Le NFP a promis de déposer une motion de censure contre le gouvernement Barnier, tandis que le RN attend de juger sur les faits sans écarter l’option. Le danger pourrait aussi venir d’ailleurs pour les ministres.
Formé dans la douleur, le gouvernement de Michel Barnier va-t-il perdurer dans la durée ? Telle est la question. Le Premier ministre lui-même sait que son exécutif est à la merci d’une motion de censure. « Mon mandat est fragile, mais nous ferons de notre mieux », a-t-il reconnu sur le plateau du JT de 20 heures. France 2le dimanche 22 septembre 2024, au lendemain de la nomination de son gouvernement.
Michel Barnier et ses 39 ministres n’échapperont pas aux motions de censure, qui risquent d’être nombreuses, mais ils espèrent les surmonter. La première tentative de renversement de l’exécutif devrait intervenir à l’ouverture de la session ordinaire de l’Assemblée nationale, après le discours de politique générale du Premier ministre, le 1er octobre. Le Nouveau Front populaire (NFP) devrait en être à l’origine et plus précisément le Parti socialiste (PS) comme l’a indiqué Olivier Faure, chef du parti politique, sur Twitter. France 222 septembre. L’initiative est loin d’être une surprise puisque le NFP avait promis en août de censurer tout gouvernement qui ne serait pas de gauche et/ou dirigé par Lucie Castets.
La motion de censure promise par la gauche, a priori défendue par les socialistes, a toutefois peu de chances d’aboutir. « Je sais très bien que Marine Le Pen a décidé de donner sa bénédiction au gouvernement Barnier et donc je ne pense pas qu’elle votera la motion de censure », a anticipé le chef du PS, reconnaissant que le texte sera « probablement voué à l’échec ».
Pour être adoptée, une motion de censure doit recueillir la majorité des membres composant l’Assemblée au moment du vote, soit 289 voix si les 577 élus siègent le jour du scrutin. Or, la coalition NFP compte 182 députés, des voix supplémentaires sont donc nécessaires et cette réserve de voix se retrouve dans les rangs des 126 députés du Rassemblement national (RN). Le parti d’extrême droite a toutefois refusé de censurer le gouvernement avant de connaître sa politique et entend donc donner au moins quelques jours, voire quelques semaines, de sursis aux nouveaux ministres et au locataire de Matignon.
Le renversement du gouvernement Barnier reste très probable
Si la première motion de censure ne devrait pas signer la fin du gouvernement Barnier, moins de deux semaines après sa nomination, d’autres textes du même acabit pourraient renverser l’exécutif quelques semaines plus tard seulement. La gauche est déterminée à censurer le gouvernement et l’extrême droite ne ferme pas non plus la porte à cette idée. Au contraire, le RN aime jouer le rôle d’arbitre : il pose les conditions de son soutien au gouvernement et menace de le censurer si les exigences ne sont pas satisfaites. « Nous jugerons sur les preuves. (…) C’est nous qui déciderons si ce gouvernement a un avenir ou non » a déclaré le député RN Jean-Philippe Tanguy sur le site de l’hebdomadaire FN. France Inter 23 septembre. Jordan Bardella semble déjà pencher d’un côté de la balance après l’officialisation du casting de l’équipe ministérielle : « Ce ‘nouveau’ gouvernement marque le retour du macronisme par une porte dérobée. (…) C’est donc un gouvernement qui n’a pas d’avenir », a déclaré le président du RN dans un message sur X.
Les élus d’extrême droite ne sont pas les seuls à être tentés de censurer le gouvernement. Leur allié Eric Ciotti, qui a annoncé son départ du parti Républicain, l’a fait savoir sur RTL qu’il « votera une motion de censure s’il y a des impôts qui frappent à la fois les Français et les entreprises ». Le Premier ministre a pourtant ouvert à plusieurs reprises la voie à une hausse des impôts pour certaines catégories de personnes et d’entreprises, notamment les plus aisées, avant le vote du budget 2025.
Plus inattendu, le soutien à une motion de censure pourrait venir des rangs du parti de Macron. Le parti présidentiel et les partis politiques alliés (MoDem, Horizons, UDI) soutiennent le gouvernement puisqu’ils y participent, mais l’aile gauche de la coalition pourrait se désolidariser et s’opposer à l’exécutif. Certains élus comme Sacha Houlié ont quitté le groupe de députés Ensemble pour la République (EPR) pour siéger en tant que non-inscrits et ne pas être tenus d’apporter un soutien forcé. D’autres comme Stella Dupont n’excluent pas une potentielle censure : « C’est possible, même si ce n’est pas du tout ce que je souhaite. Il faut de la stabilité, du travail, du compromis. Mais il faut des gens ouverts, pragmatiques. La ligne extrêmement dure de nombreux ministres m’inquiète », a-t-elle déclaré sur Twitter. RMCSelon elle, le « gouvernement est trop à droite et ne reflète pas les aspirations des Français ».
Des jours, des semaines ou des mois pour le gouvernement Barnier ?
Difficile de savoir si et quand le gouvernement Barnier pourrait être renversé. Il a au moins dix jours devant lui puisque même si une motion de censure est déposée le 1er octobre, elle ne sera votée que deux jours plus tard. L’article 49 de la Constitution prévoit qu’une motion de censure ne peut être votée que « quarante-huit heures après son dépôt ». Pour le reste, cela dépend de la récurrence avec laquelle les motions de censure sont déposées. Il n’y a pas de limite au nombre de fois que les motions peuvent être déposées. Les seules règles fixées sont que chaque texte doit être signé par un dixième des élus de l’Assemblée nationale, soit 58 députés, et que chaque élu ne peut signer plus de trois motions de censure par session parlementaire, c’est-à-dire entre octobre et juin.
La gauche, forte de 182 élus, peut à elle seule déposer jusqu’à neuf motions de censure. Les élus du RN peuvent en défendre au moins six, et c’est sans compter les textes qui pourraient venir de dissidents des groupes politiques censés soutenir le gouvernement…
GrP1