique de liqueurs de leur père Giuseppe. C’est en 1919, lors d’un voyage à Paris que Silvio, ayant entendu les Français réclamer leur « apéro », s’en inspire. Durant la même période, Luigi se ressource dans les montagnes et ramène des fleurs et des plantes afin de créer un nouveau « mélange » à faible teneur en alcool. La liqueur doit son goût à un mélange d’infusions de fruits, d’herbes et de racines. Elle est principalement élaborée à partir d’eau, de sucres, d’alcool et donc de ces arômes. Selon la marque, sa recette originale est restée inchangée depuis sa création. Cette même année 1919, les frères présentent officiellement la liqueur à la Foire internationale de Padoue, parmi 600 exposants. Ils n’hésitent pas à faire la publicité de leur création, mettant en avant sa couleur, l’orange.
Un succès essentiellement local
Au début des années 1950, l’Aperol était simplement connu en Vénétie. À une cinquantaine de kilomètres de Padoue, à Venise, les barmen souhaitaient rendre le spritz plus attrayant. L’orange de l’Aperol leur semblait être une solution de choix. Le cocktail que nous connaissons tous maintenant était né, et il permit même à l’Aperol d’éclipser les autres amers que furent le Campari et le Select.
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Un autre événement va lui donner une dimension nationale. 1965, il est 20 h 20, les familles italiennes sont devant leur téléviseur, branchées sur la Programma Nazionale, la première chaîne de télévision d’Italie. C’est l’heure du « Carosello », dix minutes pendant lesquelles Tino Buazzelli, acteur vedette au look unique, anime des publicités humoristiques. Deux minutes d’entre elles sont consacrées à Aperol. Dans son sketch, Tino Buazzelli incarne un homme amnésique. Le comédien oublie tout, sauf Aperol : « Ah, Aperol ! Voilà un nom qu’on n’oublie pas ». La boisson passe alors dans une autre dimension.
Une stratégie réussie
La société Fratelli Barbieri est vendue en 1991 à la société Barbero 1891 puis rachetée par le géant des spiritueux Campari en 2003, un tournant pour la marque. A cette époque, Aperol avait une image rétro. Celle d’un alcool bu en Italie, et notamment dans sa région natale, la Vénétie. Pour remettre Aperol au goût du jour, cela impliquait de l’associer au spritz, et une stratégie bien pensée, liée à l’image du cocktail. Campari décide de servir le spritz dans de grands verres à vin, le présentant comme un cocktail chic.
L’Aperol-spritz va étendre son influence, d’abord dans les pays voisins. Les touristes allemands et autrichiens, alors en vacances dans le nord-est de l’Italie, vont adopter l’orange du spritz et le rapporter dans leurs valises. Les habitudes de l' »apéro » changent aussi dans les années 2000 et le cocktail devient une véritable alternative au classique verre de vin. Après l’Allemagne et l’Autriche, il débarque en France, en Suisse, en Belgique, puis une fois l’Europe conquise, il traverse l’Atlantique. A l’aide d’une campagne de communication léchée, l’Aperol-spritz poursuit son ascension exponentielle. Les ventes d’Aperol ont été multipliées par cinq au cours des dix dernières années, faisant de la marque la locomotive du groupe Campari. Son chiffre d’affaires a augmenté de 23 % en 2023, signe que l’Aperol-spritz n’a pas fini d’inonder les verres.