Les nouvelles les plus importantes de la journée

cohabitation, Assemblée sans majorité… Quels scénarios pour la France ?

Le résultat des élections législatives prévues les 30 juin et 7 juillet s’annonce incertain. Selon la répartition des sièges à l’Assemblée, le pays pourrait connaître une cohabitation ou un blocage.

Publié


Temps de lecture : 5 minutes

L'Assemblée nationale lors des questions au gouvernement, le 13 février 2024 à Paris.  (MAXPPP)

La dissolution de l’Assemblée nationale, annoncée le 9 juin par Emmanuel Macron après les élections européennes, a ouvert une période inédite dans l’histoire de la Ve République. Et les élections législatives, qui se tiendront les 30 juin et 7 juillet, apparaissent plus incertaines que jamais. Si le camp présidentiel veut encore y croire malgré sa lourde défaite aux élections européennes, une victoire du Rassemblement national ne semble plus impossible, alors que les forces de gauche tentent de mettre toutes les chances de leur côté en s’alliant sous le drapeau bannière d’un Nouveau Front Populaire.

Le verdict des urnes déterminera la couleur des 577 sièges de l’Assemblée, et donc celle du futur gouvernement. Les macronistes retrouveront-ils leur majorité absolue perdue en 2022 ? Le chef de l’Etat sera-t-il contraint de cohabiter avec le RN ou la gauche ? L’hémicycle élu par les Français ne produira-t-il pas de majorité claire ? Franceinfo se penche sur les scénarios qui pourraient se jouer au lendemain du 7 juillet.

1 Une majorité macroniste

C’est le scénario rêvé d’Emmanuel Macron, qui assurait le 11 juin Le Figaro Magazine oui « va gagner ». C’est aussi l’un des moins probables, la situation politique étant encore moins favorable qu’en 2022 pour les troupes du chef de l’Etat, qui n’avaient alors pas réussi à obtenir la majorité absolue.

Avec une majorité macroniste – Renaissance, Modem, Horizons, UDI – à l’Assemblée nationale, le président de la République pourrait nommer un Premier ministre issu de son camp. Gabriel Attal resterait-il alors à Matignon ? ? Le chef du gouvernement sortant est en tout cas en tête de la campagne majoritaire et se présente à nouveau candidat à la députation. Si le camp présidentiel retrouve sa majorité perdue lors des élections législatives de 2022, il pourra poursuivre l’examen des nombreux projets de loi restés en suspens, comme ceux sur la fin de vie ou la fusion des entreprises publiques de l’audiovisuel.

En cas de victoire, Emmanuel Macron s’est montré ouvert à l’idée de modifier certaines des priorités d’un futur gouvernement Renaissance lors de sa conférence de presse du mercredi 12 juin. Le chef de l’État a par exemple proposé « suppression d’un échelon territorial » et suspendu la réforme constitutionnelle concernant la Nouvelle-Calédonie.

2 Une majorité d’opposition

Fort de sa large victoire aux élections européennes, le Rassemblement national – qui comptait 88 députés à l’Assemblée sortante – espère remporter un majorité absolue. La gauche espère faire de même avec son alliance, le Nouveau Front Populaire. Si l’un des deux blocs obtenait la majorité, une période de cohabitation s’ouvrirait. Ce scénario ne s’est produit que trois fois sous la Ve République : de 1986 à 1988, entre le président François Mitterrand et Jacques Chirac, de 1993 à 1995, entre François Mitterrand et Edouard Balladur, et de 1997 à 2002, entre Jacques Chirac, devenu président, et Lionel Jospin. Ainsi, en cas de majorité absolue pour le RN, Jordan Bardella pourrait être nommé à Matignon. A l’inverse, une personnalité de gauche serait choisie pour diriger le gouvernement en cas de victoire du Nouveau Front populaire.

Selon l’article 8 de la Constitution, c’est le Président qui est chargé de nommer le Premier Ministre. Mais en cas de victoire de l’opposition aux élections législatives, Emmanuel Macron devra, selon l’usage, nommer un chef de gouvernement issu de ses rangs. LE « centre de gravité » le pouvoir se déplacerait donc vers le Premier ministre, puisque l’article 20 de la Constitution prévoit que « c’est le gouvernement, et non le Président de la République, qui ‘détermine et conduit la politique de la nation' », explique le Conseil constitutionnel.

« Un président exerçant pendant la cohabitation est placé dans un rôle quasiment effacé ; le plus classique que l’on rencontre dans d’autres régimes parlementaires », précise Alexandre Frambéry-Iacobone, chercheur en droit à l’université de Bordeaux, dans un article sur The Conversation.

En pratique, le président conserve encore plusieurs prérogatives, liées à la politique internationale et aux forces armées. Selon la Constitution, c’est lui qui « négocie et ratifie les traités ». Ça peut aussi renvoyer les lois votées par le Parlement au Conseil constitutionnel et continuer de nommer les préfets et les ambassadeurs. Il préside également le Conseil des ministres.

Mais en pratique, le chef de l’État ne peut pas bloquer l’action du gouvernement et doit donc rechercher un consensus avec le Premier ministre. En cas de blocage, il dispose de l’arme ultime : la dissolution de l’Assemblée nationale. Mais, comme le précise l’article 12 de la Constitution, le président ne peut à nouveau se dissoudre dans l’année qui suit les élections législatives anticipées. De toute façon, Emmanuel Macron ne pourra donc pas user de cette prérogative avant Juillet 2025.

3 Aucun parti n’obtient la majorité absolue

Les élections pourraient aboutir à une assemblée fragmentée, dans laquelle aucun parti ne disposerait de la majorité absolue. Différents groupes politiques pourraient alors s’allier. Emmanuel Macron a laissé la porte ouverte à cette possibilité lors de sa conférence de presse, appelant : « avant ou après » les élections législatives, à un rassemblement de ceux qui auront « savoir dire non aux extrêmes ». Si la coalition présidentielle arrivait en tête, elle pourrait donc s’allier avec d’autres députés ou un autre parti pour assurer le soutien du gouvernement.

La pratique est cependant peu ancrée dans les habitudes parlementaires en France. Lors du précédent mandat, le camp macroniste n’avait pas réussi à nouer une alliance avec les 61 députés républicains. S’il n’obtient qu’une majorité relative, le RN pourrait tenter d’aller chercher des appuis, par exemple sur les bancs LR. La question d’une alliance avec les troupes de Marine Le Pen déchire également le parti de droite depuis le début de la campagne.

Dans la même situation, le Nouveau Front populaire pourrait aussi chercher des alliances, avec certains élus macronistes ou divers gauchistes. En fonction des alliances nouées après l’élection, une situation de cohabitation pourrait donc se mettre en place. Autre possibilité, la constitution d’une alliance anti-RN si ce dernier arrive en tête sans majorité absolue, avec les partis de gauche, de droite et du centre.

Dans le cas où les partis ne parviendraient pas à former une alliance, le président devra nommer un Premier ministre chargé de gouverner à la majorité relative, comme c’est le cas depuis 2022. Les gouvernements d’Elisabeth Borne, puis de Gabriel Attal, comptaient 250 députés sur 577.

Le risque de blocage est élevé dans cette configuration, le gouvernement ne disposant pas de suffisamment de sièges pour faire adopter ses projets de loi. Certains textes peuvent être adoptés grâce à l’article 49.3 de la Constitution, qui permet de déroger au vote des députés. Elisabeth Borne l’a utilisé à 17 reprises entre 2022 et 2023. Mais l’Assemblée peut rejeter le texte en votant une motion de censure, ce qui a pour effet de contraindre le gouvernement à la démission. Éventualité à laquelle l’exécutif sera particulièrement exposé, la menace d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée ne pourra être brandie par Emmanuel Macron avant juillet 2025.

Quitter la version mobile